À partir du 26 février, une salle de cinéma pourra accueillir 250 personnes. Mais les lieux de culte restent limités à 10 fidèles. Les leaders religieux s’insurgent contre cette « discrimination ». L’archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, demande à ses ouailles de joindre leur député et la Santé publique pour s’en plaindre.

Pression populaire

Vendredi, Mgr Lacroix a publié un message dans lequel il dénonce la « discrimination » des « décisions deux poids deux mesures » au sujet des cinémas et des lieux de culte. « Aujourd’hui, il m’est plus difficile d’exprimer ma solidarité avec les décisions annoncées, car elles m’apparaissent déraisonnables et inéquitables envers les communautés de foi », écrit Mgr Lacroix, qui n’a pas voulu donner d’entrevues. « Nous ne pouvons pas demeurer silencieux devant les décisions prises par les autorités. » S’il veut continuer le « dialogue » avec le gouvernement, Mgr Lacroix invite ses ouailles à « exprimer [leur] point de vue » aux députés et aux responsables régionaux de la Santé publique. La Table interreligieuse de concertation, qui négocie depuis le printemps dernier avec le gouvernement pour que les lieux de culte bénéficient aussi des relâchements des mesures de confinement, n’est pas d’accord avec le maintien de la limite de 10 fidèles, indique l’imam Hassan Guillet, représentant musulman à la Table. « Nous avons décidé, vendredi, d’intensifier nos contacts avec le gouvernement pour demander que les lieux de culte soient traités d’une façon équitable en comparaison avec d’autres secteurs comparables », dit l’imam Guillet.

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L’imam Hassan Guillet

Pétition pour Pâques

L’archevêque de Montréal, Christian Lépine, n’a pas suivi l’exemple de Mgr Lacroix, mais indique que l’infolettre de son diocèse mentionnera une pétition intitulée « Sauvons Pâques » sur le site Avaaz. « Je ne veux pas dire aux gens quoi faire, mais je constate le désarroi des gens, dit Mgr Lépine. Cette pétition vient de la base. On dit qu’il faut s’occuper de la santé psychologique en plus de la santé physique, mais il ne faut pas oublier la santé spirituelle. » Lancée par des fidèles de la paroisse Saint-Bonaventure, à Montréal, la pétition réclame que les lieux de culte puissent accueillir un nombre variable de fidèles en fonction de leur capacité normale, comme cela se fait en Ontario et en France, et comme on le fait pour les commerces et les autres lieux publics de rassemblement. La pétition a été relayée sur les réseaux sociaux par d’autres paroisses et dépasse maintenant 6000 signatures, notamment grâce à l’appui de groupes chrétiens orthodoxes et évangéliques, selon Élisabeth Boily, de la paroisse Saint-Bonaventure. « Je ne peux m’expliquer le silence de la Table et des évêques sur la pétition, dit Mme Boily. Il me semble que nous devrions marcher ensemble pour cette cause, mais on sent comme une gêne de leur part à prendre clairement position. Comme catholique, j’aurais besoin de me sentir plus soutenue par nos responsables. »

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L’archevêque de Montréal, Christian Lépine

Des cendres par la poste

En Ontario, plusieurs régions ont pu rouvrir leurs lieux de culte à la mi-février jusqu’à 30 % de leur capacité normale. Étant donné l’incertitude, le diocèse de Sault-Sainte-Marie, dirigé depuis décembre par un ancien évêque auxiliaire de Montréal, a envoyé 6000 trousses du mercredi des Cendres, avec un peu de cendres bénies par l’évêque Thomas Dowd. « Deux des trois régions de mon diocèse sont rouvertes, mais pas la troisième, dit Mgr Dowd. Dans ce cas-là, on reste avec une limite de 10 personnes par messe. Alors on préfère garder les églises fermées. » Que pense Mgr Dowd du fait qu’au Québec, les autorités ne veulent pas permettre un nombre de fidèles proportionnel à la capacité normale des lieux de culte ? « Les autorités ont sûrement leurs raisons », dit Mgr Dowd.

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L’évêque Thomas Dowd

Chants et prières

Les chants par les fidèles dans les lieux de culte sont proscrits par la Santé publique. Mais un flou subsiste quant aux prières à voix haute par l’ensemble des fidèles, qui, dans certaines communautés, durent plusieurs minutes. « Il est clair que c’est la même chose que le chant, estime l’imam Guillet. Les fidèles ne doivent pas prier à voix haute. Dans les mosquées, ça ne pose pas problème, parce que seul l’imam doit prier à voix haute. Si un fidèle prie à voix haute, ça annule sa prière. » Mgr Lépine, de son côté, croit que les fidèles peuvent répondre à voix haute « et avec votre esprit » quand le prêtre dit « le Seigneur soit avec vous ».