(Québec) Des dizaines d’élus, d’historiens et de personnalités du milieu muséal demandent à Québec de revenir sur sa décision de vendre la Maison Chevalier à la famille Tanguay. Mais le gouvernement maintient le cap et salue l’implication du secteur privé pour protéger le patrimoine.

Plusieurs d’entre eux s’étaient donné rendez-vous lundi devant l’immeuble de pierre planté devant le Fleuve, près de la célèbre rue du Petit-Champlain. Ils avaient convoqué les médias dans le but de convaincre le Musée de la civilisation de revenir sur sa décision de vendre la Maison Chevalier.

La ministre de la Culture et des communications, Nathalie Roy, « doit assumer ses responsabilités et reculer sur cette vente », a exigé l’ancienne députée péquiste Agnès Maltais.

« Elle doit le faire avec honneur comme l’a fait récemment le ministre de la Santé, parce qu’il s’en allait dans un mur. Elle s’en va dans un mur et elle est en train de brader notre patrimoine », a lancé Mme Maltais, elle-même ancienne ministre de la Culture.

Elle n’est pas la seule. La Société historique de Québec a fait parvenir lundi à Mme Roy une lettre signée par 177 personnes, dont l’ancien directeur du Musée de la civilisation Michel Côté. En cause ? La récente décision du Musée, entérinée par le gouvernement, de vendre la maison patrimoniale construite en 1752.

L’acquéreur, le Groupe Tanguay, appartient à la famille du même nom, très connue dans la capitale. Il entend préserver le lieu et en faire le siège social de sa division immobilière. Entre 30 et 40 employés pourraient travailler dans l’immeuble au terme de la transaction, qui doit être finalisée fin octobre. Son montant est toujours inconnu.

Une vente « en catimini »

Le Musée de la civilisation, qui possède la Maison Chevalier, a entamé le processus de mise en vente en 2018. Or, les acteurs du milieu et les élus affirment à l’unisson qu’ils n’en savaient rien.

« Pourquoi vendre en catimini ? Depuis quand le gouvernement brade, vend ses immeubles sans appel de proposition, sans que personne ne le sache, sans débats ? », a demandé Mme Maltais.

La libérale Christine St-Pierre est du même avis. « Il faut que la ministre rappelle le conseil d’administration du Musée à l’ordre, il faut qu’elle fasse en sorte que cette vente-là soit annulée », a lancé lundi Mme St-Pierre, porte-parole de l’opposition officielle en matière de culture.

Le Musée de la civilisation fait valoir que la Maison Chevalier « n’était pas adaptée à la conservation muséale », qu’elle n’était pas accessible aux personnes à mobilité réduite et qu’elle servait essentiellement à la location de bureaux et de salles de réunion.

« Le bas taux de fréquentation de la Maison Chevalier ne justifiait pas des investissements majeurs pour corriger toutes ces lacunes, qui auraient nécessité des travaux d’envergure », a expliqué la porte-parole du Musée, Anne-Sophie Desmeules.

Nathalie Roy a défendu lundi en entrevue la décision de vendre l’immeuble. « Il est important de rassurer les gens : la Maison est toujours protégée et elle le sera. La protection accordée à un monument classé ne varie pas selon le propriétaire, elle est accordée sur l’immeuble. Elle demeure », a expliqué la ministre.

Elle explique que la décision de vendre a été prise en juin 2018 sous un gouvernement libéral, après des années d’austérité. Dès 2016 les activités muséales avaient cessé.

« Le gouvernement ne peut pas tout acheter et tout protéger. Le fait qu’une entreprise québécoise veule acquérir un immeuble patrimonial, le protéger, le mettre en valeur, je pense qu’on doit s’en réjouir », note Mme Roy.

Le Groupe Tanguay s’engage quant à lui à préserver l’immeuble. « On sait dans quoi on s’embarque. On a l’intention d’en prendre bien soin. On est conscients des responsabilités avec lesquelles ça vient », a assuré Alexandre Tanguay, président du Groupe immobilier Tanguay et fils de l’homme d’affaires Jacques Tanguay.

Mais les défenseurs du patrimoine regrettent que l’immeuble ne soit plus accessible au public. La Société historique de Québec demande que le Musée de la civilisation soit davantage financé, afin qu’il puisse redonner une vocation muséale à la Maison Chevalier.

« On est dans un cercle vicieux qui découle du sous-financement du Musée de la civilisation », croit son président, Alex Tremblay Lamarche.

Avec La Presse Canadienne