L’industrie touristique se réjouit, mais continue de chercher du personnel

Propriétaire de restaurant qui doit laver lui-même la vaisselle, directeur d’hôtel qui nettoie les chambres ou accueille les visiteurs… L’industrie touristique se réjouit de l’ouverture annoncée des frontières canadiennes aux visiteurs, mais nombre d’entreprises du secteur se demandent comment elles arriveront à faire face à l’afflux de touristes en période de pénurie de main-d’œuvre.

« Déjà, depuis le début de l’été, le volume de clientèle a augmenté, et on a eu de la pression en raison de la pénurie de personnel. On a dû refuser des réservations à un certain moment, on a arrêté de louer des chambres, parce qu’on voulait être en mesure de bien servir la clientèle », confie Hugo Germain, vice-président aux opérations des hôtels du Groupe Germain.

« On a tous mis la main à la pâte », indique aussi Chantal Riopel, directrice générale de l’hôtel Delta du centre-ville de Montréal, qui a dû s’occuper de la réception de l’établissement à certains moments.

« C’est un beau problème : on va avoir une augmentation de la demande, mais aura-t-on les employés pour y répondre ? », demande Glenn Castanheira, directeur général de l’organisme Montréal centre-ville.

Si on reçoit de la visite, mais qu’on n’est pas capables de l’accueillir, faute de main-d’œuvre, il y a un risque réel qu’on n’offre pas l’expérience attendue.

Glenn Castanheira, directeur général de l’organisme Montréal centre-ville

Tous les commerçants et leurs représentants joints par La Presse ont soulevé le même enjeu : ils doivent se casser la tête pour arriver à pourvoir tous leurs postes. Dans les restaurants, des employés font des quarts de travail de 12 heures, mais certains s’épuisent à trop travailler.

La perspective de voir des touristes américains débarquer est bien accueillie, « mais ça amène son lot d’anxiété », dit Chantal Riopel.

« Invasion »

Parce qu’on s’attend à ce que nos voisins du Sud se ruent vers Montréal.

« On assiste en ce moment à une invasion ontarienne et on peut s’attendre à quelque chose de semblable des Américains, affirme M. Castanheira. Pour eux, on est l’Europe en Amérique. À défaut de traverser l’Atlantique, alors que la situation sanitaire est difficile dans plusieurs pays européens, ils vont venir ici. »

Les campagnes promotionnelles visant à vendre le Québec aux Ontariens semblent avoir porté leurs fruits. « On espère avoir la même réceptivité aux États-Unis », dit Manuela Goya, vice-présidente au développement de la destination chez Tourisme Montréal.

Alain Creton, propriétaire du restaurant Chez Alexandre, institution de la rue Peel, au centre-ville de Montréal, confirme que les touristes de la province voisine sont très nombreux dans son établissement.

Ils sont tellement heureux d’être là, les gens sont euphoriques !

Alain Creton, propriétaire du restaurant Chez Alexandre

Son restaurant fonctionne à 50 % de sa capacité actuellement, dit-il, mais les clients dépensent plus, selon ses observations.

Comme tous les autres établissements, il cherche du personnel, et aimerait bien que les gouvernements facilitent l’arrivée d’un plus grand nombre d’immigrants. « Je connais plusieurs jeunes Français qui voudraient venir travailler au Québec. Le gouvernement devrait laisser rentrer ceux qui veulent travailler », laisse-t-il tomber.

L’enjeu de la PCRE

Autre demande : que le gouvernement fédéral cesse bel et bien le versement de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) en septembre, comme prévu.

« Ç’a été une erreur de la maintenir pendant l’été. À cause de ça, il y a un paquet d’étudiants qui ont décidé de ne pas travailler cet été », déplore Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

M. Leblanc est satisfait de voir qu’on prévient les entreprises de la réouverture à venir, pour qu’elles puissent se préparer. Mais il estime qu’on aurait pu laisser entrer les visiteurs d’autres pays que les États-Unis avant le 7 septembre.

Les Canadiens peuvent aller en Europe depuis plusieurs semaines déjà, s’ils sont vaccinés deux fois. Donc, pourquoi attendre ?

Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

« Le gouvernement, dans son annonce, a tout de même laissé la porte ouverte à ce qu’il y ait des modifications », souligne Michel Leblanc.

Enfin, le président de la CCMM espère que le gouvernement fédéral maintiendra jusqu’en décembre ses programmes de soutien à l’industrie touristique et à l’hôtellerie. « Dans ces domaines-là, il y a souvent d’importantes rentrées d’argent durant l’été, et on traverse des mois creux à l’automne. Si la saison estivale est très, très écourtée, beaucoup d’entreprises vont trouver difficile de se rendre jusqu’au mois de novembre », fait-il remarquer.