Elle s’appelait Rebekah Harry et le 23 mars, elle aurait été battue à mort par son conjoint. Ses proches et des militants ont honoré la mémoire de la jeune femme, septième victime de la vague de féminicides qui ébranle le Québec, samedi après-midi au square Cabot à Montréal.

Des enfants courent autour d’une statue. Plus loin, leurs parents distribuent des fleurs, qu’ils accrochent à leur manteau. Des roses pour « Bekki ».

« Rebekah était one in a million ! », s’exclame sa nièce Alyssia Frenette. Dans ses mains, une pancarte rose sur laquelle elle a écrit « Stop Domestic Violence » avec des paillettes. « Ma tante était toujours belle, elle brillait toujours. On voulait faire une pancarte à son image », explique Alyssia.

Ils étaient quelques centaines à s’être rassemblés dans le petit parc à deux pas de la station Atwater, point de départ de la marche. Au-dessus de la mêlée, des photographies de la jeune femme au sourire « contagieux » coloraient le ciel.

Le 20 mars dernier, le Service de la police de la Ville de Montréal (SPVM) a été appelé à se rendre dans un édifice résidentiel de l’arrondissement de LaSalle, où les patrouilleurs avaient trouvé Mme Harry dans un état critique. La jeune femme avait été rouée de coups de poing, avait alors précisé le SPVM.

Trois jours plus tard, Rebekah Harry, qui était maintenu en vie artificiellement, a succombé à ses blessures, devenant la septième femme au Québec tuée par un conjoint ou un ex-conjoint violent depuis février. Le suspect Brandon McIntyre, qui était toujours le conjoint de la victime au moment du crime, a été accusé de meurtre au deuxième degré. Il doit revenir devant le tribunal le 21 avril prochain.

Pas seulement une question d’argent

La semaine prochaine, Rebekah Harry devait commencer un nouvel emploi à un salon d’esthétique. Elle devait aussi voir son fils grandir. Pour l’activiste Svetlana Chernienko, porte-parole de la famille de la victime, c’est une autre femme, la septième au Québec depuis février, qui s’est fait arracher son futur.

« Je suis épuisée et malade de voir des femmes perdre la vie », laisse-t-elle tomber. Survivante de violence conjugale, Mme Chernienko interpelle le premier ministre François Legault à inviter les femmes comme elle à la discussion.

« Je suis une survivante, je sais ce dont on a besoin. Comment François Legault peut-il prendre une décision sur ce sujet quand il ne sait pas ce que ça fait de se battre pour sa vie ? » Selon elle, il ne s’agit pas simplement d’une question d’argent : il faut « changer la loi à son cœur ».

Série sanglante de féminicides

Cette marche à l’honneur de Rebekah Harry fait écho aux mobilisations contre la violence conjugale qui ont eu lieu vendredi partout à travers la province. De Montréal à Rimouski, des milliers de citoyens se sont rassemblés dans une vingtaine de villes du Québec pour honorer les huit femmes tuées par un conjoint ou un ex-conjoint violent. Certaines ont péri sous les coups de poing, d’autres à coups de hache ou de couteau. Une vingtaine d’enfants ont perdu leur mère. D’autres ont perdu une sœur, une fille ou une amie.

Dernièrement, Kataluk Paningayak, 43 ans, retrouvée morte à Ivujivik, dans le Grand Nord, aurait été tuée par son conjoint, huitième victime d’une série sanglante.

La vague de féminicides a débuté le 5 février à Kuujjuaq, lorsque Elisapee Angma, mère de quatre enfants, a été assassinée par son ex-conjoint qui venait tout juste d’être remis en liberté. Une semaine plus tard, Nancy Roy a été poignardée à mort par son conjoint dans leur immeuble résidentiel de Saint-Hyacinthe. En fin février, Marly Édouard, qui avait porté plainte en lien avec des menaces de mort, a perdu la vie à Laval après avoir reçu une balle dans la tête.

En mars, le meurtre brutal de Myriam Dallaire et de sa mère, Sylvie Bisson, dans leur résidence de Sainte-Sophie, a suscité l’émoi au Québec. L’ex-copain de Myriam Dallaire a été accusé de double meurtre. La série se poursuit avec Nadège Jolicœur, dont le corps inerte a été retrouvé le 19 mars dernier par un passant à Saint-Léonard, dans un taxi. Elle aurait été poignardée par son conjoint, qui s’est ensuite donné la mort.