(OTTAWA) Le NPD et le Bloc québécois joignent leur voix à celle du Parti conservateur pour exiger du gouvernement Trudeau qu’il adopte les mesures législatives nécessaires pour éviter que Julie Payette n’obtienne la pension annuelle d’environ 150 000 $ que touchent normalement les anciens gouverneurs généraux.

Au lendemain de la publication du rapport d’enquête accablant d’une firme indépendante sur le climat de travail « toxique » qui régnait à Rideau Hall durant le mandat de Mme Payette, le chef du NPD, Jagmeet Singh, et son lieutenant politique au Québec, le député Alexandre Boulerice, ont fait valoir que les allégations troublantes qui sont abordées dans le rapport justifient qu’Ottawa serre la vis.

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a été le premier à exiger que l’on prive Mme Payette des avantages financiers qu’elle pourrait recevoir en qualité d’ancienne gouverneure générale dès lundi, avant la publication du rapport d’enquête.

Une pension à vie est versée à tous les anciens gouverneurs généraux du pays, comme le veut la Loi sur le gouverneur général, selon le Bureau du Conseil privé du Canada. En plus de cette pension, les anciens gouverneurs généraux obtiennent aussi un financement public à vie pour leurs dépenses de bureau et frais de déplacement, en vertu d’un programme existant depuis 1979. Ces dépenses peuvent atteindre les 100 000 $ par année, selon les réclamations soumises au fisc canadien.

C’est le rapport de 132 pages, qui a été rendu public mercredi soir, qui a poussé Mme Payette à démissionner la semaine dernière, deux ans avant la fin de son mandat normal de cinq ans.

Selon les témoignages de près d’une centaine d’employés anciens et actuels recueillis par la firme Quintet Consulting Team, le climat de travail s’est rapidement détérioré peu de temps après l’entrée en fonction de Mme Payette, en raison des « hurlements », des « comportements agressifs » et des « humiliations publiques » qui seraient survenus à Rideau Hall.

« Comment peut-on justifier de donner un cadeau à quelqu’un qui a fait quelque chose d’aussi mal – en plus que Mme Payette a démissionné d’elle-même dans un contexte de harcèlement en milieu de travail ? », s’est demandé à voix haute Jagmeet Singh en conférence de presse avant la période des questions.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh

Si le leader néo-démocrate s’est dit disposé à légiférer pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir, il est tout de même d’avis qu’« il faut faire quelque chose maintenant pour régler cette situation », ajoutant que « si on peut changer la loi pour régler ce problème, je suis ouvert à ça ».

Son lieutenant politique au Québec s’est montré plus incisif.

« Le premier ministre doit impérativement trouver une façon de s’assurer que Mme Payette ne touche pas sa pension à vie de 150 000 $ par année ! S’il faut changer la loi, changeons-la ! », a affirmé M. Boulerice.

« Le premier ministre est entièrement responsable des conditions de travail horribles qu’ont dû endurer les employés de Rideau Hall. Le premier ministre n’a fait qu’à sa tête en choisissant de ne pas respecter le processus de sélection habituel, et ce, même si de nombreuses voix s’élevaient pour témoigner des conditions de travail tendues, voire difficiles, qu’entretenait Mme Payette avec ses collègues », a-t-il ajouté.

« On n’a pas l’intention de laisser passer ça »

Le Bloc québécois a pour sa part affirmé qu’il voudrait aussi couper les vivres à l’ancienne gouverneure générale.

« On n’a pas l’intention de laisser passer ça. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd’hui ce qu’on va faire, si on va présenter une motion, mais on regarde ça. Il faut faire [quelque chose] », a lancé le député bloquiste Rhéal Fortin en entrevue.

« La fille, elle démissionne à la suite d’un rapport dévastateur ; manifestement, elle ne devrait pas retirer une rente. Retirer une rente à la suite de ça, c’est ajouter l’insulte à l’injure », a-t-il ajouté, se disant outré que le rapport ait été publié uniquement en anglais.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est dit prêt mercredi « à regarder tous les processus en place et les améliorer si nécessaire », mais il a esquivé la question du Parti conservateur au sujet de l’annulation de la pension annuelle que doit obtenir Mme Payette.