Les petits fruits importés et produits au pays pourraient contenir jusqu’à sept fois plus de résidus d’insecticides et de fongicides, selon une proposition de Santé Canada. Les spécialistes consultés par La Presse soutiennent que les consultations publiques de l’agence fédérale manquent de transparence, en plus d’aller à l’encontre des efforts des agriculteurs pour diminuer leurs quantités de pesticides.

« On n’est pas en accord avec ces demandes, parce que ça va à l’opposé de notre démarche de réduction de l’utilisation des pesticides au Québec », affirme Jennifer Crawford, directrice générale de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec.

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada propose d’autoriser trois fois plus de résidus de métalaxyl et de sulfoxaflore dans les bleuets sauvages. La proposition permettrait également des traces sept fois plus élevées de métalaxyl dans les framboises et les mûres.

En effet, le seuil de tolérance du métalaxyl passerait de 3 à 10 parties par million (ppm) pour les bleuets sauvages et de 0,2 à 1,5 ppm pour les mûres et les framboises. La limite maximale de résidus de sulfoxaflore passerait de 0,7 à 2,0 ppm pour les bleuets sauvages.

Si les propositions étaient acceptées, les taux tolérés au Canada deviendraient moins exigeants que ceux des États-Unis.

« Ça n’a vraiment pas de sens que Santé Canada propose ce genre de modification. Leur première mission est de prévenir et de réduire les risques pour la santé individuelle et pour l’environnement. Là, on dirait qu’ils ont un nouvel objectif à vocation commerciale », soutient Thibault Rehn, coordinateur de Vigilance OGM.

Des produits nocifs

Le métalaxyl, un fongicide systémique, se disperse à travers les plantes et peut être présent dans les fruits. « On ne peut pas l’enlever en le lavant à l’eau », indique Louise Hénault-Ethier, directrice du Centre Eau Terre Environnement et professeure associée à l’Institut national de la recherche scientifique. Des études ont démontré que de fortes doses de métalaxyl pouvaient engendrer des effets sur le foie des animaux de laboratoire.

Si le Canada tolère plus de métalaxyl dans les aliments, son taux risque également d’être plus élevé dans l’environnement.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Louise Hénault-Ethier

C’est un pesticide qui est persistant et mobile dans l’environnement, donc il peut venir contaminer les nappes phréatiques.

Louise Hénault-Ethier, directrice du Centre Eau Terre Environnement, à propos du métalaxyl

Enfin, le sulfoxaflore, un insecticide, agit de façon similaire aux néonicotinoïdes, surnommés les pesticides « tueurs d’abeilles », ce qui n’est « pas nécessairement une bonne nouvelle au point de vue environnemental », déplore la spécialiste.

Un manque de transparence

La population est invitée à se prononcer sur ces nouvelles concentrations sur le site de Santé Canada. « Il y a un manque de transparence et de détails fournis par Santé Canada dans le cadre d’une consultation comme celle-ci. On fournit des documents très synthétiques et sommaires et on demande au public de réagir », indique Mme Hénault-Ethier.

Sur le site de l’agence de santé publique, on peut lire que « les risques liés à ces nouvelles utilisations sont acceptables pour la santé humaine et pour l’environnement ». La spécialiste déplore qu’il n’y ait aucune trace des hypothèses et des calculs qui justifient l’affirmation voulant que les risques pour la santé et l’environnement soient acceptables.