Même si le nombre de féminicides est en hausse au Québec, la violence conjugale a diminué au pays entre 1999 et 2019, selon une étude de Statistique Canada publiée mercredi. Mais une chose ne change pas : d’année en année, les femmes continuent d’être surreprésentées parmi les victimes.

432 000 femmes (4,2 % de la population) et 279 000 hommes (2,7 %)

Nombre de victimes de violence conjugale de la part d’un conjoint ou d’un partenaire en union libre, actuel ou ancien, au cours des cinq années ayant précédé l’Enquête sociale générale de 2019.

Les victimes de violence conjugale par sexes

Femmes

8,3 % en 1999

4,2 % en 2019

(Il s’agit d’une diminution de 49 % du taux de violence conjugale chez les femmes.)

Hommes

6,6 % en 1999

2,7 % en 2019

(Il s’agit d’une diminution de 60 % du taux de violence conjugale chez les hommes.)

19 %

Proportion des victimes qui ont déclaré, en 2019, que la violence subie avait été signalée à la police, soit par elle-même, soit par une autre personne. En 1999, ce chiffre s’élevait à 28 %.

64 %

Plus de 6 victimes sur 10 (64 %) ont été poussées, empoignées ou bousculées par leur conjoint, tandis qu’environ la moitié ont déclaré que leur conjoint avait menacé de les frapper (53 %) ou leur avait lancé un objet qui aurait pu les blesser (46 %), selon les plus récentes données de Statistique Canada.

28 %

Plus d’une victime sur quatre (28 %) a été battue, étranglée, menacée par une arme à feu ou un couteau ou agressée sexuellement, en 2019. Ces formes de violence conjugale les plus graves ont été subies par 2,3 % des personnes en 1999 et par 1,0 % d’entre elles en 2019.

33 %

Proportion des victimes de violence conjugale qui ont subi des blessures corporelles, en 2019. Près de 4 femmes sur 10 (39 %) ont déclaré une blessure, en comparaison de 1 homme sur 4 (23 %). Les répercussions émotionnelles les plus souvent déclarées par les victimes étaient qu’elles s’étaient senties bouleversées (52 %), blessées ou déçues (48 %) et en colère (44 %).

16

Depuis le début de l’année 2021, 16 féminicides ou féminicides présumés ont été commis au Québec. Dans les dernières années, la moyenne annuelle tournait autour de 12.

Et sur le terrain ?

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC) ne constate « pas du tout » de baisse de la violence conjugale. « Quand je regarde nos statistiques, en 2010-2011, nous avions reçu 54 800 demandes d’aide au téléphone. En 2018-2019, nous en avons eu 84 500. C’est clair qu’il n’y a pas eu de diminution de la demande d’aide », souligne Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques de l’organisme. Le nombre de plaintes à la police est aussi passé de 14 243 à 19 906 entre 1999 et 2016, ajoute-t-elle. « Ça ne veut pas dire qu’il y a plus de violence, mais ça veut dire que les femmes rapportent plus souvent la violence et qu’elles demandent plus d’aide », dit Mme Riendeau.

Méthodologie contestée

Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, critique pour sa part la méthodologie utilisée par Statistique Canada. Selon elle, de nombreuses victimes ne sont pas aptes à répondre à un sondage sur la violence conjugale lorsqu’elles sont elles-mêmes sous l’emprise d’un conjoint contrôlant. Aussi, certaines femmes n’oseront pas dévoiler leurs blessures intimes à un organisme public. « Nous, on est pleins à longueur d’année. On doit refuser des milliers de victimes, faute de places. On n’arrive pas à répondre à la demande », explique Mme Monastesse, dont l’organisme représente 37 maisons d’hébergement pour femmes. « L’année dernière, 25 % des femmes hébergées nous ont dit qu’elles avaient reçu des menaces de mort ou qu’elles avaient été victimes d’une tentative de meurtre. Ce qu’on voit, c’est une aggravation de leur situation et des formes de violence qu’elles vivent. »

L’effet de la pandémie

La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs commencé au moment où la collecte des données de l’Enquête 2019 se terminait. « Par conséquent, les données présentées dans cet article ne comprennent pas de renseignements sur la violence conjugale pendant la pandémie, au moment où, dans l’intérêt de la santé publique, bon nombre de personnes vivaient en isolement, et que certaines vivaient avec leur agresseur », souligne Statistique Canada.

Des craintes

Le RMFVVC est pour sa part convaincu que les statistiques seront à la hausse pendant la pandémie. C’est d’ailleurs ce qui a déjà été observé dans certains pays du monde, affirme Mme Riendeau. « Les gens ont été confinés. Les femmes pouvaient moins demander d’aide parce que leur conjoint était toujours présent. Et les féminicides qu’on voit maintenant, ils sont probablement liés au relâchement des mesures sanitaires. Certains conjoints qui avaient réussi à installer une emprise totale pendant la pandémie ont un sentiment de perte de contrôle sur leur conjointe », dit Mme Riendeau.

Comment Statistique Canada mesure-t-elle la violence conjugale ?

Pour mesurer la violence conjugale, Statistique Canada a recueilli des données auprès de la police et directement auprès des Canadiens. « En raison de la complexité des relations intimes, la violence conjugale est particulièrement susceptible d’être sous-signalée à la police. Ainsi, les expériences de violence autodéclarées sont un complément important aux données déclarées par la police », souligne Statistique Canada.