(Ottawa) Les Forces armées canadiennes élaborent actuellement une série de nouvelles initiatives visant à lutter contre les comportements inappropriés, y compris un « manuel » pour traiter les allégations d’inconduite visant les officiers supérieurs, a révélé mardi le chef d’état-major par intérim.

L’armée cherche également à mettre à jour son code de conduite pour définir plus clairement les actions inacceptables et elle cherche des moyens de mieux sélectionner ses dirigeants, a soutenu le chef d’état-major par intérim de la défense, le lieutenant-général Wayne Eyre lors de son témoignage devant le Comité permanent de la condition féminine des Communes.

Ce comité parlementaire est le deuxième à examiner le traitement réservé par le gouvernement libéral aux allégations d’inconduite sexuelle visant des officiers supérieurs de l’armée. Il s’agit notamment de l’ancien chef d’état-major, le général Jonathan Vance, et de son successeur, l’amiral Art McDonald, qui s’est temporairement retiré de ses fonctions le mois dernier, quelques semaines seulement après avoir succédé à M. Vance.

Au cours de son témoignage, le lieutenant-général Eyre a reconnu que les allégations contre de hauts dirigeants avaient « ébranlé » les militaires : il estime que l’armée se trouve à « un point d’inflexion » en ce qui concerne l’inconduite dans les rangs. M. Eyre a lié à plusieurs reprises le problème des comportements sexuels inappropriés à la « dynamique du pouvoir », en particulier « dans une hiérarchie militaire assez rigide ». Il s’agit là, selon lui, d’un des domaines que l’armée doit mieux comprendre pour lutter contre les inconduites sexuelles.

Il est peu probable, toutefois, qu’une telle analyse se développera du jour au lendemain. En attendant, M. Eyre a énuméré diverses initiatives en cours pour lutter à plus brève échéance contre l’inconduite sexuelle. Cela inclut l’élaboration du « manuel », qu’il a commandé tout de suite après avoir été nommé chef de la défense par intérim, le 24 février, pour l’« aider à faire face à tout autre incident d’inconduite visant un officier supérieur », a-t-il indiqué mardi. M. Eyre n’a pas fourni plus de détails sur ce manuel, si ce n’est pour dire que le document est maintenant à l’étape d’ébauche.

Les Forces armées canadiennes prévoient aussi de mettre à jour leur code de conduite existant, a déclaré M. Eyre, « pour ajouter beaucoup plus de détails à ce que l’on attend de chacune de nos valeurs, et ensuite s’y tenir ».

Terminer l’« opération Honour »

Le lieutenant-général Eyre a également indiqué au comité que l’armée envisageait de mettre un terme à l’« opération Honour », l’initiative globale lancée en 2015 par le général Vance lors de sa prise de commandement, en juillet 2015, pour éliminer l’inconduite sexuelle.

La lieutenante-colonelle Eleanor Taylor, qui a récemment annoncé qu’elle quittait l’armée à la suite de son incapacité à remédier aux inconduites sexuelles, a soutenu que l’« opération Honour » avait été torpillée parce que l’état-major n’avait pas su montrer l’exemple. « Nous devons maintenant apprendre de ce qui n’a pas fonctionné et aller de l’avant avec un nouveau plan », a déclaré M. Eyre au comité, mardi.

Le chef d’état-major par intérim, qui était accompagné de la lieutenante-générale Frances Allen, première femme à être nommée cheffe d’état-major adjointe au Canada, a également déclaré que les travaux avaient déjà commencé sur de nouvelles façons de sélectionner et de promouvoir les officiers supérieurs. On fera passer des tests psychologiques et on accordera plus de poids aux témoignages des subalternes, dans le but d’identifier les « comportements toxiques ».

« Nous avons commencé ce travail l’automne dernier », a déclaré M. Eyre. « Cela va progresser rapidement. Nous allons commencer aux niveaux les plus élevés, puis travailler vers le bas. »

Pour sa part, Mme Allen a déclaré avoir constaté un « changement marqué » dans la façon dont les militaires traitent les femmes en uniforme depuis qu’elle s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes. Mais elle a admis qu’on devait en faire plus.

Le chef d’état-major par intérim a comparu devant le Comité permanent de la condition féminine tout de suite après le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, qui a continué à défendre sa gestion des allégations d’inconduites visant l’ancien chef d’état-major, le général Jonathan Vance.

La police militaire enquête actuellement sur M. Vance, après que Global News a rapporté une allégation selon laquelle il était impliqué dans une relation continue avec une subalterne, liaison qui a commencé il y a plus de dix ans et s’est poursuivie après qu’il est devenu chef d’état-major.

Global a également rapporté que M. Vance aurait envoyé un courriel obscène à une autre subalterne avant de prendre le commandement des armées. M. Vance a refusé les demandes de commentaires, mais Global a déclaré qu’il niait tout acte répréhensible.

Quant à l’amiral McDonald, il fait également l’objet d’une enquête de la police militaire sur une allégation non précisée d’inconduite. Il n’a jamais commenté l’allégation.