Noah a 9 ans. Il a des cheveux bruns ébouriffés et un sourire craquant. Il aime la musique, tout particulièrement le ukulélé de Cynthia Lin, une vedette de YouTube dont il écoute les vidéos en boucle.

Et depuis plus de la moitié de sa vie, Noah vit à l’hôpital.

Non, Noah n’est pas un enfant affligé d’une maladie grave et dont la famille se dévoue pour lui. Non, Noah ne vit pas depuis cinq ans dans un centre de réadaptation lié à un hôpital avec des parents qui le visitent tous les jours, avec une maman qui joue avec lui dans sa chambre ou un papa qui lui fait faire des tours de corridor dans son fauteuil roulant format miniature.

Noah vit à l’hôpital depuis cinq ans parce qu’il n’a pas de famille.

Il a été rescapé d’un milieu familial toxique par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) alors qu’il avait 7 mois. Cause du placement : rejet affectif. En termes clairs, sa mère n’en voulait plus. Elle était jeune, seule, il y avait toujours beaucoup de monde dans la maison, il y avait de la drogue qui circulait. Elle ne savait pas quoi faire d’un enfant malade.

« Après, on a découvert qu’il y avait eu de l’abus physique. Des abus qui lui ont laissé des séquelles », raconte Émilie Lepage, son intervenante à la DPJ. Que s’est-il vraiment passé dans la première maison de Noah ? C’est nébuleux.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Émilie Lepage est l’intervenante au dossier de Noah depuis près d’un an.

Il a vécu plusieurs traumatismes. Certains qu’on connaît, d’autres qu’on peut supposer.

Émilie Lepage, intervenante de Noah à la DPJ

Le bébé a ensuite été placé, dans une famille d’accueil liée à un organisme. Après trois ans, la DPJ s’est rendu compte que ce milieu d’accueil n’était pas adapté à Noah. « Il n’avait pas évolué comme il aurait dû », résume sobrement Émilie Lepage.

Et c’est là que Noah a emménagé à l’hôpital.

Au début, évidemment, c’est ce qu’il lui fallait. C’était un enfant handicapé, nourri par gavage, dont la croissance était famélique, affligé d’un grave problème hormonal, d’une cécité partielle et d’une déficience intellectuelle moyenne. Il avait besoin de soins. D’une réadaptation complète.

Des pas de géant

Pendant trois ans, Noah a fait des pas de géant. Il a presque réglé son problème de vision. Il a commencé à boire par lui-même, à marcher avec un déambulateur. Il a commencé l’école dans une classe spécialisée. Noah était au départ renfermé, amorphe, craintif : il est devenu souriant, ouvert. Il faut le voir s’esclaffer lorsqu’il gratte son ukulélé, casquette noire sur la tête.

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Noah a commencé à marcher avec un déambulateur.

Et ce changement, on le doit en bonne partie à Amélie Tremblay, qui est probablement ce qui se rapproche le plus d’une maman pour lui. Chaque semaine, pendant près de 30 heures, le travail d’Amélie, c’est de s’occuper de Noah. L’éducatrice le visite presque chaque jour. Elle joue avec lui. Elle rit avec lui. Elle le promène dans son fauteuil roulant format miniature dans les corridors.

Noah aime Amélie. Elle a redonné à cet enfant brisé le goût de vivre.

Après trois ans de réadaptation, Noah était prêt à sortir de l’hôpital. La DPJ s’est mise à chercher une famille pour lui. Ça fait deux ans qu’on cherche.

Jamais le cas d’un enfant n’a ému autant de gens aux services sociaux, du bas au haut de l’échelle. « Je n’ai jamais vu ça », résume Johanne Robillard, cheffe de service à l’évaluation des milieux de vie substituts. Depuis deux ans, il y a donc eu une mobilisation monstre pour dénicher la famille qui pourrait sortir Noah de l’hôpital.

Mais on ne l’a pas trouvée. Et c’est le but de ce reportage : lancer une bouteille à la mer. Trouver une famille pour Noah.

Attention, cette adoption n’est pas pour tout le monde. Le cas de Noah demeure lourd, et complexe. Il a la taille d’un enfant de 6 ans et l’intellect d’un bambin de 3 ans. Il doit avoir des injections régulières pour stimuler sa croissance. Il doit suivre une thérapie alimentaire afin d’être éventuellement capable de se nourrir lui-même. Il se déplace en fauteuil roulant. Il souffre d’une déficience surrénale majeure, qui doit être suivie de très près sur le plan médical. Comme il a une déficience intellectuelle moyenne, il ne sera jamais autonome.

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Jamais le cas d’un enfant n’a ému autant de gens aux services sociaux.

Bref, vous avez compris qu’adopter Noah, ce ne sera pas un long fleuve tranquille.

Mais, comme dit si bien Émilie, « l’hôpital, ce n’est pas une vie ». Noah ne peut pas jouer, marcher, interagir avec les autres, comme il le devrait. « Le contexte d’un milieu hospitalier l’empêche d’exploiter son plein potentiel », résume la DPJ sur la vignette qui résume son cas pour d’éventuelles familles d’accueil.

Cette famille, que la DPJ appelle de tous ses vœux, peut résider n’importe où au Québec. L’important, c’est d’être tout de même assez près d’un centre urbain et du réseau de santé, car les problèmes médicaux de Noah peuvent nécessiter un transfert rapide aux urgences.

Évidemment, cette famille doit s’attendre à faire l’objet d’une évaluation rigoureuse de la DPJ, car l’enfant est « hautement vulnérable », résume Johanne Robillard. Mais le contrat va dans les deux sens : la DPJ s’engage formellement à soutenir la famille sur le long terme pour une transition harmonieuse.

Et si on ne la trouve pas, cette famille-là, qu’arrivera-t-il à Noah ?

Il va devoir rester à l’hôpital. Il a 9 ans, il y demeurerait jusqu’à sa majorité. Amélie ne sera pas toujours là. À cause d’une réaffectation, d’un congé de maternité, d’un changement de carrière, qui sait, Noah perdrait une des rares personnes qui comptent pour lui.

Et après ? Une fois que la DPJ n’est plus dans le décor, ce qui l’attend, c’est probablement le CHSLD. À 18 ans, Noah sera encore un enfant dans sa tête. Il vivrait pour le reste de ses jours avec des aînés déclinants. Et il serait seul au monde.

À moins qu’une famille, quelque part au Québec, ne lise ceci et lève la main. À moins qu’il y ait un miracle.

Johanne Robillard y croit. « Un coup de cœur pour cet enfant, c’est possible. »

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