Une trentaine de tornades ont déferlé vendredi soir et samedi matin sur les États-Unis, laissant dans leur sillage des villes dévastées et faisant plus de 90 morts. Selon les météorologues, un tel évènement n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend dans les prochaines années.

Les changements climatiques vont venir intensifier les phénomènes météorologiques, estime Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Ce qu’on voit en ce moment, c’est un tout petit avant-goût de ce qui nous attend », dit-il.

Le bilan des victimes causées par les tornades aux États-Unis s’est alourdi dimanche. Au moins 80 personnes sont mortes dans le seul État du Kentucky, a annoncé le gouverneur Andy Beshear. « Ce nombre va dépasser la centaine », a-t-il ajouté.

 SOURCE : AGENCE FRANCE-PRESSE, INFOGRAPHIE LA PRESSE

Où les tornades ont-elles frappé ?

Joe Biden a souligné samedi que les phénomènes météorologiques étaient plus intenses avec le réchauffement de la planète, sans établir toutefois de lien de causalité direct entre le dérèglement climatique et la catastrophe qui a endeuillé le pays.

« Il a tout à fait raison », commente M. Blanchet. Selon le professeur, les phénomènes météorologiques risquent de devenir « beaucoup plus intenses », comme c’est le cas pour « les feux en Californie, les inondations sur la côte Ouest ou la sécheresse dans le centre des États-Unis ».

Les États-Unis font face à une « nouvelle norme » avec la multiplication des évènements météorologiques dévastateurs, s’est notamment alarmée dimanche la responsable de l’agence américaine de gestion des catastrophes (FEMA), Deanne Crisswell. « Les effets que nous observons des changements climatiques constituent la crise de notre génération », a-t-elle ajouté.

La directrice de la FEMA a par ailleurs souligné la dimension « incroyablement inhabituelle » et « historique » de ces tornades pour cette saison. Le mois de décembre est en effet habituellement plutôt épargné par de tels évènements aux États-Unis.

Des conditions propices

Selon le National Severe Storms Laboratory de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), environ 1200 tornades frappent les États-Unis chaque année. La géographie du pays est en cause, dit M. Blanchet.

« D’un côté, on a les montagnes Rocheuses, qui bloquent l’air du Pacifique, ce qui favorise l’air froid. De l’autre côté, on a le golfe du Mexique, qui est relativement peu profond et très chaud. »

Lorsque l’air très froid du Canada, qui est plus dense et sec, entre en contact avec l’air très chaud et humide du Golfe, des tempêtes se forment. Cette instabilité atmosphérique produit la rotation nécessaire à la formation d’une tornade.

Les tornades en décembre sont toutefois peu fréquentes. « Habituellement, il n’y a pas beaucoup d’instabilité en hiver, ce qui est nécessaire pour les tornades, car l’air n’est pas aussi chaud et humide », indique Victor Gensini, professeur de météorologie à l’Université Northern Illinois. Cette fois-ci, pourtant, c’était le cas.

La nuit dernière, je regardais les images satellites des États-Unis et c’était phénoménal. Il y avait des précipitations de façon inhabituelle.

Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM

Une des tornades a parcouru plus de 400 km, selon le Service météorologique national (NWS). Normalement, elles ne dépassent pas plus de 6 km de distance en moyenne.

« C’est vraiment inhabituel. Le mouvement de l’air et les précipitations soutenues ont perduré sur une très grande période, de sorte que la tornade se régénérait constamment », explique M. Blanchet.

Le bilan s’alourdit

Des fouilles se sont poursuivies en vain dimanche pour retrouver de possibles survivants des tornades qui ont fait au moins 94 morts. Ce phénomène météorologique exceptionnel a touché six États, y laissant une traînée de destructions sur des centaines de kilomètres, mais c’est à Mayfield, au Kentucky, que celles-ci ont été les pires.

La fabrique de bougies Mayfield Consumer Products, devenue le symbole de la dévastation causée par des tornades, n’est plus qu’un enchevêtrement de poutrelles et de tôle tordues, empilées sur plusieurs mètres de hauteur.

PHOTO RYAN C. HERMENS, LEXINGTON HERALD-LEADER, VIA ASSOCIATED PRESS

La fabrique de bougies Mayfield Consumer Products, où travaillaient vendredi soir quelque 110 employés, n’est plus qu’un enchevêtrement de poutrelles et de tôle tordues.

Équipés de grues, de bulldozers et d’autres engins mécaniques, les secouristes progressaient dimanche lentement dans les décombres, continuant à espérer un miracle.

Quelque 110 employés travaillaient dans l’usine vendredi soir pour répondre à la demande de la période des Fêtes quand la tornade a tout détruit. Plusieurs dizaines de personnes manquent toujours à l’appel.

La situation n’était pas plus réjouissante dans les États du Missouri, de l’Illinois, du Tennessee et de l’Arkansas. Les agences fédérales de réponse aux catastrophes ont commencé à être déployées sur place, a affirmé le chef de l’État, en promettant que les services fédéraux feraient « tout ce qu’ils peuvent pour aider ».

De l’étranger ont afflué des messages de soutien. Le président russe, Vladimir Poutine, a ainsi présenté dimanche ses « condoléances sincères », le pape adressant quant à lui ses prières aux habitants du Kentucky.

Avec l’Associated Press

695

La tornade des trois États, survenue en mars 1925, est la tornade la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis : 695 personnes sont mortes, 2000 personnes ont été blessées et 15 000 maisons ont été détruites. La tempête a frappé le Missouri, l’Illinois et l’Indiana pendant trois heures et demie.

59

Nombre de tornades de catégorie F5 ou EF5, soit la plus haute classification possible sur l’échelle d’intensité des tornades, dans l’histoire des États-Unis. On estime que les tornades F5 ont des vents maximums compris entre 420 km/h et 512 km/h.

Source : Service météorologique national des États-Unis