Les maires de Montréal, Québec et Gatineau réclament un « plan d’action national » pour faire face aux enjeux d’aménagement du territoire dans un contexte d’urgence climatique, quitte à jeter du lest en matière d’autonomie municipale.

Dans une lettre ouverte publiée ce jeudi dans la section Débats de La Presse, Valérie Plante, Régis Labeaume, Maxime Pedneaud-Jobin et sept autres maires du Québec plaident pour des actions concertées pour répondre à la crise climatique.

Face à l’ampleur de la tâche, les signataires de la lettre intitulée « Oui à des règles communes pour faire face aux défis à venir » indiquent que « bien qu’il soit essentiel de préserver l’autonomie et la capacité d’agir des gouvernements de proximité, la cohérence territoriale et la concertation doivent devenir prioritaires ».

Les élus reconnaissent qu’« inverser la tendance lourde à l’empiétement urbain sur les milieux naturels et agricoles n’est pas une mince affaire » et qu’il « faudra revoir en profondeur nos pratiques ». Ils appellent aussi à une réforme du mode de financement des municipalités basé sur la taxe foncière.

Ils souhaitent que la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement du territoire attendue en 2022 mène « rapidement à des actions fortes et à des règles communes ». Celle-ci devra « rapidement mettre en place de puissants incitatifs à la consolidation, notamment en matière d’écofiscalité. Il faudra faire preuve d’audace et récompenser les bons joueurs », ajoute-t-on.

« Une plus grande sévérité est la bienvenue »

« C’est un sujet extrêmement important pour notre avenir à tous, signale le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, en entrevue avec La Presse. Car une des façons de répondre aux enjeux climatiques, c’est par l’aménagement du territoire. »

« Mais pour y arriver, ça va prendre des règles nationales claires, ambitieuses, et je dirais restrictives », ajoute-t-il.

Selon le maire de Gatineau, le monde municipal n’a pas toujours pris de bonnes décisions en matière d’aménagement. Il donne l’exemple de sa propre ville où quatre mois après les spectaculaires inondations de 2017, le conseil municipal avait approuvé à la majorité, sans l’appui du maire, le projet d’un concessionnaire automobile qui voulait installer son entreprise dans l’une des zones ayant été inondées.

Le projet a cependant été rejeté quelques mois plus tard.

« Il faut se protéger contre nous-mêmes, plaide-t-il. Au nom du développement économique, il y a des élus qui sont prêts à accepter n’importe quoi. Un concessionnaire en zone inondable, c’est n’importe quoi ! »

Pour l’anecdote, le terrain visé par le concessionnaire a été de nouveau inondé deux ans plus tard.

Même s’il dit être un grand défenseur de l’autonomie municipale, Maxime Pedneaud-Jobin semble avoir fait son lit. « Je ne me fais pas toujours des amis quand je dis ça dans le monde municipal, mais en matière d’environnement et d’aménagement du territoire, entre l’urgence d’avoir de la cohérence et des règles strictes et l’autonomie municipale, je choisis les règles strictes. »

Selon lui, si le Québec n’avait pas eu une loi sévère pour protéger le territoire agricole, « on aurait beaucoup plus grignoté le territoire que ce qu’on a fait depuis 40 ans ». « Je pense qu’en aménagement du territoire, une grande partie de cette sévérité est la bienvenue. »

« Si on fait ça, peut-être qu’il y aura un peu moins de solidarité, mais peut-être qu’on va se rapprocher de décisions plus efficaces ou plus intelligentes pour l’avenir du Québec. »

2 milliards

Ce sont les coûts estimés pour les 10 plus grandes villes du Québec pour l’adaptation aux changements climatiques sur un horizon de cinq ans, selon l’Union des municipalités du Québec.

Pour faire face aux changements climatiques, si on ne s’occupe pas de la fiscalité des municipalités, le problème va rester entier, parce que les villes n’ont pas cet argent-là.

Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

Depuis longtemps déjà, on sait que cette trop grande dépendance [des villes] aux revenus fonciers suscite une dynamique de nivellement par le bas pour attirer le développement immobilier.

Extrait de la lettre ouverte