Des patients en attente d’une intervention chirurgicale ou dont l’opération a été reportée dans les dernières semaines vivent des moments angoissants, alors que le mois de janvier s’annonce difficile en matière de délestage dans les hôpitaux, selon un spécialiste.

Johanne Beauséjour devait subir une intervention au cœur à l’Institut de cardiologie de Montréal le 21 décembre. Mais, vendredi dernier, elle a reçu un appel l’informant que l’opération était déplacée au 11 janvier.

« C’est parce qu’il manque de personnel. Il y a de plus en plus d’infirmières […] infectées par la COVID-19 », explique Mme Beauséjour en entrevue avec La Presse.

Elle n’est pas la seule patiente à avoir appris que son opération ou son rendez-vous médical était reporté dans les derniers jours. Devant la progression du variant Omicron, le 22 décembre, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a indiqué que le niveau d’alerte 3 du plan de délestage, sur un maximum de 4, était atteint dans les hôpitaux du Québec. C’est-à-dire que les opérations non urgentes seront reportées.

Jeudi, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a confirmé que les opérations seraient réduites de 50 %.

Pour Mme Beauséjour, le report de son intervention chirurgicale est plus une « déception qu’autre chose ». Toutefois, « il faut que ce soit réglé parce que c’est un problème électrique […] au niveau du cœur », souligne-t-elle. Johanne Beauséjour souffre de palpitations et est facilement essoufflée.

Deuxième année de suite

Après avoir vu son opération reportée en 2020, Gilles Couture s’apprête à revivre les effets du délestage pour la deuxième année de suite. Il devait recevoir l’appel qui lui annoncerait son opération visant une artère bloquée dans sa jambe d’ici la fin de l’année 2021. En date du 23 décembre, il ne croyait plus recevoir la nouvelle espérée.

PHOTO FOURNIE PAR GILLES COUTURE

Gilles Couture

Quand j’ai vu qu’ils annonçaient qu’ils commençaient à faire du délestage, je me suis dit : « Ça y est, je passe encore mon tour cette année »

Gilles Couture

« Je ne suis pas capable de marcher plus que cinq minutes ou de forcer avec ma jambe », poursuit Gilles Couture, qui se trouve sur la liste d’attente de l’hôpital du Sacré-Cœur. « Je sais que ce n’est pas dramatique, sauf que ça ne s’améliore pas. […] Ça me met un plus à risque de faire un AVC », ajoute-t-il.

Traitements pour un cancer

Anik Lachance, résidante de Laval, craint que le délestage engendre de plus longs délais avant que son conjoint, David Milot, reçoive des traitements pour son troisième cancer. Après avoir terminé de la radiothérapie en juin, un scanner a révélé au mois de septembre que le cancer n’avait pas disparu. Les spécialistes ont soumis M. Milot à des tests, mais ont conclu qu’une biopsie sous anesthésie générale était nécessaire pour déterminer le traitement adéquat.

« Mais [le médecin] a dit : « Je ne sais pas à quel moment ça va être, avec la pandémie et tout ça. On n’a pas de place » », raconte Anik Lachance, au moment où son conjoint se trouvait à des rendez-vous médicaux à Montréal. Le spécialiste a évoqué que le test serait effectué à un moment en 2022.

PHOTO FOURNIE PAR ANIK LACHANCE

Anik Lachance, David Milot et leurs deux enfants

« Pendant ce temps, nous, on est dans l’attente, on est dans l’angoisse », affirme Mme Lachance, qui élève deux jeunes enfants de 3 et 5 ans avec David Milot.

L’annonce du délestage est inquiétante pour elle. « Je me dis : « Est-ce que les traitements aussi vont être retardés ? Jusqu’où ça va aller, tout ça ? » », confie Anik Lachance.

Des contrecoups en janvier

La mise en place du plan de délestage survient à une période de l’année où le nombre d’interventions chirurgicales est déjà réduit. « Entre Noël et le jour de l’An, il y a toujours une réduction des activités […], mais la réduction va être encore plus marquée cette année », précise le DBryan Houde, président de l’Association des anesthésiologistes du Québec (AAQ).

« Par la suite [en janvier], selon l’augmentation des hospitalisations qui se réalisent ou non, l’activité va être ajustée », poursuit le DHoude.

Le président de l’AAQ se fait tout de même rassurant.

Il faut savoir que, pour le moment, [les autorités] n’ont pas dit de cesser toutes les activités électives, mais de maintenir un niveau d’activité de 50 % de ce qu’ils peuvent faire actuellement.

Le DBryan Houde, président de l’Association des anesthésiologistes du Québec

Selon le DHoude, les hôpitaux sont mieux organisés que lors de la première vague de COVID-19. Contrairement à cette époque, les cliniques médicales spécialisées, qui effectuent des opérations en dehors des hôpitaux, poursuivent leurs activités.

La hausse du nombre de cas de COVID-19 est toutefois inquiétante pour le DMartin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec. « Le gouvernement nous annonce qu’il souhaite maintenir les activités de dépistage. Mais on ne verra pas l’effet réel, et la capacité réelle, avant le retour des Fêtes », dit-il.

« Actuellement, le grand enjeu, c’est la main-d’œuvre [dans les hôpitaux]. Des gens tombent malades, ça tombe comme des mouches », affirme-t-il. Il indique aussi que « la population qui va être malade, qui va utiliser des lits » représente un enjeu préoccupant.

Cette vague-ci n’a rien à voir avec les vagues antérieures, parce qu’elle comporte un caractère très explosif. Donc, la contagiosité est extrême.

Le DMartin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

« Il suffit qu’un patient entre en oncologie contaminé, puis contamine toute une équipe, tout un service », craint le DChampagne. Le médecin déplore le fait de ne pas avoir facilement accès aux tests de dépistage de la COVID-19 pour ses patients.

« Ce sont de grands enjeux qui me font craindre que le mois de janvier puisse être très difficile encore », dit le DChampagne.

La Dre Mélanie Bélanger, présidente de l’Association des gastro-entérologues du Québec, souligne que les endoscopies ne sont, pour le moment, pas touchées par le délestage, car elles sont gérées indépendamment du bloc opératoire.