On a reproché à François Legault de jouer au yoyo avec les mesures sanitaires. Et c’est vrai, ce va-et-vient lancinant a exaspéré des Québécois. Mais ce défaut vient aussi avec une qualité.

Quand le premier ministre constate une erreur, il n’a pas peur de l’avouer, puis de la corriger. Moins d’une journée après sa pénible annonce sur le masque à l’extérieur, il avait déjà corrigé le tir.

Cette humilité et cette rapidité l’honorent. M. Legault a mis les freins juste à temps. Car il y avait urgence. S’il ne revenait pas sur ses pas, l’adhésion aux mesures sanitaires était menacée.

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Si Québec maintenait l’imposition rigide du masque à l’extérieur, il risquait de laisser les gens croire que les règles n’étaient pas claires ni pertinentes. Et donc, de les inciter à décrocher en bloc.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Jeune femme recevant un constat d’infraction, samedi, au parc Jeanne-Mance, à Montréal

La population répond à sa façon au yoyo. Quand une mesure lui semble aller trop loin, elle réagit dans le sens contraire.

Si vous perdez confiance dans le gouvernement pour le masque à l’extérieur, vous risquez aussi de moins le suivre pour les autres consignes.

Ce risque de ressac, la Santé publique et le gouvernement Legault en sont conscients depuis le début. Mais cette fois, ils ont sous-estimé la grogne populaire. Et ils y ont contribué en expliquant maladroitement la consigne.

La confusion a commencé le 6 avril lors de l’annonce sur les mesures d’urgence dans certaines régions. Cette journée-là, Québec imposait le port du masque à l’extérieur pour les gens se tenant à moins de deux mètres d’une personne ne faisant pas partie de leur bulle familiale. Une mesure forte… qui n’avait pas été révélée en conférence de presse ! Il fallait fouiller dans le décret pour l’apprendre.

Je ne pense pas que M. Legault voulait le cacher. Ce serait absurde – après tout, pour que l’interdiction soit respectée, il faut qu’elle soit connue. C’était moins un manque de transparence qu’une grossière maladresse.

Puis, mardi, l’exigence a été resserrée. Le masque devenait obligatoire notamment pour deux amoureux qui n’habitaient pas à la même adresse, ou les joueurs de golf et de tennis qui se trouvent à 10 mètres l’un de l’autre.

Certains en ont déduit que le gouvernement « N’ÉCOUTE PAS LA SCIENCE ! ! ! ». Ce serait oublier que la recommandation venait de la Santé publique. Les médecins disent que le risque de contamination à l’extérieur est beaucoup plus faible, sans être nul.

On craignait que cette faible probabilité, multipliée par un nombre élevé de rassemblements dans les parcs, n’entraîne une quantité non négligeable de cas. Et on voulait aussi envoyer le message que la situation restait préoccupante.

Pour ces mesures sanitaires, dire qu’il suffit d’écouter la science est un peu simpliste. Il faut aussi évaluer le risque et gérer la psychologie populaire.

Mais en plus du ressac, il y a un autre aspect qui me semble avoir été mal évalué : l’applicabilité de la mesure. Je me suis promené dans les parcs la fin de semaine dernière. Le non-respect de la distanciation était fréquent. Ce n’est pas un jugement moral, c’est une constatation.

Il était donc difficile pour les policiers d’intervenir. Forcément, ils devaient cibler certaines personnes et en laisser d’autres tranquilles, leurs interpellations paraissaient arbitraires et injustes, et la violation des consignes était banalisée.

Il y avait aussi un effet d’émulation négative. Je donne un autre exemple vécu : dans un parc pour enfants, tous les parents portaient un masque, et dans un autre, personne ne se protégeait. Dans le premier parc, celui qui arrivait avait le réflexe de mettre son couvre-visage, alors que dans le second, il était incité à le laisser de côté, de crainte de paraître zélé.

Pour toutes ces raisons, l’imposition rigide du masque à l’extérieur ne passait pas, et elle nuisait à l’adhésion aux autres mesures.

On peut certes critiquer la décision initiale du gouvernement caquiste. Mais il me semble qu’il faudrait surtout saluer sa rapidité à la corriger.

Une petite irritation, en terminant : M. Legault recourt de plus en plus au géant Facebook pour faire ses annonces. Il contourne les journalistes et s’épargne les questions difficiles.

C’est une chose de profiter des réseaux sociaux pour parler de ses lectures ou d’anecdotes personnelles. C’en est une autre d’y faire les annonces officielles du gouvernement.

Je sais, le premier ministre fait beaucoup de conférences de presse. Et oui, il y a la pandémie. Mais elle a parfois le dos large…