« Je ne veux pas déménager. Je suis bien, ici, avec ma famille. » Andrew Poirier, 22 ans, a appris qu’il sera forcé de déménager d’une ressource intermédiaire qu’il habite depuis 14 ans et dont le contrat n’a pas été renouvelé. Le CISSS des Laurentides maintient sa décision malgré l’avis d’un psychologue et d’un psychiatre. Le jeune homme devra changer de « maison » d’ici le 31 août.

Andrew Poirier habite la même ressource intermédiaire depuis qu’il a l’âge de 8 ans. Mais le CISSS a mis fin au contrat avec ce lieu d’hébergement en raison d’une « relation difficile » avec le gestionnaire, au grand désarroi d’Andrew.

« Nous avons tenté à maintes reprises de trouver des solutions afin d’améliorer la relation difficile avec [le responsable]. Nos tentatives n’ont pas porté leurs fruits puisque la collaboration avec monsieur ne s’est jamais rétablie de façon acceptable », affirme Véronique Bernier, agente d’information au CISSS des Laurentides.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Sur cette photo, Andrew Poirier est entouré de ceux qu’ils considèrent comme ses frères et sœurs (de gauche à droite) : Matty-Shane, Keynessa, Alyck-James, Evie-Mayhïna et leur père Réjean Brodeur.

Réjean Brodeur, qui s’occupe de cette ressource intermédiaire qui a accueilli des personnes atteintes de déficience intellectuelle pendant 13 ans, considère Andrew comme son propre fils. Il est dévasté par cette décision qu’il qualifie de « politique ».

Andrew a vu naître tous mes enfants. Ce sont ses frères et ses sœurs. Il fait partie de notre famille.

Réjean Brodeur, père de six enfants, en comptant Andrew

Andrew Poirier souffre de troubles de l’attachement, d’anxiété, du syndrome de Gilles de la Tourette… Depuis qu’il sait qu’il devra déménager, il ne dort plus, il est stressé, il développe des tics, il est colérique, affirme Réjean Brodeur. La mère biologique d’Andrew est morte et il est placé sous curatelle.

« Il vérifie 20 fois par jour si la porte est barrée. Il veut qu’on ferme les fenêtres parce qu’il a peur qu’on vienne le chercher de force […] Il a vécu ça quand il était petit (alors qu’il a été retiré de son milieu de vie) et il n’est jamais retourné chez sa maman. C’est ce que ça lui fait revivre », soutient M. Brodeur.

« Ça me fait de la peine, ça me choque de devoir déménager », confirme Andrew, lors d’une entrevue téléphonique avec La Presse. « Et quand je suis choqué, je fais des excréments, je frappe, je brise plein d’affaires. »

La psychiatre d’Andrew Poirier a fait parvenir un message au CISSS des Laurentides pour tenter d’infirmer cette décision. « Pour des raisons médicales, il m’apparaît primordial que M. Poirier ne soit pas déplacé dans une autre ressource et donc, qu’il demeure dans son milieu de vie actuel, tout en maintenant les services de réadaptation », écrit la Dre Gabrielle Larouche.

Son psychologue, André Lachapelle, a également fait parvenir une lettre au CISSS dans laquelle il note qu’avec « le passé subi par Andrew, avec toute l’angoisse qui gruge ses jours et ses nuits, [il] considère qu’un déplacement doit très sérieusement être remis en question ».

« Collaboration difficile »

Le CISSS des Laurentides soutient pour sa part que M. Brodeur a refusé des visites de vérifications, qu’il s’est opposé à des demandes d’équipes cliniques et qu’il prend des décisions pour des usagers sans consulter leur curateur.

« Le déménagement d’un usager n’est jamais envisagé en premier scénario puisque nous avons à cœur d’assurer un environnement stable à nos usagers », affirme Mme Bernier. « Malheureusement, lorsque nous faisons face à des situations comme celle-ci qui ne s’améliorent pas avec le temps, nous n’avons pas d’autre alternative que de procéder ainsi, et ce, pour nous assurer du bien-être de l’usager. »

Réjean Brodeur déplore que le CISSS n’ait jamais consulté Andrew dans la prise de cette décision importante. « Andrew, il est capable de parler, il a des sentiments, il sait ce qu’il veut. Je trouve ça bien malheureux qu’on l’ait laissé de côté dans ces démarches. […] Ce que je trouve triste, c’est qu’ils vont prendre Andrew d’une place où il est bien et ils vont le déménager 50 km plus loin. »

Et ce n’est pas juste la vie d’Andrew qui sera détruite, dit M. Brodeur, c’est celle de toute la fratrie.