(Québec) La réforme de la fonction publique actuellement à l’étude ne permettra pas d’éviter des pressions et des commandes politiques.

C’est ce que conclut l’association qui regroupe les gestionnaires de la fonction publique du Québec.

La Presse Canadienne révélait en début de semaine que des ingénieurs étaient contraints régulièrement par des hauts-gestionnaires d’autoriser des projets superflus qui allaient à l’encontre des recommandations ou des règles.

L’enjeu des pressions politiques est « toujours un risque un peu partout », a dit la représentante de l’Alliance des cadres de l’État, Anne Gosselin, à la commission parlementaire sur le projet de loi 60, qui modifie des dispositions sur la fonction publique.

« On n’a pas ces outils-là »

« Plus les processus sont bien définis, plus ils sont rigoureux, plus on évite les biais, a-t-elle répondu à une question du député péquiste Sylvain Gaudreault. Avec les paramètres qu’on a présentement dans le projet de loi 60, on n’a pas ces outils-là. »

Selon elle, l’encadrement que comporte le projet de loi à l’étude est « insuffisant » et « pourrait permettre ces situations » de pressions ou de commandes politiques.

La semaine dernière, à cette même commission parlementaire, l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ) avait fait savoir que ses membres étaient encore forcés de satisfaire des « commandes politiques », même toutes ces années après la commission Charbonneau qui devait mettre fin à ce genre de malversations.

L’ironie veut que le projet de loi 60 soit piloté par la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, qui était la procureure en chef de la commission Charbonneau.

Contre le principe

Le Parti québécois (PQ) a fait savoir mercredi qu’il allait voter contre le principe du projet de loi 60, parce que ses modalités « passent à côté de l’objectif de renouveler la fonction publique ». Le vote sur le principe est le premier vote de la Chambre avant que le projet de loi passe à l’étude détaillée, article par article, en commission parlementaire.

« Ce que nous ont dit les ingénieurs est trop gros pour qu’on appuie le principe », a fait savoir le porte-parole du PQ, le député Sylvain Gaudreault, en entrevue téléphonique.

« Nous avons entendu les préoccupations et les recommandations de fournir davantage de précisions sur les modalités et balises du nouveau processus de dotation suggéré, a pour sa part commenté le porte-parole de la ministre Sonia LeBel, Florent Tanlet. Des discussions auront lieu à cet effet dans le cadre de l’étude détaillée. »

Ponts, mur antibruit, sites d’enfouissement

Une source bien au fait du dossier a rapporté lundi une série d’exemples où des ingénieurs ont dû agir à l’encontre des recommandations qu’ils avaient formulées, en raison de pressions politiques.

Un vieux pont qui était fermé et condamné à la démolition, en raison de la présence d’un autre ouvrage à proximité, a dû être reconstruit par le ministère des Transports (MTQ) à grands frais, en raison de l’influence d’un élu, même si une étude d’ingénieur démontrait que ce ne n’était pas nécessaire.

Ou encore, un ingénieur qui a dû approuver la construction aux frais de l’État d’un petit ponceau qui mène à une pourvoirie propriété d’un riche homme d’affaires, le seul usager de cette route isolée.

En outre, le MTQ a dû construire un mur antibruit le long d’un tronçon routier, pourtant dans un champ inhabité, parce qu’une municipalité voulait favoriser le promoteur d’un éventuel projet immobilier résidentiel.

Au ministère de l’Environnement, des ingénieurs chargés d’analyser des projets de sites d’enfouissement ont été forcés d’approuver des projets, même s’ils savaient qu’ils comportaient des irrégularités potentielles.