Mardi soir, les Red Wings de Detroit affrontent les Predators de Nashville. Bon, je sais ce que vous pensez, il faut vraiment que je sois en manque du Canadien, club incapable de sortir de sa zone rouge, pour chroniquer à propos d’un obscur match de la LNH. Soyez patient, ce qui s’est produit soulève un débat qui dépasse les bandes du hockey.

Après cinq minutes de jeu, à la deuxième période, l’arbitre Tim Peel impose une pénalité au joueur des Predators Viktor Arvidsson, pour avoir fait trébucher le joueur des Wings John Merril. À la reprise, on constate qu’Arvidsson a à peine effleuré Merril. Ce dernier s’est plutôt enfargé dans ses patins. Infraction injustifiée. So what ? Au cours d’une saison, les arbitres rendent des centaines de mauvaises décisions. Ils donnent des pénalités qui ne sont pas méritées et n’en donnent pas qui le seraient. C’est normal. Le hockey est un sport de longues séquences très rapides où tous les protagonistes sont constamment en mouvement. Pas facile de s’y retrouver. L’important, c’est que, la plupart du temps, les arbitres du circuit Bettman prennent les bonnes décisions. Ce sont les meilleurs de leur profession.

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L'arbitre Tim Peel (à droite), lors du match des Predators de Nashville contre les Red Wings de Detroit, mardi

​Alors, il est où, le problème, il est où ? Il est là, quelques minutes plus tard, à la télé, durant l’analyse d’un jeu, quelqu’un met en ondes, malencontreusement, le micro de l’arbitre Peel, et on l’entend dire : « Ce n’était pas grand-chose, mais je voulais donner une f***** pénalité aux Predators, tôt dans la… » Oups ! Micro fermé. Trop tard. Toute la planète hockey vient d’entendre un officiel avouer son intention de punir une équipe. Bye bye, intégrité. Dès le lendemain matin, la Ligue nationale remercie Tim Peel, sans lui dire merci pour ses 23 années de service. Il faut sauver le produit. Classer l’affaire. Bien essayé. Mais c’est un peu court. Il faut être bien innocent pour croire que Peel est le seul arbitre habité par de telles intentions. Il est le seul dont le micro était ouvert pendant qu’il en faisait part. Car ce qu’il a divulgué semble érigé en système, ce que, bien sûr, personne ne revendique.

​Quel est le rôle de l’arbitre dans un match de hockey ? Pour le partisan du Canadien, c’est de donner des pénalités aux autres équipes. Pour l’amateur objectif, c’est de faire respecter le livre des règlements. Pour un arbitre, c’est avant tout de garder le contrôle. Un match de hockey, c’est une vingtaine d’athlètes qui tentent de dominer physiquement leurs opposants. De toutes les façons. Par la vitesse, le talent et la force. C’est une guerre de tranchées. À chaque instant. Et l’arbitre est au milieu de tout ça. Pour que ça ne dégénère pas. C’est comme être au milieu d’un rodéo. Avec 12 chevaux lâchés lousses. Ça va vite.

​Si les arbitres sifflaient chaque fois qu’un joueur commet une infraction, ça ressemblerait à un congrès d’ornithologues. Alors, pour ne pas gâcher le spectacle, les autorités du circuit demandent aux arbitres de se servir de leur jugement. Et c’est là que tout devient compliqué dans la vie, quand on doit se servir de son jugement.

Voilà pourquoi les arbitres en sont venus à édicter leur propre code reposant sur l’équilibre des sanctions. Question d’éviter le trouble. Faut les comprendre. Rappelez-vous, la dernière semaine de relâche, quand le plus petit n’arrêtait pas de se batailler avec le plus grand. Des fois, c’est le plus petit qui sautait sur le plus grand, des fois, l’inverse. Vous tolériez, vous tolériez, vous tolériez. Puis quand vous en avez eu assez, vous avez envoyé les deux en pénitence, dans leur chambre. Celui qui n’avait rien fait n’a pas compris pourquoi. Pas grave, ça valait pour toutes les autres fois où il était le coupable.

C’est ça, le problème. Les arbitres agissent comme des parents. Ils ne sont pas au service des règlements, mais ils se servent des règlements pour gérer les ardeurs. La LNH insiste pour qu’ils agissent ainsi. En début de saison, soyez plus stricts, durant les séries, laissez-les jouer. Ce n’est pourtant pas une garderie ! Les joueurs sont des pros. Ils sont capables de comprendre. Quand on a diminué l’accrochage, dans les années 2000, ils se sont adaptés. Pourtant, l’accrochage était aussi interdit dans les années 1990, mais on ne sévissait pas, alors ça y allait du bâton comme dans un plat à fondue. Plus les règles seront claires et applicables, plus les arbitres pourront les appliquer avec intégrité. Et en tout temps. Laissons les arbitres travailler librement. En faisant leur job d’arbitre. Pas celle de metteur en scène.

La faute de Peel n’est pas l’erreur d’un seul homme. C’est la révélation d’une façon d’agir dont nous présumions, depuis longtemps, l’existence. La Ligue nationale n’a rien réglé en congédiant Peel. Pour améliorer son sport, elle doit s’attaquer au système. Voilà comment ce fait dépasse le cadre du sport. Et s’applique à toute la société.

Bon week-end avec pas de Canadien. Il y a tant d’autres choses à faire.