Les deux infirmières renvoyées du CLSC de Joliette après avoir tenu des propos jugés racistes envers Jocelyne Ottawa, Atikamekw de Manawan, pourraient avoir droit à un arbitrage accéléré. Une entente devrait être signée dans les prochains jours à cet effet, confirme le syndicat des employées. Selon un médecin du CLSC, le congédiement a instauré une ambiance tendue et freine la réconciliation.

À la suite du processus d’arbitrage, leur congédiement pourrait être maintenu ou se solder en suspension temporaire, selon la décision rendue.

« Ça n’enlève pas le fait que Mme Ottawa se soit sentie blessée, mais le congédiement a été soudain. Il faut une enquête exhaustive qui retrace les deux versions des faits et les perceptions avant de congédier quelqu’un », explique le président du Syndicat interprofessionnel de la santé de Lanaudière, Stéphane Cormier.

Un arbitrage « ce n’est pas de facto », rappelle M. Cormier. Lors d’un congédiement, on procède à un grief – à moins qu’il y ait faute grave – et on attend la disponibilité des arbitres indépendants. Le processus peut durer jusqu’à deux ans. Dans le cas présent, l’arbitrage aurait lieu d’ici 90 jours.

Les deux employées du CLSC devaient s’adresser aux médias lundi, mais l’employeur a proposé des audiences dans les 90 prochains jours devant un juge. L’entente n’est pas encore signée.

La Presse a rencontré Jocelyne Ottawa mardi matin à Joliette, où elle se trouve toujours en convalescence.

En colère et blessée, elle n’a pas voulu commenter le congédiement des deux soignantes, les explications fournies par le syndicat ou l’éventuel arbitrage. « Ce n’est pas moi qui ai demandé qu’elles soient renvoyées. Je n’ai plus rien à dire là-dessus. »

« Très difficile dans ces conditions »

L’ambiance de travail était « mortelle » en début de semaine au CLSC, confie le DJean Guimond, omnipraticien au CLSC de Joliette qui travaille depuis 10 ans avec les deux soignantes impliquées. « C’est très difficile dans ces conditions d’offrir un service. »

Sans invalider le témoignage de Jocelyne Ottawa, il estime que le congédiement est une « arme presque mortelle dans une situation comme ça », dénoncée sur les réseaux sociaux et dans les médias. « Je ne remets pas en question la décision, je me demande si on n’a pas été trop vite. »

« Mme Ottawa a raconté comment elle s’était sentie et c’était légitime. Mais avec le congédiement, il n’y a pas eu de conversation. Si les deux infirmières avaient pu lui parler rapidement après les faits, on ne serait pas rendus là. »

« Se parler de façon sécuritaire »

Les patients autochtones n’ont plus confiance en leur système de santé et il faut instaurer des actions rapides et concrètes pour y remédier, ajoute toutefois le DGuimond.

« Il faut absolument, et surtout rapidement, développer une façon pour que les Autochtones puissent nous parler de façon sécuritaire et se sentent respectés. Le recours aux réseaux sociaux dans des cas comme ça ne fait que compliquer les choses. »

Le congédiement demeure pour le DGuimond un acte rapide qui élimine les possibilités de dialogue entre la communauté atikamekw et le personnel soignant, sans régler le problème.

Il ne peut déterminer si ses deux collègues ont fait preuve de racisme ou pas envers Mme Ottawa. « Je m’interroge sur la manière dont la direction a réagi à l’évènement, s’est dépêchée de condamner leur comportement, sans attendre une plainte formelle, et sans examiner les reproches. »

Le CISSS sera « à l’écoute »

La semaine dernière, le CISSS de Lanaudière a publié un communiqué dans lequel il assure que « tous les processus requis au déploiement d’une enquête de cette nature ont été respectés ».

« Nous avions suffisamment d’éléments en main pour justifier un manquement au code d’éthique de l’établissement et au code d’éthique et de déontologie de la profession », a ajouté Caroline Barbir, présidente-directrice générale par intérim du CISSS.

« Je comprends l’onde de choc que cela peut créer et nous serons à l’écoute des membres du personnel qui ressentent le besoin d’en parler. Je réitère toutefois l’importance de revenir à la base de ce qui doit guider le lien thérapeutique entre un professionnel de la santé et son patient – la confiance, le respect et la dignité. »