Près de 60 % des municipalités québécoises comptant moins de 100 000 habitants n’ont pas respecté une ou plusieurs facettes de la loi lors de l’adoption de dépenses en immobilisation, l’an dernier. Une donnée « préoccupante » qui démontre qu’une « mauvaise habitude » s’installe en matière de gouvernance dans la province, selon la Commission municipale du Québec (CMQ).

« C’est toujours préoccupant quand on ne se conforme pas à des exigences légales assez simples. C’est inquiétant, dans le sens où peut-être qu’une mauvaise habitude a été prise, alors que c’est relativement simple à respecter. On trouve ça important de corriger la situation pour une saine gouvernance, pour la transparence. En bout de ligne, c’est le citoyen qui bénéficie de tout ça », avance la porte-parole de l’organisme, Isabelle Rivoal.

Dans son rapport d’audit, publié mardi, la Commission révèle que seulement 474 des 1074 municipalités québécoises visées (44 %) sont « conformes » à la loi, autrement dit qu’elles ont adopté un Programme triennal d’immobilisations (PTI) avant le 31 décembre 2020, qu’elles l’ont fait lors d’une séance exclusive, qu’elles ont diffusé un avis public et qu’elles échelonnent ce plan d’investissements sur plusieurs années.

Plus de 200 de ces municipalités (20 %) n’ont pas adopté de PTI, ou encore l’ont adopté pour « un seul exercice financier ». « Tout ça a un impact sur les budgets annuels futurs. Les PTI, ce sont des outils de planification extrêmement importants, la base de toute administration », poursuit Mme Rivoal.

Même si les chiffres sont préoccupants, la porte-parole prévient qu’il ne faut pas voir ce rapport « comme un rapport noir, mais plutôt comme un rapport qui permet de se rendre compte d’une situation, d’un enjeu ». « Je suis certaine que pas mal d’erreurs vont être corrigées rapidement », glisse-t-elle.

Un enjeu de ressources ?

Drummondville, Dorval, Bromont, Gaspé, Lavaltrie : si certaines villes plus connues du grand public sont jugées non conformes, il apparaît que la majorité des municipalités blâmées par le rapport sont beaucoup plus petites, et donc, bien souvent moins équipées pour répondre aux exigences légales.

« Il y a beaucoup de municipalités au Québec, et les processus qu’on exige d’elles, surtout lorsqu’elles sont petites, c’est trop leur demander en fin de compte », explique d’ailleurs l’enseignante et spécialiste de la gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Danielle Pilette.

« La réalité, que c’est exigeant comme travail et que quand les municipales sont petites, elles ont très peu d’infrastructures. Elles ne conforment pas nécessairement aux exigences parce qu’elles n’ont pas le personnel pour faire une programmation et un suivi ensuite. Il y a une pénurie de personnel qualifié qu’on voit aussi au municipal », poursuit encore Mme Pilette.

À la CMQ, on reconnaît que les grandes villes « ont plus de moyens et des équipes habituées » à ces pratiques administratives, d’autant plus qu’elles sont « auditées assez régulièrement ».

De manière générale, les municipalités québécoises ont aussi tendance à se « concentrer davantage sur le fonctionnement que sur le futur et les immobilisations », remarque l’experte. Un récent audit démontrait d’ailleurs que seulement 43 % des municipalités ne se conformaient pas aux exigences du dépôt du budget, un exercice qui semble mieux ancré dans la province.