Il est possible de faire du lobbyisme au Québec sans divulguer ses activités, une situation paradoxale qui ne sert pas le public et montre l’urgence de revoir la loi sur la transparence en matière de lobbyisme adoptée il y a bientôt 20 ans.

C’est ce qu’affirme MJean-François Routhier, commissaire au lobbyisme (CLQ), selon qui une refonte de la loi est nécessaire pour retirer les « embûches » à la transparence.

« On se fait constamment dire qu’on “manque de dents”, qu’on n’est pas capable de satisfaire les attentes du public en matière de transparence, dit-il. Alors nous voulons attirer l’attention sur des angles morts d’une loi adoptée il y a 20 ans et qui n’est plus à jour. »

Cette sortie du CLQ arrive un peu plus d’un mois après la décision d’un tribunal d’acquitter Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, qui faisait face à trois constats d’infraction en lien avec des communications d’influence.

Le CLQ note que les infractions reprochées « étaient liées à des activités de lobbyisme effectuées pour le compte de la Fédération entre les mois de mars et juin 2018. Ces activités ont été réalisées auprès de M. Sébastien Proulx et Mme Hélène David, respectivement ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ministre responsable de l’Enseignement supérieur à cette époque, et n’avaient pas été inscrites au registre des lobbyistes ».

La sortie du CLQ n’est « pas une attaque contre la fédération ou son président », note MRouthier, mais plutôt une façon de montrer que la loi n’est plus adéquate. La loi sur le lobbyisme contient des exceptions qui exemptent les organismes à but non lucratif de devoir rapporter leurs activités au registre des lobbyistes.

« Ce sont les citoyens qui sont perdants. Il y a une perte de transparence chaque fois qu’on perd ces jugements-là, parce que d’autres personnes pourront potentiellement utiliser le jugement pour dire “moi aussi, je devrais être exclu” de l’application de cette loi-là. »

L’Association québécoise des lobbyistes n’était pas en mesure d’offrir ses commentaires mardi.

Le Québec sous la loupe de l’OCDE

Dans un récent rapport, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) notait que « le statut juridique d’une entité bénéficiant d’activités de lobbying (dans un but lucratif ou non) ne devrait pas être le principal facteur dispensant une entité de l’obligation d’inscription ».

Le CLQ a d’ailleurs récemment conclu un partenariat avec l’OCDE « afin d’évaluer le cadre législatif et réglementaire en matière de transparence et d’intégrité des activités de lobbyisme au Québec », note MRouthier.

« Cet automne, on va voir avec l’OCDE comment on fait pour se remettre sur le droit chemin au Québec, et obtenir des recommandations formelles à la fin de l’année qu’on pourrait ensuite transformer en loi ou en réforme de la loi. »