Ce fut un bon congrès. Un quoi, dites-vous ? Eh oui, pendant que vous vous prélassiez dans les parcs de Montréal pour profiter du beau temps, les membres de Projet Montréal tenaient leur 9e congrès annuel.

Je m’y suis intéressé de près, car, on peut très bien l’imaginer, les nombreuses propositions formulées ou amendées samedi et dimanche devraient servir de base au programme électoral que présentera le parti au cours des prochains mois.

Au fil des interventions, j’ai perçu beaucoup d’aplomb, mais aussi une grande cohérence. L’ensemble des idées forment un tout solide.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Les interventions étaient dans l’ensemble bien amenées. Il n’y a pas eu trop de tataouinage. Qu’il s’agisse d’environnement, de transport collectif, de relance commerciale, d’habitation ou de vie de quartier, les thèmes ont été abordés avec lucidité.

On sent que Projet Montréal est en accord avec son époque. On peut ne pas être d’accord avec la vision globale de ce parti, mais force est d’admettre que les idées mises de l’avant gravitent autour du bien-être des citoyens et favorisent un concept de vie urbaine à échelle humaine.

Il n’y a pas eu de grandes surprises. Projet Montréal demeure Projet Montréal. Mais comme Valérie Plante l’a précisé dans son discours inaugural, samedi matin, son parti a besoin d’un second mandat pour amener ses idées plus loin.

C’est sûr que l’on souhaite davantage de pistes cyclables (une participante a par ailleurs souligné qu’on offrait peu de place aux piétons dans le document de travail), c’est sûr que l’on veut prolonger des projets de transport collectif vers les quartiers limitrophes, c’est sûr que l’on souhaite encore plus de parcs et d’espaces verts.

L’ADN du parti est plus fort que jamais.

Si vous pensiez qu’en prévision des prochaines élections municipales, Projet Montréal allait édulcorer son programme pour rallier un plus vaste électorat, vous vous trompez. Le 9e congrès annuel du parti, qui a eu lieu en mode virtuel, a été l’occasion d’ancrer encore plus solidement les principes qui l’ont porté au pouvoir en 2017.

Un bon exemple de cela est cette proposition misant sur l’économie circulaire, en « encourageant contractuellement le recyclage des matériaux de construction dans les chantiers urbains et l’utilisation de nouvelles technologies dans la gestion des matières résiduelles ».

Un participant a proposé de changer le terme « encourageant » pour « obligeant ». « Si on ne force pas les gens à changer leur mentalité, il n’y a rien qui va se passer », a-t-il dit.

La journée de samedi s’est fort bien déroulée. Elle fut productive, malgré de nombreux petits pépins techniques (Ah, ces participants qui laissent leur petite main affichée pour rien…) et un programme trop chargé qu’on n’a pu couvrir au complet. Mais alors que la séance allait prendre fin, une participante a proposé que les sections 15 et 16, prévues dimanche, se fassent à huis clos.

Ces sections touchaient les sujets de la discrimination raciale, de l’itinérance, de la lutte contre les inégalités, des espaces publics sûrs pour les femmes et de la sécurité publique. Pour cette participante, ces sujets « sensibles » pourraient donner l’occasion aux journalistes présents d’en faire « leurs choux gras ».

Après avoir reçu deux interventions favorables à cet amendement, la présidente du congrès, Sophie Deleuil-Millette, a demandé aux militants de voter. Ceux-ci se sont dits en faveur du huis clos dans une proportion de 81 %.

C’est à ce moment que le conseiller Alex Norris a exprimé son plus total désaccord. « Projet Montréal n’a absolument rien à cacher », a-t-il dit, ulcéré. M. Norris a rappelé que son parti a toujours défendu la transparence. Pour lui, cette proposition était absolument irrecevable.

Il a été appuyé par une collègue, qui s’est dite « bouleversée » par cette suggestion. On a senti un certain malaise… La présidente, qui aurait dû donner la parole à ces deux personnes avant de procéder au vote, a ensuite demandé aux militants de voter de nouveau. Ceux-ci ont quand même maintenu cette demande de huis clos dans une proportion de 57 %.

Il est franchement étonnant de voir que les militants de Projet Montréal aient adopté un amendement si contraire à leur philosophie qui tend à défendre la liberté d’expression et la transparence.

J’ai tenté de déterminer ce qu’il pouvait y avoir de « sensible » dans les propositions qu’on a souhaité aborder loin des « observateurs externes ». À part l’article qui demande que l’on revoie « la nécessité que tous les agents portent une arme à feu », je ne vois rien d’autre.

Dans cet exercice où l’harmonie a beaucoup régné (on a souvent entendu dire « je suis contre cette proposition, mais très faiblement »), il faut maintenant voir ce qui sera retenu de tout cela et, surtout, comment on précisera la teneur de ces idées pour en faire des engagements électoraux limpides pour les citoyens.

On veut revoir les opérations de déneigement et de salage, mais ça veut dire quoi ? On veut diversifier les sources de revenus de la Ville, mais ça veut dire quoi ? On veut créer une taxe kilométrique sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal et obtenir du gouvernement le droit de l’appliquer à la première couronne, mais cela veut dire quoi ? On veut aider les jeunes familles à s’offrir un logement abordable, mais cela veut dire quoi ?

Il ne fait aucun doute qu’en « gardant le cap », comme l’a dit Valérie Plante au cours du week-end, Projet Montréal comble sa base électorale. Mais saura-t-il conserver ceux qui ont voulu « essayer » ce parti en 2017 ? Saura-t-il séduire la large part d’indécis ?

Normalement, le discours de clôture d’un congrès est l’occasion de résumer les décisions prises au cours de l’évènement. Mais il ne faisait aucun doute, dimanche en fin d’après-midi, que pour Projet Montréal, ce congrès constituait le lancement de la campagne électorale municipale. Avec son concept de relance de Montréal en 500 jours (lire le texte de mon collègue Philippe Teisceira-Lessard), Valérie Plante semblait être d’attaque.

Sa stratégie est simple : montrer qu’elle a une véritable vision d’avenir pour Montréal et les Montréalais.

La bataille qui va se jouer au cours des prochains mois s’annonce féroce. Préparez-vous à des discussions enflammées… dans les parcs de la métropole.