(Ottawa) La réunion du comité de la défense des Communes au cours de laquelle les députés devaient débattre, lundi matin, de la convocation de la cheffe de cabinet du premier ministre Justin Trudeau a été annulée sans préavis.

Cette annulation est survenue peu de temps après que le chef conservateur Erin O’Toole eut demandé à M. Trudeau de congédier sa cheffe de cabinet, Katie Telford.

Les membres du comité devaient poursuivre lundi matin le débat amorcé vendredi sur la possibilité de convoquer Mme Telford. Les membres des oppositions au sein du comité veulent interroger la cheffe de cabinet du premier ministre sur le traitement réservé par le gouvernement en 2018 à une allégation d’inconduite sexuelle visant le général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense. M. Vance, aujourd’hui retraité, a nié toutes les allégations qui le visent.

« Il semble que Mme Telford a mis en place un système pour cacher (l’allégation) au premier ministre et pour s’assurer que rien ne soit fait », a déclaré M. O’Toole lundi. « C’est complètement inacceptable. »

M. Trudeau a soutenu à plusieurs reprises, récemment, qu’il n’était pas au courant il y a trois ans de l’allégation d’inconduite visant M. Vance.

Qui savait quoi en mars 2018 ?

Mme Telford est sous les feux de la rampe depuis qu’un ancien proche conseiller de M. Trudeau, Elder Marques, a suggéré au comité, le mois dernier, que la cheffe de cabinet du premier ministre était au courant à l’époque de l’allégation visant le chef d’état-major. L’ombudsman militaire d’alors, Gary Walbourne, venait de révéler en mars 2018 l’allégation au ministre de la Défense, Harjit Sajjan.

M. Trudeau a défendu sa cheffe de cabinet la semaine dernière, même s’il avait déclaré aux journalistes et aux députés que personne au sein de sa garde rapprochée ou au cabinet du ministre Sajjan ne savait que l’allégation contre M. Vance était de nature sexuelle. Pourtant, les conservateurs ont mis en évidence des documents internes du gouvernement suggérant que les responsables des deux bureaux étaient au courant d’une allégation.

Les détails de la plainte visant M. Vance n’ont pas été confirmés publiquement, mais Global News a rapporté qu’il s’agissait d’un courriel obscène envoyé à une subalterne en 2012, avant qu’il ne devienne chef d’état-major. M. Vance n’a pas répondu à nos demandes de commentaires, mais Global soutient qu’il a nié toute conduite inappropriée. Il fait actuellement l’objet d’une enquête de la police militaire.

Les libéraux ont soutenu qu’ils avaient suivi toutes les étapes appropriées lorsque M. Walbourne a soulevé l’allégation chez le ministre, mais qu’ils n’avaient pas pu aller plus loin parce que l’ombudsman ne pouvait fournir plus d’informations sur les détails aux hauts fonctionnaires responsables d’examiner la plainte.

Les partis d’opposition et des experts soutiennent toutefois que le gouvernement aurait pu — et aurait dû — déployer plus d’efforts pour enquêter, d’autant plus que M. Vance menait personnellement à l’époque un combat contre les inconduites sexuelles au sein de l’armée.

Débat amorcé vendredi

Le débat sur la convocation de Mme Telford au comité de la défense des Communes avait débuté vendredi après-midi, mais les députés libéraux au sein du comité ont longuement pris la parole, de sorte que la réunion a été suspendue sans qu’on puisse adopter une résolution. Le débat devait reprendre lundi matin, mais les membres de l’opposition ont appris peu avant le début de la réunion qu’elle était annulée.

Le porte-parole conservateur en matière de défense, James Bezan, a accusé la présidente du comité, la libérale Karen McCrimmon, d’avoir annulé de son propre chef cette réunion, dans le but de protéger Katie Telford et le gouvernement, dans le cadre d’une vaste entreprise de dissimulation. « Il est clair que les libéraux sont plus intéressés à protéger Katie Telford que les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes », a-t-il écrit.

La députée McCrimmon n’a fourni aucune explication pour sa décision d’annuler la réunion, affirmant dans un communiqué que « le comité se réunira à nouveau plus tard cette semaine ». Le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Randall Garrison, a qualifié de « sans précédent » cette décision. Mme McCrimmon a déclaré plus tard à la Chambre que la réunion de vendredi aurait lieu comme prévu.

Le chef conservateur, Erin O’Toole, a quant à lui annoncé que son parti déposera mardi aux Communes une motion demandant au premier ministre Trudeau de congédier Mme Telford dans la foulée de l’affaire Vance. Puisque les députés de l’opposition sont majoritaires en Chambre, la motion pourrait être adoptée, mais il ne s’agit pas de motion de confiance et elles ne lient pas le gouvernement.

Mais le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Randall Garrison, a affirmé que son parti n’appuierait pas la motion conservatrice. M. Garrison estime que la façon dont le gouvernement devait traiter l’allégation visant M. Vance en 2018 était de la responsabilité du premier ministre et du ministre de la Défense, Harjit Sajjan, et non de la cheffe de cabinet de M. Trudeau.

Le Bloc québécois, de son côté, demande au président de la Chambre de mandater le Comité permanent de la procédure et des affaires afin qu’il détermine si le premier ministre Trudeau a « délibérément menti à la Chambre ».