Le 1er janvier, les Haïtiens de partout célèbrent l’indépendance de leur mère patrie en savourant un mets historique. À Montréal, certains ont saisi l’occasion pour en offrir à des gens dans le besoin.

La soupe joumou rassemble, même à distance. Avec leur projet baptisé Grenadier à la soupe !, trois âmes charitables ont voulu mettre un baume sur le cœur des plus démunis en distribuant le mets traditionnel haïtien dégusté chaque Premier de l’an pour marquer l’indépendance du pays.

Pour de nombreux Haïtiens à travers le monde, le Nouvel An est synonyme de partage.

Depuis 1804, chaque 1er janvier – date à laquelle Haïti est devenu indépendant –, on s’adonne à un délicieux rituel : on célèbre en famille ou entre amis autour d’un bon bol de l’emblématique soupe joumou. Soupe autrefois réservée aux propriétaires d’esclaves, les Haïtiens nouvellement indépendants ravis de pouvoir la déguster en ont fait un symbole de liberté, d’inclusion et de solidarité.

La pandémie n’allait pas empêcher Marilou Yoshimura-Gagnon, Myriam Joseph et son conjoint Jocelyn Bruno – alias Dramatik du groupe Muzion – de partager leur tradition favorite. « Plus que jamais, il faut être solidaire et généreux. Il ne faut pas laisser tomber l’essence des belles traditions », pense Mme Yoshimura-Gagnon.

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Marilou Yoshimura-Gagnon et Jocelyn Bruno – alias Dramatik du groupe Muzion –, se préparent à distribuer l’emblématique soupe joumou, vendredi.

À défaut de pouvoir distribuer le fameux potage en mains propres ou de s’attabler en groupe cette année, le trio tenait tout de même à l’offrir au Refuge des jeunes, à la Maison du père et à l’organisme Résilience.

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Soupe joumou préparée au comptoir de quartier Duo de chefs, à Rivière-des-Prairies

La soupe à base de courge musquée agrémentée de macaronis a un goût différent cette année, alors que les rassemblements demeurent restreints en raison de la pandémie.

La distribuer, c’est une façon de se rassembler. Ce n’est pas la même chose si on mange la soupe chacun de son côté. La symbolique, c’est que tout le monde peut la manger ensemble.

Myriam Joseph

À vos marmites

Journée chargée pour les propriétaires de Duo de chefs, un comptoir de quartier à Rivière-des-Prairies. Rémi Jean-Baptiste, son cousin Rick-Andy Jean-Baptiste, Donald Joseph et Karl-Jude Cétoute, quatre amis de longue date, se lancent des regards complices entre deux commandes téléphoniques.

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Rémi Jean-Baptiste, Rick-Andy Jean-Baptiste, Donald Joseph et Karl-Jude Cétoute, propriétaires de Duo de chefs, un comptoir de quartier à Rivière-des-Prairies

Le menu habituellement garni de divers mets haïtiens traditionnels ou réinventés (poutine griot !) affiche cette fois un seul plat : la fameuse soupe joumou. « On ouvre seulement pour ça aujourd’hui », explique M. Cétoute.

Il n’a pas été bien difficile de les convaincre de se mettre aux fourneaux pour la cause.

On est ouverts juste pour la soupe. C’est un aspect de notre histoire tellement important, et offrir la soupe, c’est l’essence même de cette tradition.

Donald Joseph

À l’intérieur du sympathique casse-croûte haïtien, une colonie de « mamies » et de « taties » s’activent dans les cuisines au rythme de la musique de Georges Alan Cavé, chanteur de Kompa.

L’odeur épicée s’échappe des marmites et embaume le petit restaurant. Pas besoin de foules pour créer une ambiance conviviale. L’équivalent de 200 soupes joumou mijote dans les marmites brûlantes.

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Myriam Joseph offrant de la soupe joumou au Refuge des jeunes, à Montréal

Au Refuge des jeunes sur l’avenue Papineau, Manon Harvey accueille à bras ouverts l’imposante portion de soupe chaude et l’avalanche de pâtisseries et de sucres à la crème maison. La cuisinière de l’établissement, d’origine haïtienne, est absente ce jour-là, explique la directrice du refuge. « Elle a l’habitude de cuisiner cette soupe. C’est bon pour le cœur. »

En temps de crise, les plus vulnérables sont ceux qui tombent en premier, souligne le rappeur Dramatik. « Pour moi, la soupe joumou, c’est un symbole de partage qui rassemble. C’est une soupe consistante et réconfortante et on a besoin de ça en ce moment, qu’on la mange seul ou en famille. »