J’ai eu des frissons et des maux de tête carabinés. J’ai gobé une quantité nettement déraisonnable d’Advil et de Tylenol. Pour tout dire, j’ai eu l’impression de m’être fait rouler dessus par un autobus.

Mais qu’importe. Je l’ai reçu. Le passeport pour la liberté. La promesse du retour à la vie d’avant.

La semaine dernière, j’ai rejoint le club des vaccinés. Je ne dis pas ça pour me vanter, mais pour vous encourager à sauter dans le train, vous aussi.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« Les effets secondaires du vaccin se sont évaporés en deux jours. C’était un bien modeste prix à payer pour avoir l’assurance de ne pas me retrouver branchée de partout aux soins intensifs », écrit notre chroniqueuse.

Vous me direz que je m’y prends bien mal avec mon histoire d’autobus. On a vu meilleure influenceuse…

Les effets secondaires du vaccin se sont évaporés en deux jours. C’était un bien modeste prix à payer pour avoir l’assurance de ne pas me retrouver branchée de partout aux soins intensifs.

Et pour retrouver une vie normale. Enfin.

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Pas tout de suite, bien sûr.

Je n’encourage évidemment personne à brûler ses masques dès sa sortie de la clinique de vaccination.

La Santé publique non plus. Au contraire, ses représentants au Canada et au Québec préviennent que même après avoir reçu la deuxième dose, il ne faudra pas s’attendre à un retour immédiat à la normale.

Par prudence, parce qu’on n’en sait pas encore assez sur les vaccins et les variants, il faudra continuer à porter le masque, à pratiquer la distanciation physique, à éviter les réunions entre amis…

Le message est prudent, compréhensible, mais un peu décourageant. Un peu trop, peut-être.

« Il faut donner de l’espoir aux gens », dit Alex Carignan, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CIUSSS de l’Estrie — CHUS. À force de répéter qu’il ne faudra rien changer une fois immunisés, craint-il, on risque de donner aux gens l’impression qu’il est inutile de se faire vacciner.

Une fausse impression : rien n’est plus loin de la réalité.

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« Dans les prochaines semaines, de plus en plus de Québécois auront reçu deux doses, dit le DCarignan. Et ce qui est quand même assez clair, c’est qu’après deux doses, il y a une excellente protection. »

Pas seulement pour les personnes immunisées. De plus en plus d’études montrent que le vaccin élimine non seulement les risques de mortalité et d’hospitalisation, mais aussi celui de contracter et de transmettre le virus.

Québec gagnerait à diffuser davantage ce message, croit le DCarignan. Mieux : il gagnerait à nous dire clairement ce que nous pourrons faire, une fois immunisés.

C’est ce que font les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), aux États-Unis. Leur liste d’activités autorisées est plutôt courte, mais elle a le mérite d’être limpide et, surtout, encourageante.

Les Américains pleinement vaccinés peuvent ainsi se réunir, à l’intérieur, sans masque. Ils peuvent rendre visite à des personnes non vaccinées qui ne risquent pas de développer de maladies graves. Ils peuvent voyager sans avoir à faire de quarantaine au retour.

On ne parle pas de gros partys. On ne recommande surtout pas de faire comme si la pandémie n’existait plus. Quand même : on offre un avant-goût de liberté.

C’est mieux que rien. Beaucoup mieux.

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Il est encore trop tôt pour imiter les CDC, estime pourtant Gaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec. « Il reste quelques mois avant de pouvoir parler de tout ça. D’ici à ce que tout le monde ait reçu deux doses, on sera à la fin de l’été, dans le meilleur des cas. »

L’Agence de la santé publique du Canada est aussi d’avis que le temps n’est pas encore venu de dresser la liste des libertés que pourront s’offrir les Canadiens immunisés.

Ça ne va pas assez bien. En Ontario, surtout, où les hôpitaux débordent. Mais aussi dans les Maritimes et dans l’Ouest canadien. À l’échelle de la planète, la pandémie continue de faire des ravages. En Inde, c’est l’apocalypse.

Ça ne va pas assez bien, mais ça pourrait peut-être, un jour, bien aller. Regardez Israël. « On voit les impacts majeurs de la campagne de vaccination », très avancée dans ce pays, souligne le DCarignan.

Là-bas, on s’approche de l’immunité collective. Le 15 avril, les Israéliens ont célébré leur fête nationale sur les terrasses, à la plage, dans les parcs et les restos bondés. Les touristes (vaccinés) seront de retour en mai.

Là-bas, on s’approche d’une sortie de pandémie.

Pour y arriver, l’État hébreu a — entre autres — imposé un passeport vaccinal. L’accès aux restos, salles de spectacles, piscines et autres lieux publics est interdit aux Israéliens qui n’ont pas reçu les deux injections.

Mon collègue Patrick Lagacé a plaidé samedi en faveur de l’instauration d’un passeport semblable au Québec. C’est sans aucun doute un argument massue pour inciter les récalcitrants à se faire vacciner.

Mais avant de sortir le bâton, Québec pourrait d’abord agiter la carotte. Donner espoir. Élargir le champ des possibles des Québécois immunisés.

Parler un peu de la vie qui nous attend, après le vaccin.