Alors que le Québec vient de connaître une vague de féminicides, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, annonce l’implantation des bracelets électroniques antirapprochement pour protéger les victimes de violence conjugale de leurs agresseurs.

Ces dispositifs seront introduits le printemps prochain, d’abord dans la région de Québec, dans le cadre d’un préprojet, avant d’être déployés dans l’ensemble de la province d’ici décembre 2023.

La ministre Guilbault s’est dite très émue de faire cette annonce, qu’elle a qualifiée d’« historique » pour la lutte contre la violence faite aux femmes, en conférence de presse mercredi, à Québec.

« Ça aurait dû normalement prendre plus de temps, mais on n’a plus le luxe d’attendre le prochain féminicide ou d’attendre Dieu sait quoi pour aller de l’avant », a-t-elle souligné, en référence aux 18 femmes tuées par leur conjoint depuis le début de l’année au Québec.

500 bracelets au Québec

« On va installer les premiers bracelets dans quelques semaines », a-t-elle ajouté, précisant qu’elle visait l’implantation de 500 appareils dans les 17 régions du Québec.

Le dispositif pourra être imposé, avec l’accord des victimes, aux personnes reconnues coupables de violence conjugale ou en attente d’un procès. La décision sera prise par un juge, un directeur d’établissement de détention provincial ou par la Commission des libérations conditionnelles du Québec.

Il pourrait, par exemple, s’agir d’une exigence pour bénéficier d’une libération conditionnelle.

Cependant, il ne pourra être utilisé dans le cas d’un contrevenant condamné à purger une peine dans un pénitencier fédéral (plus de deux ans).

Alerte en cas de rapprochement

Le bracelet antirapprochement porté par l’agresseur, qui peut être géolocalisé, est lié à un récepteur, que la victime conserve avec elle.

Les appareils sont reliés à une centrale d’appels qui reçoit une alerte en cas de rapprochement à l’intérieur d’un certain périmètre. La police est ensuite appelée : un véhicule est envoyé vers la victime, et un autre, vers le porteur du bracelet.

Le système coûtera 41 millions sur cinq ans au gouvernement, qui ira en appel d’offres pour trouver une entreprise capable de fournir la technologie requise et d’offrir le service de surveillance des alertes.

Une chose qui n’a pas de prix, c’est la paix d’esprit et le sentiment de sécurité des femmes.

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique

Seulement six pays dans le monde ont implanté de tels dispositifs, notamment la France et l’Espagne. Les études ont montré que les contrevenants équipés de tels bracelets avaient moins tendance à déroger aux conditions qui leur sont imposées, a noté la ministre.

Une vie plus normale

« C’est un grand jour, aujourd’hui. Enfin, je vais pouvoir me sentir en liberté », a commenté Christine Giroux, victime de violence conjugale, auteure d’un livre sur le sujet, qui participait à la conférence de presse gouvernementale.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Christine Giroux, victime de violence conjugale, a pris part mercredi à la conférence de presse gouvernementale.

Elle a confié avoir vécu des « abus mentaux, émotionnels et physiques » de la part de son ex-mari.

Cet homme, mon agresseur, a complètement détruit ma vie et continue de le faire. Malgré ses multiples arrestations, emprisonnements, probations, il réussit toujours à me retrouver, malgré plusieurs déménagements. Il ne respecte aucune condition ou restriction. Cette violence conjugale a transformé ma vie.

Christine Giroux, en conférence de presse

Mme Giroux raconte vivre de l’insécurité, être prise de terreurs incontrôlables, de crises de panique, perdre le sommeil et être constamment en état d’hypervigilance.

Mais grâce au bracelet antirapprochement, elle s’attend à retrouver une vie plus normale, sans avoir peur que son ex-conjoint s’introduise chez elle pour l’agresser, dit-elle.

Au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, on applaudit cette « bonne nouvelle », tout en soulignant qu’il ne s’agit pas d’une solution magique.

« On a souvent vu des féminicides ou des homicides d’enfants commis par des hommes qui n’avaient pas une longue expérience en matière criminelle, qui en étaient à leurs premières offenses », fait remarquer Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement.

Elle se questionne aussi sur les délais d’intervention des forces policières. « En milieu rural, où il n’y a pas beaucoup d’effectifs qui desservent un grand territoire, c’est un enjeu, dit-elle. Avec le Ministère, on a soulevé la question, pour savoir si toutes les femmes au Québec seront également protégées. »