Les résidants de Sainte-Paule ont poussé un soupir de soulagement, dimanche. L’homme que les policiers ont traqué pendant des jours dans leur petit village du Bas-Saint-Laurent a été arrêté après une longue nuit de négociations. L’enfant de 3 ans qu’il avait enlevé est sain et sauf.

« C’est sûr que ça change le quotidien de la population. On va pouvoir revenir à une vie normale d’ici les prochaines heures, bien que l’on sache que tout ça laissera probablement des séquelles », a dit à La Presse le maire de la municipalité de près de 240 âmes, Pierre Dugré.

La cavale du jeune père a donné des sueurs froides aux habitants de Sainte-Paule. « On verrouillait les portes. Ici, on a quand même une sécurité, on ne les verrouillait pas, les portes », explique Pierre Lemieux, rencontré alors qu’il garait sa camionnette marine dans le stationnement de l’église de Sainte-Paule, dimanche.

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Pierre Lemieux, résidant du secteur de Sainte-Paule

Les négociations entre les policiers et le suspect ont débuté vers 16 h, samedi, et se sont poursuivies toute la nuit, « jusqu’à [dimanche] midi, heure à laquelle [le suspect] a été maîtrisé par les policiers », a déclaré le porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ) Claude Doiron.

Le fils du suspect est en bonne santé et a été confié à sa mère.

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Claude Doiron, sergent et porte-parole de la Sûreté du Québec

Âgé de 36 ans, le père de l’enfant a pu être interrogé par les policiers dimanche. « À partir de ce moment, un dossier sera monté et envoyé à l’étude du Directeur des poursuites criminelles et pénales », a déclaré M. Doiron.

Le suspect devrait comparaître devant les tribunaux par téléphone lundi, selon nos informations.

Parmi les plus longues alertes AMBER

Depuis le déclenchement de l’alerte AMBER, le 31 août, des recherches aériennes et terrestres ont été menées par la SQ, la Gendarmerie royale du Canada et les Forces armées canadiennes afin de retrouver le père et le fils dans les environs de Sainte-Paule, à une vingtaine de kilomètres de Matane.

Samedi soir, la SQ avait annoncé avoir localisé les deux disparus, sans préciser l’endroit où ils se trouvaient ni donner de précisions sur leur état de santé. L’alerte AMBER, l’une des plus longues lancées au Québec, avait alors été levée.

  • Depuis le déclenchement de l’alerte AMBER, des recherches ont été menées par la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et les Forces armées canadiennes.

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    Depuis le déclenchement de l’alerte AMBER, des recherches ont été menées par la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et les Forces armées canadiennes.

  • Repéré samedi, le suspect a finalement été maîtrisé dimanche vers midi

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    Repéré samedi, le suspect a finalement été maîtrisé dimanche vers midi

  • Un périmètre de sécurité était toujours en place dimanche après-midi autour de la résidence du suspect.

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    Un périmètre de sécurité était toujours en place dimanche après-midi autour de la résidence du suspect.

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Le suspect s’était finalement barricadé dans sa propre résidence, chemin de la Coulée-Carrier, avec son fils, après avoir passé de plusieurs journées en forêt, dans le secteur où la SQ effectuait ses recherches.

Selon nos informations, le suspect, qui possédait des armes longues, aurait tiré des coups de feu à l’arrivée des policiers sur les lieux, samedi après-midi. Personne n’a été blessé.

Un périmètre de sécurité était toujours en place dimanche après-midi autour de la petite maison jaune aux poutres blanches, à la peinture écaillée. Policiers et enquêteurs s’affairaient sur le terrain.

Rencontrée chez elle, Monique Desjardins, 82 ans, l’une des voisines du suspect, dit avoir vécu beaucoup de stress au cours des derniers jours.

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Monique Desjardins, voisine du suspect

« Les policiers sont venus nous avertir de rester au large dans notre maison, pas dans la cuisine », explique-t-elle en désignant sa pièce vitrée.

