(Iqaluit) Assise avec sa fillette de quatre ans sur ses genoux, Crystal Martin-Lepenskie avait les larmes aux yeux, lundi, en regardant Mary Simon devenir la 30e gouverneure générale du Canada.

Mme Simon, une Inuite née à Kangiqsualujjuaq, dans le nord du Québec, est aussi devenue la première personne autochtone à occuper cette fonction de représentante de la reine Élizabeth II au Canada.

« J’ai l’impression que c’est une vraie réconciliation : une Inuite qui est née et a grandi dans les traditions, qui a vécu la colonisation, mais qui a aussi été très active tout au long de sa carrière […] Je ne pouvais pas croire que j’étais témoin de ça », a confié Mme Martin-Lepenskie en entrevue.

Originaire de Sanirajak, au Nunavut, et ancienne présidente du « National Inuit Youth Council », elle a regardé la cérémonie depuis son domicile en Ontario.

« Cela prouve que même si tous les efforts ont été déployés pour effacer notre peuple, notre culture et nos traditions, nous sommes restés résilients », a-t-elle dit.

Mme Martin-Lepenskie croit que la nomination de Mary Simon ne constitue qu’une étape vers la guérison et la réconciliation pour les Inuits et les autres peuples autochtones du Canada. « Voir des Autochtones dans ces types de fonctions, je pense que c’est vraiment le moyen de créer un changement inclusif et diversifié dans notre pays. »

« Comment allons-nous apporter des changements si nous ne sommes pas dans ces positions ? Nous devons ressentir un malaise afin de trouver ce qui fonctionne le mieux. »

Une période trouble

Mais d’autres remettent en question le moment choisi pour cette nomination et les progrès, le cas échéant, qu’elle pourra apporter aux Autochtones du Canada.

Dans une publication sur Facebook partagée avec La Presse Canadienne, Napatsi Folger, originaire d’Iqaluit, a déclaré que même si elle salue le succès des Autochtones et ne doute pas que Mme Simon soit un bon choix, sa nomination survient à un moment difficile.

« Ce geste ressemble tellement à une décision qui est prise pour redorer son image et à un geste fallacieux pour nous distraire des sentiments de colère importants sur lesquels nous devons encore nous concentrer », a-t-elle écrit.

Mme Folger croit que le Canada n’en fait pas assez pour les Autochtones, citant les promesses du gouvernement fédéral sur des choses comme l’eau potable, les soins de santé et la justice.

« Comment osez-vous essayer de nous jeter de la poudre aux yeux en utilisant notre propre peuple comme des gages de lumière, tout en ne faisant rien pour aider à gérer les crises en cours dans nos communautés », a-t-elle écrit.

Paul Quassa, ancien premier ministre du Nunavut et maintenant président de l’Assemblée législative du territoire, a négocié l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut aux côtés de Mary Simon dans les années 1980. « En la regardant ce matin, j’ai pensé à tous les Inuits qui travaillaient avec elle. Tous les membres de sa communauté, tous les Inuits qui ont survécu pendant des milliers d’années », a-t-il déclaré en entrevue.

M. Quassa a décrit Mary Simon comme une « âme très douce », mais aussi une habile négociatrice, avec une « touche magique ». Il espère que sa nomination sera une occasion pour les Canadiens d’en apprendre davantage sur les langues autochtones à travers le pays, y compris l’inuktitut.

« C’étaient là les premières langues, avant que nous ne soyons colonisés ici au Canada, et je pense qu’il est grand temps que le Canada et le gouvernement fédéral le reconnaissent », a estimé M. Quassa.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des Bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.