(Québec) Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, donne « carte blanche » à un expert afin qu’il produise un rapport sur les « difficultés » d’accès à la justice pour la population inuite du Nunavik. La démarche de Québec n’est pas étrangère à la demande de la Société Makivik, qui déplore « les limites de la cour itinérante ».

Québec et la Société Makivik annonceront ce vendredi la signature d’une entente aux termes de laquelle MJean-Claude Latraverse, avocat qui a pratiqué au Nunavik en plus d’avoir résidé à Kuujjuaq, se voit confier le mandat de cerner des solutions pour améliorer l’accès aux services judiciaires et adapter le fonctionnement de la cour itinérante aux réalités des Inuits.

« Il y a eu beaucoup de rapports [dans le passé] pour dire des généralités comme vous devriez faire ceci, vous devriez faire cela, mais dans le concret – et c’est ce que j’ai demandé à MLatraverse –, [il faut voir] comment on opérationnalise ça », a indiqué le ministre Jolin-Barrette, en entrevue.

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Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

« Je veux être en mesure de dire, pour donner suite à ce rapport, voici ce qu’on va faire et voici comment on va avoir un impact concret », a ajouté le ministre.

MLatraverse doit rendre son rapport au 31 mars. Celui qui est procureur aux poursuites criminelles et pénales – il a été libéré pour son mandat – devra prendre le pouls dans les 14 collectivités du Nunavik. « Je souhaite qu’il parle au plus grand nombre de gens possible », indique le ministre. Sa candidature a été proposée par la Société Makivik, a confirmé M. Jolin-Barrette.

Son mandat vise à formuler des pistes de solution particulièrement sur les délais et les conditions entourant la cour itinérante et la préparation des auditions avant le jour de l’audience en matière criminelle et en protection de la jeunesse.

Les problématiques d’accès à la justice au Nunavik sont connues depuis plusieurs années. Malgré l’ajout de journées de cour, l’embauche d’intervenants autochtones, d’interprètes et la bonification des services de visioconférence, la situation « demeure difficile » pour la population inuite.

La Société Makivik reconnaît par ailleurs « les limites de la cour itinérante » et la « nécessité de la réexaminer pour voir comment elle pourrait mieux servir les Inuits ».

Enjeux « dans la mécanique »

L’éloignement, la disponibilité des ressources et les barrières linguistiques et culturelles sont autant de « facteurs qui complexifient » la prestation des services au Nunavik, selon le gouvernement. Le ministre Jolin-Barrette estime que plusieurs enjeux demeurent « dans la mécanique » de l’administration du service.

« Il y aura fort probablement des coûts à débloquer [après le dépôt du rapport], mais aussi parfois, c’est dans le fonctionnement de la cour », nuance-t-il. « C’est pour ça que je souhaite que MLatraverse soit là. Parfois, ce n’est pas juste une question d’argent, c’est une question [de façon dont] on fait les choses, [dont] on fonctionne. »

La commission Viens, qui s’est penchée sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, a notamment recommandé des investissements dans « l’aménagement de lieux adéquats à l’exercice de la justice » dans les villages autochtones où siège la cour itinérante.

L’implantation « le plus rapidement possible de l’usage de la visioconférence lors des enquêtes sur remise en liberté des détenus » au Nunavik faisait aussi partie des « appels à l’action » de la commission d’enquête. L’application de ces recommandations est amorcée, selon le comité de suivi des « appels à l’action » de la commission Viens.

M. Jolin-Barrette réitère que son ministère va « répondre » aux appels à l’action de la Commission, mais ajoute qu’il « veut un son de cloche de l’intérieur » que pourra lui fournir MLatraverse.

La cour itinérante siège dans 9 des 14 collectivités du Nunavik.