Affligée par la fusillade mortelle de samedi dernier provoquée par les rivalités entre cliques de Montréal-Nord et de Rivière-des-Prairies, la famille endeuillée de la jeune victime déplore que le phénomène de gangs de rue gangrène certains quartiers et brise l’avenir des jeunes du secteur.

« Il faut que ça cesse, les gangs de rue. Il faut les démanteler », tranche Edith Imbert. Effondrée sur le sofa de son duplex de Montréal-Nord, elle pousse de longs soupirs en essuyant ses larmes. Son regard alourdi par le chagrin parcourt le petit salon bien décoré et s’arrête sur des portraits de ses enfants posés sur la commode. Ils sourient de toutes leurs dents, posant fièrement avec leurs diplômes.

L’un d’entre eux, Jesse Dave Chatelier, a perdu la vie dimanche matin après avoir été criblé de balles la veille. « J’avais passé la journée à cuisiner avec lui. Je l’ai retrouvé le soir sur un lit d’hôpital dans un bain de sang », dit sa mère.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Edith Imbert, la mère de la victime, le visage empreint d’une profonde tristesse

Selon des sources policières qui ne sont pas autorisées à commenter publiquement, un conflit entre deux cliques — les Profits Kollectaz et les 43 — serait à l’origine des tirs qui ont coûté la vie à l’homme de 26 ans samedi peu avant le souper. Jesse Dave Chatelier était proche des 43. Il se trouvait devant un dépanneur à l’intersection de la rue Martial et de l’avenue Des Récollets. Un groupe de jeunes se serait approché de la victime, atteinte par plusieurs projectiles.

« Les fusillades de gangs à Montréal-Nord, c’est rendu incontrôlable. Et ce sont les mères de famille qui paient », dit en sanglotant la tante de la victime, Erlène Imbert.

J’ai quitté Haïti [et voilà] que mon neveu trouve la violence ici. On travaille, on fait des efforts, mais des jeunes tombent là-dedans.

Erlène Imbert, tante de la victime

Les violentes altercations entre les 43 et les Profits Kollectaz — parfois appelés Profits Boyz — ne sont pas un secret dans le secteur. Les 43 évoluent à Montréal-Nord, alors que les autres sont établis à Rivière-des-Prairies.

« Des fois, des jeunes d’ici vont à Rivière-des-Prairies, ils ont peur de se faire confondre avec quelqu’un d’autre même s’ils n’ont rien à voir avec ça », explique Ingrid, cousine de Jesse Dave Chatelier. Ni elle ni la petite sœur du défunt ne connaissaient son entourage, dont certains font partie des 43.

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De gauche à droite : Edith (mère), Tamarah (sœur), Ingrid (cousine) et Erlène (tante)

« Il ne nous parlait pas de ses amis ou de sa vie. Il nous protégeait », pense la cousine.

Loin des gangs

« Pour éloigner ma plus jeune de cet univers, je l’ai inscrite dans un collège privé pour filles. C’est à ce point-là », poursuit Edith Imbert, infirmière auxiliaire depuis une dizaine d’années. La mère de la victime évoque sans détour le proxénétisme, la drogue, le décrochage, le manque de ressources pour aider les jeunes et les risques d’être entraîné dans des gangs de rue.

« On aime notre quartier. On a acheté nos maisons ici. Ce n’est pas vrai que c’est juste de la violence et des crimes. Mais les gangs de rue, ça nous pourrit la vie », ajoute sa sœur Erlène Imbert, également infirmière, dans un long cri du cœur.

Ça détruit des familles, ça brise le cœur des mères. On mérite que quelque chose soit fait pour éliminer ça.

Erlène Imbert, tante de la victime

Très jeune, son fils se faisait tourner autour par des membres de gangs de rue qui cherchaient de nouvelles « recrues » près des terrains de basket. C’est d’ailleurs son coach de basket qui l’a avisé de ne pas se laisser influencer. « Je l’ai inscrit dans un collège privé à l’autre bout de la ville pour ne pas qu’il tombe là-dedans. »

Violentes répliques

Deux autres fusillades sont survenues au cours du week-end à Rivière-des-Prairies. Samedi vers 19 h, un homme de 20 ans a reçu plusieurs balles à l’intersection du boulevard Gouin et de la 56e Avenue. On ne craint pas pour sa vie.

Le lendemain, une troisième victime a été atteinte au haut du corps dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. L’homme de 25 ans était devant chez lui au volant de sa voiture quand il a été ciblé. Selon nos informations, il est connu des services policiers.

Toujours selon nos sources policières, ces évènements survenus à Rivière-des-Prairies seraient des ripostes à l’homicide de Montréal-Nord.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne confirme toutefois pas de lien entre les trois évènements. « Nous n’écartons pas cette hypothèse, mais rien ne nous permet de confirmer pour le moment que les fusillades sont liées », a indiqué le porte-parole Raphaël Bergeron.

-Avec Daniel Renaud