Le cercle social de Sébastien Duclos a été infecté à la COVID-19. M. Duclos est cet entrepreneur de Saint-Narcisse-de-Beaurivage qui est au cœur d’une éclosion qui a touché 20 personnes1.

Son histoire a fait les manchettes ces derniers jours. C’est lui qui a choisi de la publier, pour faire œuvre utile.

Sébastien Duclos a parlé de « petites négligences » pour expliquer l’infiltration de la COVID-19 dans sa famille, qui a culminé avec une tante qui a fait un AVC aux soins intensifs.

À Pâques, il y a eu quelques visites de la famille, tirez-vous une bûche, voulez-vous une bière, ben oui, les enfants, vous pouvez jouer ensemble…

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« Si la COVID-19 laissait des boutons verts dans la face des gens, je pense que nous serions moins enclins à baisser la garde », écrit notre chroniqueur.

La COVID-19 n’avait pas trop frappé dans ce village de Lotbinière ; dans l’atelier de soudure et de mécanique qu’il exploite, M. Duclos avait lui aussi baissé la garde… Ainsi que ses employés. Le masque, a-t-il dit, il le négligeait parfois.

Puis, quelques jours plus tard, boum, la COVID-19 a frappé la tribu de Sébastien Duclos, famille et employés. Il a raconté la douleur, les maux de tête, ses ados terrassés ; lui-même, gros travaillant, incapable d’aller travailler. Et il a raconté sa culpabilité : « Je me sentais tellement cheap, je me sentais comme un gars chaud qui a pris son char pis qui a frappé quelqu’un. Je me sentais comme un irresponsable… »

Je ne vais pas lancer de roches à M. Duclos. Bien sûr, il a triché. Bien sûr, les gens autour de lui ont pris des risques. Mais il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’espérer la perfection des millions d’humains qui composent une société.

M. Duclos a triché, il a baissé la garde. Même chose pour les gens autour de lui. Si la COVID-19 laissait des boutons verts dans la face des gens, je pense que nous serions moins enclins à baisser la garde. Mais c’est une maladie invisible, ou presque : le champ de bataille est dans les hôpitaux. C’est facile d’imaginer que la pandémie n’existe pas, n’existe plus. Facile, enfin, oui, à moins d’être en Inde, disons ; en Inde, la pandémie est devenue très visible, avec ces malades qui meurent dans les parkings des hôpitaux surchargés…

M. Duclos a triché. Je vais vous étonner, mais je connais plein de monde qui ont triché, depuis 14 mois. Je pense que la prise de risques est un spectre très large et qu’il y a une différence entre aller visiter illégalement une amie dépressive et organiser un party-pas-de-masques pour générer des clics dans la complosphère…

Même que certaines personnes ont pu passer à travers grâce à de petites tricheries. J’insiste : petites. Je n’encourage personne à tricher : je constate. Mais c’est une chose d’aller visiter un ami déprimé et esseulé dans le cadre de porte… Et c’en est une autre d’organiser un party dans votre garage en vous filmant sur Facebook.

Je pense qu’il y a eu au Québec depuis 14 mois de la tricherie de nécessité, de survie. Il y a de la tricherie de bête négligence. Comme celle racontée par Sébastien Duclos.

Et il y a la tricherie idéologique, la tricherie portée par les trolls qui propagent des faussetés comme le-virus-existe-pas, le-masque-sert-à-rien, faut-le-pogner-pour-le-tuer, l’immunité-naturelle-est-bien-meilleure-que-le-vaccin, les-Suédois-ont-compris-eux-autres, c’est-juste-une-grippe-lol : tout ce discours qui est l’équivalent sanitaire ces jours-ci de jeter des BPC dans la rivière qui fournit l’eau potable de la ville…

Le discours des gens de la manif de samedi, à Montréal.

La fleur…

L’effort de vaccination québécois est enfin cette voiture de course roulant à toute vitesse promise par l’État. L’essence, ce sont les vaccins. Il y a quelques semaines, l’État avait des vaccins, mais peinait à les injecter dans les bras des Québécois. Ce n’est plus le cas, avec l’ouverture de la vaccination à tous.

Et deux millions de vaccins Pfizer s’en viennent dans les quatre semaines du mois de mai.

La fleur : le pilote-ministre Christian Dubé a réussi à dompter une machine obsédée par les petites cases qui roulait trop lentement jusqu’à récemment. Ce n’est pas une mince tâche.

… et le pot

Cuisiné par Manon Massé dans une commission parlementaire, le premier ministre Legault a émis l’idée d’un autre temps qu’un appartement montréalais pouvait se louer 500 $-600 $ par mois… Même les montants qu’il a avancés pour des apparts en colocation étaient sortis d’une époque depuis longtemps révolue.

On peut difficilement en vouloir à un homme de 63 ans propriétaire depuis longtemps de ne pas connaître exactement le loyer moyen d’un appartement montréalais. Pour les apparts à louer, il est de 1310 $ par mois selon une enquête du Devoir, citée par Mme Massé.

Depuis plusieurs semaines, tous les grands médias parlent de problèmes d’accès au logement et à la propriété. Savez-vous pourquoi ? Parce que… tout le monde en parle.

C’est un problème pressant pour les gens qui louent des appartements et pour des gens qui veulent acheter des condos, des maisons. Louer, acheter : c’est dur, ces jours-ci, particulièrement dans le Grand Montréal, mais de plus en plus ailleurs aussi. En effet, on entend des histoires de gens qui ont de la misère à se loger à Québec, dans Lanaudière, à Saint-Hyacinthe… En Gaspésie.

Les déclarations de M. Legault s’ajoutent aux déclarations complètement surréalistes de la ministre de l’Habitation, la semaine dernière. Andrée Laforest a lancé à La Presse, dans une entrevue accordée à ma collègue Isabelle Dubé, une salade de mots à peine compréhensible qui se résumait à ceci : le montant d’une transaction immobilière est confidentiel, et cela est juste et bon, car si un individu ne veut pas révéler combien il a payé pour un condo, c’est son droit…

C’est faux, archifaux : une transaction immobilière est tout sauf confidentielle. L’intégrité du marché immobilier dépend notamment de la publicité des montants des transactions.

On comprend que l’État québécois ne puisse pas régler tous les problèmes de logement d’un coup de baguette magique, mais les faits de base semblent échapper à ceux qui ont quand même quelques outils pour aider la crise à se résorber.

> Lisez l’article de Radio-Canada sur Sébastien Duclos