« Les Québécois sont tannés ! Ils ont hâte de revenir à une vie normale ! » Ce sont les mots que François Legault a utilisés mardi soir pour présenter les grandes lignes d’un déconfinement à géométrie variable.

L’assouplissement des mesures par le premier ministre fera du bien au cerveau. Et à l’âme. Il n’y a pas de doute.

Le cliquetis des ciseaux de notre coiffeur sera aussi charmant à entendre que le Canon de Pachelbel. Un tableau de Borduas dans un musée procurera le même effet que des champignons magiques. Pour ceux qui pourront aller au restaurant, le hamburger-steak de Chez Madeleine rivalisera avec les meilleurs filets mignons. Et que dire du plaisir de pouvoir aller s’acheter une paire de Levi’s dans une boutique… même avec un masque et des lunettes embuées !

Du gros bonheur !

Ce retour à une certaine normalité fera du bien. Il nous permettra de voir plus clair, de reprendre des forces, de remonter certaines priorités dans le haut de la pyramide. Quand j’ai vu le week-end dernier à LCN ce reportage sur les couples polyamoureux qui ont du mal à définir la notion de cellule familiale, je me suis dit que nous avions besoin de prendre une bonne grande respiration.

En regardant cela, j’ai pensé aux centaines de milliers d’hommes et de femmes qui vivent seuls au Québec. Eux, ce sont des mois, des années, des décennies qu’ils laissent passer devant eux…

Bref, nous aurons droit à une certaine relâche. Elle vient toutefois avec des règles, des consignes et des recommandations du premier ministre et de la Santé publique. Il est à souhaiter que les Québécois les respecteront à la lettre, car il y a pire qu’un couvre-feu en hiver. Et c’est un couvre-feu au printemps.

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Cet autre « retour à la normale », après celui de l’été dernier, sera différent. Car on sait que cette fois, les choses ne reviendront pas tout à fait comme elles étaient. On sait qu’on va entrer dans l’ère de la « nouvelle normalité ».

En effet, si vous voulez avoir un certain effet en entrevue, il faut parler de « nouvelle normalité ». Cette expression est sur toutes les lèvres des observateurs, des sociologues, des philosophes, des experts en marketing ou en affaires, des spécialistes du monde du travail, etc.

Depuis un an, on ne cesse de souhaiter le retour de la normalité, de la redéfinir, de tenter de comprendre comment elle était en train de changer. Mais voilà que nous sommes en train de vivre son deuil. Doucement, sans qu’on s’en rende compte, nous avons adopté une nouvelle normalité. Nous avons compris que l’été ou l’automne prochain (les plus sages parlent de 2022), il faudra adopter et intégrer cette nouvelle normalité à notre quotidien.

Car l’erreur à ne pas faire, une fois le vaccin obtenu, serait de replonger dans nos vies en faisant abstraction des leçons de cette pandémie.

Je ne veux pas jouer les rabat-joie alors que François Legault nous donne un peu plus de liberté. Mais il faut dès maintenant réfléchir à la façon dont nous allons intégrer cette nouvelle normalité, d’abord en reprenant une à une les lacunes qui nous ont sauté au visage au cours des derniers mois : le sort des personnes âgées, l’extrême fragilité de notre système de santé, la faiblesse de notre autonomie, etc.

Tout un chantier ! direz-vous. C’est pourtant ce qui nous attend.

On s’imagine tous l’été prochain au bord d’un lac avec notre famille élargie ou une demi-douzaine d’amis. On a le droit de rêver à ce moment. Mais il faut imaginer ce tableau différemment.

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Pour vous aider à préparer l’arrivée de cette nouvelle normalité, je vous invite (je vous ordonne, devrais-je dire) à regarder l’excellent documentaire L’adaptation qui est en ligne depuis quelques jours sur ICI Tou.tv. Réalisé par Karina Marceau et animé par Boucar Diouf, ce film est un véritable remède à l’anxiété qui nous frappe tous, à divers niveaux.

Sur un ton qui n’est pas alarmiste, qui est même un brin ludique, le documentaire décortique la révolution que nous sommes en train de vivre à l’échelle mondiale sur les plans biologique, sociologique, économique et psychologique.

C’est fascinant !

Surtout, et il fallait s’y attendre avec Boucar Diouf, les thèmes abordés sont vulgarisés et offerts sur un plateau qui s’adresse à notre intelligence. Pour nous expliquer notre réticence au port du masque et comment celui-ci devrait s’installer pour de bon dans nos vies, on fait l’analogie avec le condom. En effet, ces deux accessoires jouent à peu près le même rôle.

L’une des qualités de ce film est d’inscrire les changements que nous connaissons depuis un an dans le temps et dans l’Histoire. « L’humain est un animal qui s’adapte à n’importe quoi », dit Boucar Diouf.

On aborde la question des zoonoses (maladies transmises entre l’animal et l’humain), on nous dit comment la biodiversité va nous aider à combattre les prochaines pandémies et comment la proximité et la diversité sociales sont des outils pour assurer l’équilibre en ces temps difficiles.

« La peur de la mort a toujours fait grandir l’intelligence des humains », ajoute Boucar Diouf.

C’est à cela qu’on devra réfléchir avant d’accueillir cette nouvelle normalité.

> Voyez le documentaire L’adaptation