Une réflexion s’impose sur la pertinence de cette mesure, estiment des experts

Comme chaque printemps, le Québec a avancé l’heure, dans la nuit de samedi à ce dimanche. Pour certains spécialistes, cette vieille tradition devrait toutefois être remise en question, alors que de plus en plus de données scientifiques tendent à démontrer ses impacts psychologiques et physiologiques néfastes.

« Surtout en ce moment, avec la pandémie qui bouleverse nos habitudes, de tels changements contribuent à nous fragiliser collectivement. Ça demande de l’énergie supplémentaire et ça crée aussi une certaine surcharge du système immunitaire », explique la chercheuse spécialisée en sommeil et professeure de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Évelyne Touchette.

Finalement, c’est un peu comme si « on demandait à tout le monde de faire un décalage horaire d’une heure ». « Ça peut paraître banal, mais ça demande au corps du travail pour se réadapter, se réacclimater, tant chez les enfants ou les adolescents que chez les adultes et même les personnes plus âgées », illustre Mme Touchette.

L’experte affirme qu’en 2021, une réflexion s’impose sur la pertinence de conserver le changement d’heure, qui, à la base, permettrait de réduire la consommation d’éclairage le soir, en synchronisant les heures où nous sommes tous éveillés et actifs.

« De nos jours, ça mérite d’être remis en question, d’autant qu’on a les statistiques probantes qui montrent qu’il y a une mauvaise association entre le changement d’heure et l’état biologique ou psychologique. Ça pose un risque pour la santé mentale, donc, c’est sûr qu’il faut se poser la question sérieusement. On met un peu plus la population à risque », soutient-elle.

On pourrait résumer ça à ceci : le sommeil est un besoin vital, et on demande aux gens finalement de se priver d’une heure de sommeil, donc les répercussions sont évidemment multiples.

Évelyne Touchette, chercheuse sur le sommeil, pour qui le changement d’heure peut aussi causer de l’irritabilité et « rendre certaines personnes plus moroses »

Le couvre-feu a-t-il un impact ?

Cette année, avec le couvre-feu qui demeure à 20 h dans les régions en zone rouge comme Montréal, doit-on s’inquiéter encore davantage des impacts du changement d’heure ?

« Pour l’instant, c’est difficile à dire, puisque c’est la première fois qu’on vit une situation pareille. Ce sont des choses qu’on pourra évaluer l’an prochain, avec le recul. Mais chose certaine, tout est aussi une question de perception, de la façon dont on voit ce changement d’heure et dont on l’utilise dans notre quotidien », précise au passage la chercheuse.

Mardi, le premier ministre François Legault avait laissé entrevoir que l’heure du couvre-feu pourrait être changée en zone rouge, si la situation de la COVID-19 restait stable. « J’ai fait remarquer à la Santé publique qu’en fin de semaine prochaine, on change d’heure. Donc, 20 h, c’est la même clarté que 21 h à l’avenir. Je disais ça à la Santé publique, juste pour qu’ils réfléchissent à ça », avait dit le chef de la CAQ, alors qu’on lui demandait si le Grand Montréal pouvait s’attendre à des allègements prochainement.

Le chef du gouvernement a aussi confirmé que la situation à Montréal « sera réévaluée » mardi prochain. Pour l’heure, le couvre-feu est imposé à partir de 21 h 30 dans presque tout le Québec, coloré en orange depuis lundi. Il demeure à 20 h en zone rouge.

Le sommeil des ados

Une étude du Centre de recherche Douglas de l’Université McGill réalisée en mai et en juin 2020 démontre que les adolescents ont récupéré près de deux heures de sommeil par jour grâce à la flexibilité de leur horaire au début de la crise de la COVID-19.

Toutefois, chez les adolescents qui éprouvaient déjà, avant la pandémie, des difficultés à dormir, les problèmes se sont aggravés. « C’est un défi qui est plus présent puisqu’ils bénéficient de moins de structure, en général, dans leur vie », explique le DRichard Bélanger, pédiatre et médecin de l’adolescence au CHU de Québec–Université Laval, qui rappelle que les adolescents doivent viser, grosso modo, des nuits de neuf heures.

Pour établir un cadre favorable au sommeil, l’un des éléments les plus importants, selon le DBélanger, est d’éviter l’exposition aux écrans une heure avant de s’endormir.

Avec Maude Goyer, collaboration spéciale