En raison d’un questionnaire d’embauche jugé discriminatoire, la Société de transport de Montréal (STM) se voit contrainte par le Tribunal des droits de la personne de verser 52 000 $ à un candidat qui n’a pu décrocher le poste de technicien électronique qu’il convoitait en 2012.

Pour espérer avoir un poste, peut-on lire dans le jugement signé par la juge Doris Thibault, le candidat a dû dire s’il était traité pour « de l’angine de poitrine ou un infarctus, du cholestérol élevé, de la haute pression, de l’asthme, une allergie, la tuberculose, le diabète, l’épilepsie, les troubles émotifs et la dépendance, un cancer, l’arthrite ou autres ».

On lui demandait aussi s’il avait reçu un vaccin pour l’hépatite A ou B ou le vaccin d2T5, s’il avait déjà été traité « pour une maladie des yeux, des oreilles, de l’odorat ou du goût, du foie, du pancréas », etc.

Cela ne se justifie pas, aux yeux de la juge Thibault. L’emploi de technicien sollicité n’est pas « sur la route » ou de nature qui peut « justifier une norme de sécurité accrue comme chez les chauffeurs d’autobus ».

Pour le tribunal, le candidat « a vu son droit au respect de son intégrité atteint de façon discriminatoire lorsqu’il a dû se soumettre à des prises de sang, à une prise de glucose, de tension artérielle et un prélèvement d’échantillon d’urine. Aucun de ces tests n’était nécessaire » pour le poste qu’il convoitait.

L’infirmière a finalement reconnu que le candidat était apte à occuper l’emploi en question, mais il n’en a jamais été informé. « Son dossier a ensuite été mal classé », peut-on lire.

Des nouveaux questionnaires qui soulèvent des doutes

Dans le jugement, il est précisé que la STM assure ne plus « aller à la pêche » par des questions tous azimuts.

En dépit de certains allègements, la juge relève que les nouveaux formulaires « comportent encore des questions portant sur la date de naissance, ou le numéro de la Régie de l’assurance maladie du Québec du candidat potentiel ».

Lors de son contre-interrogatoire, Hélène Gravel, chef de section de la présence au travail de la STM, a dit ignorer « pourquoi ce numéro est encore demandé au stade de la préembauche. Quant à la date de naissance, elle mentionne que l’objectif est de s’assurer de la bonne identité du candidat ».

En réponse à notre demande de réaction, Isabelle A. Tremblay, conseillère aux communications à la STM, écrit que « le questionnaire général d’embauche utilisé à l’époque de la plainte en 2012 n’était pas discriminatoire en soi ».

La STM utilisait un seul questionnaire d’embauche pour toutes les catégories d’emplois, comme c’était également la pratique dans un grand nombre d’entreprises à cette époque.

Isabelle A. Tremblay, conseillère aux communications à la STM

Elle précise cependant que la STM n’utilise plus ce questionnaire d’embauche et qu’elle a créé en 2016 une douzaine de formulaires « adaptés spécifiquement aux différentes catégories d’emplois ».

La STM fera-t-elle donc appel du jugement ? À cette question, Mme Tremblay a répondu que l’organisme prenait « acte de ce jugement ».

Un phénomène qui touche différents secteurs

En juin, une directrice adjointe de la Commission scolaire de Montréal (CSDM, aujourd’hui le Centre de services scolaire de Montréal) avait été réprimandée par le conseil de discipline de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

En entrevue, Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, explique que ses membres se sont fait rappeler les règles bien avant cette décision et que 1000 inspections sont faites annuellement auprès des membres pour que les formulaires d’embauche, entre autres choses, soient conformes aux lois.

Cependant, note-t-elle, les responsables de ressources humaines de la province ne sont pas tous membres de l’Ordre.

Mme Poirier souligne par ailleurs qu’encore lors d’inspections récentes, de tels questionnaires discriminatoires ont été trouvés, y compris dans le secteur public.

Lors de la publication de l’article sur la CSDM, cet été, des lecteurs avaient de fait souligné qu’ils avaient subi de telles questions sans aucun rapport avec un poste convoité pour des emplois dans le système public de santé.

MStéphanie Fournier, conseillère juridique à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, se réjouit de la décision, « qui reconnaît pour la première fois aussi bien le caractère discriminatoire du processus de sélection que le fait que le refus d’embauche ait été lui aussi discriminatoire ».

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse attend toujours le résultat de son action collective contre la Commission scolaire de Montréal.