À quelques mètres du domicile où les deux disparus ont été retrouvés, Jean Lemieux rénove le balcon de sa maison, située sur un terrain luxuriant. L’homme dit s’être senti en sécurité en raison de la présence des policiers.

Le suspect, qui habitait auparavant à Saint-Raymond, près de Québec, s’est installé dans la municipalité de Sainte-Paule l’automne dernier. « On ne le voyait jamais. Sa maison était barricadée, les stores, toujours fermés. [Il] sortait le soir et [il] revenait dans la nuit », raconte M. Lemieux, qui dit ne pas avoir fait connaissance avec le suspect.

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Jean Lemieux, voisin du suspect

J’ai des amis de son âge à la shop qui le connaissent. Ils disaient que c’était un gars intelligent et qu’il pouvait survivre [en forêt]. [Il] attendait la fin du monde, c’est ce qu’on m’a dit. Il voulait sauver son fils.

Jean Lemieux, voisin du suspect

Jean Lemieux dit n’avoir jamais vu l’ex-conjointe du suspect ou son fils.

Connu des policiers

Le père est connu des policiers. Il a été accusé d’avoir commis une agression sexuelle en 2010, à Matane. Le dossier criminel de l’homme est notamment constitué de condamnations en matière de voies de fait, de non-respect de probation, de possession de drogues et de conduite dangereuse.

L’homme adhère d’ailleurs au mouvement complotiste, comme en témoignent ses publications sur les réseaux sociaux.

Une amie du suspect lorsqu’il résidait à Saint-Raymond, Véronique Germain, affirme que l’homme a déménagé à Sainte-Paule pour se rapprocher de sa famille. Il travaillait auparavant avec le conjoint de Mme Germain, écrit-elle à La Presse.

Il est un livre ouvert, il a toujours été honnête. Mon conjoint connaît ses erreurs du passé. Nous sommes des personnes qui croient en la deuxième chance.

Véronique Germain, amie du suspect lorsqu’il résidait à Saint-Raymond

Soutien psychologique

En fin de journée, dimanche, le calme revenait peu à peu à Sainte-Paule, où les infrastructures n’étaient plus en mesure de soutenir l’important déploiement policier.

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Pierre Dugré, maire de Sainte-Paule, municipalité du Bas-Saint-Laurent comptant près de 240 âmes

« On n’avait plus d’eau dans le puits », a expliqué le maire.

Des « démarches seront mises en place afin de venir en aide aux personnes ayant besoin de soutien psychologique », a-t-il affirmé. Il invite les citoyens à communiquer avec la municipalité.

L’enquête en cinq temps

31 août

Une alerte AMBER est déclenchée afin de retrouver un garçon de 3 ans qui aurait été enlevé par son père. Ils avaient été aperçus pour la dernière fois rue Banville, à Sainte-Paule, dans la région du Bas-Saint-Laurent.

1er septembre

L’alerte AMBER est étendue à l’ensemble du Québec et au nord-ouest du Nouveau-Brunswick. La Sûreté du Québec (SQ) indique que le suspect pourrait être armé et demande aux citoyens de ne pas participer aux recherches. Le véhicule tout-terrain à bord duquel le suspect s’est enfui avec son fils est retrouvé au sein du périmètre de recherches.

3 septembre

Des objets sur lesquels se trouve l’ADN des deux disparus ont été découverts, indique la SQ. Les articles ont été trouvés dans le bois, selon les informations obtenues par La Presse.

4 septembre

Le père et le fils sont repérés dans une résidence du chemin de la Coulée-Carrier, à Sainte-Paule, vers 16 h. Des coups de feu sont tirés, mais personne n’est blessé. Les policiers amorcent des négociations avec le suspect.

5 septembre

Vers 12 h, le suspect se rend. Sain et sauf, l’enfant est remis à sa mère.