(Québec) La direction du Manoir Liverpool, un établissement désormais associé à la maltraitance des aînés, est déterminée à poursuivre ses activités et à blanchir sa réputation, se disant prête à traîner en cour les ministres Marguerite Blais et Christian Dubé s’il le faut, pour y parvenir.

Selon l’avocat des propriétaires de cette résidence privée pour aînés (RPA) de Lévis, Me Jean-François Bertrand, il n’est pas question que le Manoir Liverpool serve de « bouc émissaire » au gouvernement, alors que, selon lui, Québec a grandement contribué à la détérioration de la qualité des soins offerts dans les RPA, victimes de laxisme depuis des décennies.

Il y a deux semaines, un rapport particulièrement accablant concluait que de nombreux résidants du Manoir Liverpool avaient subi de la maltraitance. On pouvait lire dans le rapport que la santé, la sécurité, l’intégrité et le bien-être général des résidants avaient été compromis, en raison de graves lacunes dans l’offre de soins, notamment les soins de base d’hygiène, et ce, pendant des années.

La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, et le ministre de la Santé, Christian Dubé, avaient alors dénoncé cette situation jugée « inacceptable » et rappelé que les gestionnaires devaient être imputables.

Malgré ces critiques, appuyées par le rapport d’enquête très dur, les propriétaires du Manoir Liverpool, Manon Belleau et Claude Talbot, se montrent déterminés à poursuivre leurs activités, défiant le CISSS de Chaudière-Appalaches, voire le gouvernement tout entier.

En conférence de presse, mardi, Me Bertrand a fait valoir qu’il avait reçu le mandat de ses clients d’entreprendre des recours judiciaires, en Cour supérieure, pour faire en sorte qu’ils puissent continuer à héberger des aînés. Mais ils visent aussi à laver leur réputation, ternie selon eux à la fois par le rapport d’enquête rendu public au début du mois, et par les propos « diffamatoires » tenus par les ministres Dubé et Blais, à leur endroit.

Les ministres « devront répondre de leurs propos, de leurs paroles, en temps opportun, devant les tribunaux », a assuré Me Bertrand, qui a un an pour intenter un tel recours. L’avocat de Québec s’était fait connaître lors de la Commission Bastarache et plus récemment en représentant la famille de Joyce Echaquan.

Chose certaine, a-t-il plaidé, « on n’acceptera pas que le gouvernement du Québec instrumentalise ce dossier-là et tente de s’en servir à des fins électorales ».

« Il n’y a pas de bluff là-dedans. C’est vraiment une intention sérieuse », a assuré l’avocat, qui entend démontrer que des situations comme celles vécues au Manoir Liverpool sont attribuables à des décennies de laxisme gouvernemental, au sous-financement chronique, à la pénurie de personnel, de même qu’au fait que des RPA se font confier des cas très lourds, comme ce fut le cas au Manoir Liverpool, ouvert en 2014.

Selon lui, les gouvernements successifs à Québec ont donc une responsabilité « immense » dans les déboires rencontrés par des établissements comme le Manoir Liverpool. Il note d’ailleurs que la ministre Marguerite Blais a une longue feuille de route en tant que ministre des Aînés, ayant eu cette responsabilité de 2007 à 2012, puis depuis 2018.

« Malgré les belles promesses véhiculées, ils n’ont jamais rien fait pour améliorer le système de résidences privées pour aînés au Québec », selon lui.

Me Bertrand rejette catégoriquement le contenu du rapport d’enquête commandé par le CISSS et réclame du gouvernement une véritable enquête publique pour faire toute la lumière sur ce qui s’est produit au Manoir Liverpool. À ses yeux, l’enquête menée par le CISSS a été biaisée et bâclée.

L’avocat reproche aussi au CISSS de Chaudière-Appalaches d’avoir remis à la direction du Manoir Liverpool seulement un rapport-synthèse de l’enquête interne menée dans l’établissement, au lieu de lui avoir donné accès au rapport complet, malgré des demandes répétées.

À court terme, Me Bertrand cherche à contrer l’intention du CISSS de Chaudière-Appalaches de résilier les ententes conclues avec le Manoir Liverpool sur le transfert d’usagers et de lui retirer sa certification. Il a déposé une injonction provisoire dans ce but en Cour supérieure. Il réclame du CISSS 700 000 $ en dommages.

La relocalisation éventuelle des usagers est ainsi suspendue jusqu’au 9 mars.

Par l’intermédiaire de ses avocats, la direction du Manoir Liverpool avait tenté, sans succès, de bloquer la publication du rapport, en expédiant une mise en demeure au CISSS de Chaudière-Appalaches.

Les propriétaires de l’établissement ne se sont pas adressés aux médias.

En parallèle, une fois mis au courant du rapport controversé, le ministre de la Santé a institué une enquête extérieure visant à préciser le rôle joué par la haute direction du CISSS de Chaudière-Appalaches dans les faits reprochés, et en vue de déterminer dans quelle mesure elle était au courant de ce qui ne tournait pas rond dans l’établissement.