Cela fait 30 ans que des résidants de la rue Augier, au cœur de Rosemont, à Montréal, dénoncent l’aménagement déficient de leur rue, qui provoque de l’insécurité auprès des jeunes familles et des aînés.

Le conducteur d’un camion blanc roule à bonne allure à l’approche de l’intersection. Arrivé au panneau d’arrêt, il contourne le petit dos d’âne qui s’y trouve et poursuit son chemin sans ralentir.

Quelques instants plus tard, un deuxième automobiliste exécute la même manœuvre. Suivi d’un troisième.

« Ils peuvent être cinq ou six de suite à passer sans s’arrêter », explique Jean-Guy Grenier, qui habite en face de cette intersection depuis 31 ans. « Pour eux, c’est juste un stop grillé. Pour nous, c’est l’inquiétude : quand est-ce qu’un enfant va se faire frapper ? Une personne âgée ? »

Située à l’angle des rues Augier et Louis-Hémon, au cœur de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, l’intersection problématique donne sur une immense zone asphaltée. Au cœur d’un quartier résidentiel où vivent de nombreuses familles, cet aménagement atypique incite les automobilistes pressés à la vitesse, dénonce Kim P. Brouillette, qui habite tout près avec son conjoint et leurs deux jeunes enfants.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

De gauche à droite, Mathieu Desnoyers, Kim P. Brouillette avec sa fille, et Jean-Guy Grenier

Je ne traverse jamais la rue au panneau d’arrêt, car je ne sais jamais si l’automobiliste va arrêter. Je traverse avec ma fille en plein milieu de l’intersection. Là, au moins, ils ne peuvent faire autrement que de nous voir.

Kim P. Brouillette, résidante

Les policiers viennent parfois distribuer des contraventions ici, poursuit-elle. « C’est une contravention après l’autre. C’est comme ramasser du pop-corn par terre après un film dans une salle de cinéma. »

Mais les interventions policières ne règlent rien, déplore M. Grenier. « Le lendemain, les comportements dangereux reprennent. Mon garçon a failli se faire frapper ici par un automobiliste qui n’a pas ralenti. Il avait 8 ans quand c’est arrivé. Ça m’a mis hors de moi. »

Voilà trois décennies que M. Grenier fait des démarches auprès de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie pour faire sécuriser les lieux. Grâce à lui, l’arrondissement a ajouté de petites lumières clignotantes rouges au panneau d’arrêt il y a une dizaine d’années. L’arrondissement a aussi ajouté un demi-dos d’âne – qui ne couvre qu’une seule des deux voies de circulation – à cet endroit. Sans succès.

« Les gens ne font que contourner le petit dos d’âne. Même ceux qui roulent sur le dos d’âne ralentissent à peine. On n’est pas plus avancés », dit le résidant.

« Rien ne bouge »

M. Grenier estime que l’arrondissement pourrait placer des dos d’âne plus gros en amont dans la rue Augier, afin d’obliger les automobilistes à ralentir tout le long de la rue, pas seulement à l’arrêt.

Rien ne bouge. C’est comme s’ils attendaient qu’un enfant soit blessé, ou pire, avant de se pencher sur notre cas.

Jean-Guy Grenier, résidant

M. Grenier ajoute qu’une voisine âgée a aussi appelé l’arrondissement pour signaler que des branches cachaient le panneau d’arrêt tout près, rue Louis-Hémon, sans résultat.

Selon Mathieu Desnoyers, qui habite non loin de là, il pourrait être bon aussi de poser une saillie de trottoir à l’intersection problématique et d’empêcher le stationnement directement à l’intersection, ce qui bloque la vue des automobilistes.

Il y a plusieurs années, l’arrondissement avait placé des bacs à fleurs au centre de la vaste aire asphaltée qui compose cette intersection. Mais l’aménagement avait attiré des gens qui venaient y boire la nuit après la fermeture des parcs, note M. Grenier. « On retrouvait des bouteilles de vodka et toutes sortes de choses. Et c’est très écho ici, alors ça dérangeait les gens la nuit. »

Des candidates veulent agir

Ericka Alneus, nouvelle candidate de Projet Montréal dans le district Étienne-Desmarteau, dit être au courant du problème posé par cette intersection.

« J’y suis allée sept fois depuis le mois de juin. J’y suis allée avec des amis urbanistes pour voir ce qui pouvait être fait, dit-elle. Pour moi, ce serait une priorité dès janvier de travailler à sécuriser cet endroit, avec les fonctionnaires de l’arrondissement et avec les citoyens. »

Émilia Diamadopoulou, candidate de l’équipe Ensemble Montréal pour le district, dit souvent passer par la rue Augier. « Ce tronçon est problématique, et pas depuis quelques mois : depuis des années, dit-elle. Les citoyens se plaignent auprès de l’administration en place, et on leur fait la sourde oreille. »

Si elle est élue, Mme Diamadopoulou promet de créer une table citoyenne sur la mobilité dans Rosemont. « La sécurité de tout un chacun, ça devrait être la base. »

D’ici à ce que les élus et les fonctionnaires trouvent une façon d’apaiser le trafic automobile dans son quartier, Kim P. Brouillette ne se sentira pas en sécurité. « Si ma fille voit un chat, elle va vouloir aller le caresser. Qu’est-ce qui va arriver si un automobiliste pressé n’arrête pas ? On a fait le choix de vivre en ville, de vivre ici, mais c’est dangereux et on est laissés à nous-mêmes. »