(Trois-Rivières) Des noms à consonance francophone de haut en bas de la formation. Des remarques en français à l’entraînement. Des coéquipiers qui, même s’ils ne se côtoient que depuis deux semaines, semblent se connaître depuis toujours.

Bienvenue chez les Lions de Trois-Rivières, club non pas issu de la LHJMQ ou d’un téléfilm de Lance et compte, mais bien de l’ECHL*, ligue professionnelle qui s’établit pour la première fois dans la province. Les félins disputeront ce jeudi soir leur match inaugural devant une salle comble de 5000 personnes.

Club-école du Canadien de calibre inférieur au Rocket de Laval, de la Ligue américaine, les Lions se sont donné pour mandat de réunir une majorité de joueurs locaux. Mission accomplie : sur 21 joueurs, on dénombre pas moins de 19 Québécois – l’exception étant les deux espoirs du Tricolore Cam Hillis et Arsen Khisamutdinov.

Le hockey étant un « petit monde », plusieurs d’entre eux s’étaient déjà croisés par le passé ou se connaissaient de réputation. Les plus jeunes tentent d’étirer leur carrière junior. Les plus vieux, qui ont déjà fait leurs armes au hockey professionnel nord-américain ou européen, rentrent à la maison.

Sans tomber dans le chauvinisme aveugle, le défenseur Cédric Montminy, capitaine des Lions, avoue qu’« une chimie instantanée » s’est créée dans le vestiaire, indéniablement alimentée par la frénésie de se retrouver entre compatriotes.

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Cédric Montminy, capitaine des Lions de Trois-Rivières

« Tout le monde est emballé de commencer cette nouvelle aventure-là », abonde l’attaquant Justin Ducharme.

L’entraîneur-chef Éric Bélanger s’explique facilement le phénomène. Au cours de sa carrière de 820 matchs disputés avec sept équipes dans la LNH, il a toujours été naturellement « proche » de ses coéquipiers issus de la province.

Originaire de Bécancour, de l’autre côté du pont Laviolette, le défenseur Guillaume Beaudoin a passé la dernière saison à Anglet, dans le championnat français. Il confirme que pour s’intégrer à un nouveau groupe, « quand tu es gêné, c’est un peu plus facile si tu parles ta première langue ».

Par contre, prévient Montminy, pas question d’en faire une religion. Deux de leurs coéquipiers ne comprennent pas un mot de français, mais cela n’en fait pas moins des membres à part entière des Lions. En leur présence, l’anglais redevient la langue de travail. « C’est important qu’ils se sentent inclus, de leur montrer qu’ils sont importants pour l’équipe », précise-t-il.

Assez pratiqué

Alors que la LNH et la Ligue américaine ont commencé leurs activités, les joueurs des Lions n’en peuvent plus d’attendre avant de s’élancer sur la glace du Colisée Vidéotron, aréna flambant neuf où ils ont élu domicile.

Certains membres du groupe en sont à leur troisième camp d’entraînement de suite, après celui du Canadien et du Rocket. C’est le cas notamment du gardien Kevin Poulin.

Le Montréalais fait partie de ceux qui sont rentrés au bercail, après une décennie à bourlinguer entre des équipes européennes et nord-américaines – notamment les Islanders de New York, avec lesquels il a disputé 50 matchs.

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Kevin Poulin sera le gardien partant des Lions de Trois-Rivières, ce jeudi soir.

Ce seront toutefois ses premiers pas dans l’ECHL, et il est drôlement curieux de savoir exactement à quel calibre de jeu il aura affaire. « Je n’en ai aucune idée, avoue-t-il franchement. À l’entraînement, je vois le talent qu’on a, et je sais qu’on va être compétitifs. Mais on va avoir besoin de quelques matchs pour nous ajuster. C’est une longue saison, on veut bien paraître. »

Éric Bélanger confirme qu’il est « temps de jouer ». « On a assez pratiqué ! », a-t-il lancé, mercredi, lors du passage de La Presse au Colisée.

Après deux semaines de camp, la séance d’entraînement qui venait de se terminer avait été « correcte », sans plus. La raison : la fébrilité des troupes. Le matin même, ses hommes avaient pris possession de leur nouveau vestiaire, pas de quoi calmer leur impatience. « On va être prêts », promet néanmoins l’entraîneur.

Il y a aussi l’indéniable « buzz » qui entoure la naissance du club. Guillaume Beaudoin évoque carrément l’« effervescence de la ville ».

« Ça fait cinq ans que j’entends parler du Colisée, raconte cet ancien des Patriotes de l’UQTR. La ville est excitée d’accueillir une équipe professionnelle et d’avoir un amphithéâtre de cette taille. J’ai bien hâte que ça commence. »

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Le défenseur Guillaume Beaudoin (à l’avant)

Défi

À l’écart de cet emballement, un joueur fait exception. Au début du mois, Cam Hillis avait fait partie de la première vague de coupes au camp du Canadien, équipe qui l’avait repêché au troisième tour en 2018. Et voilà que, lundi dernier, le Rocket de Laval l’a retranché. Déçu, il a donc emprunté l’autoroute 40 en direction de Trois-Rivières.

L’Ontarien de 21 ans ne rayonne pas à la suite de cette rétrogradation. Mais il demeure résolument « positif » à l’idée de jouer un rôle plus important sur la glace avec les Lions que dans les gradins à Laval. De son propre aveu, il n’y avait « pas grand-chose » qui l’attendait chez le Rocket en début de saison. « Je veux aider [les Lions] à gagner et continuer de m’améliorer chaque jour. Le reste tombera en place », espère-t-il.

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Cam Hillis

Éric Bélanger reconnaît qu’alimenter la motivation des jeunes joueurs du Tricolore qui se retrouveront sous ses ordres représentera l’un de ses « plus gros défis ». Hillis « veut jouer pour le Canadien, pas pour les Lions », dit-il. « C’est notre réalité », et ce sera celle de tous les prochains espoirs du Canadien qui se retrouveront en Mauricie à l’avenir.

Par contre, le pilote rappelle que le directeur général des Lions, Marc-André Bergeron, est en communication constante avec Scott Mellanby, directeur général adjoint du Canadien. L’état-major du Rocket de Laval et du Canadien sera d’ailleurs présent au match inaugural de jeudi.

« Je suis là pour t’aider, a dit Bélanger à Cam Hillis. Alors soit tu fais la baboune, soit tu te retrousses les manches. Quand Mellanby va m’appeler, les choses que j’ai à dire sur toi doivent être positives. »

Message reçu. À son premier entraînement, Hillis a mis toute la gomme pour impressionner son équipe du moment. Avec Cédric Montminy et Alexis D’Aoust, il complétera jeudi un trio destiné à alimenter l’attaque des Lions.

« Mon travail, c’est de l’aider à retrouver sa confiance, à ce qu’il soit lousse et qu’il s’amuse », conclut Éric Bélanger.

Devant 5000 partisans survoltés et au sein d’une équipe galvanisée, ça devrait bien aller.

*La ligue a abandonné le nom East Coast Hockey League depuis quelques années, mais a conservé son sigle.