Le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) a publié une longue liste de recommandations politiques pour les élus avant un sommet national sur l’islamophobie cette semaine.

L’organisation a tenu lundi des évènements dans des villes qui ont connu des crimes contre les musulmans au cours des dernières années, notamment à Québec, dans la région du Grand Toronto, à Edmonton et à London, en Ontario, où le mois dernier, quatre membres d’une famille ont été tués lors d’une promenade.

L’organisation en a profité pour dévoiler ses 61 recommandations aux décideurs politiques avant le sommet national de jeudi.

Mustafa Farooq, directeur général du CNMC, a déclaré lundi aux journalistes du sud-ouest de l’Ontario que les recommandations ciblent tous les ordres de gouvernement et ont été compilées après avoir discuté avec des membres de la communauté de tout le pays.

M. Farooq a affirmé que les gouvernements participant au sommet doivent savoir que les membres veulent des engagements et des échéanciers clairs.

Plus de la moitié des recommandations s’adressent au gouvernement fédéral et comprennent la création d’une stratégie de lutte contre l’islamophobie au sein de la fonction publique et de la société canadienne en général. Le groupe a suggéré à Ottawa de créer un envoyé spécial pour lutter contre l’islamophobie et enquêter sur les allégations de profilage au sein de l’Agence du revenu du Canada et des agences de sécurité nationale, a déclaré M. Farooq.

D’autres recommandations consistent à modifier le Code criminel pour y inclure des sanctions spécifiques et des procureurs dédiés pour les crimes haineux impliquant des voies de fait, des menaces, des méfaits et des meurtres. Le groupe souhaite également que le gouvernement n’exige plus le consentement du procureur général avant que les affaires motivées par la haine et le génocide ne procèdent devant les tribunaux.

Pour les provinces, les recommandations comprennent l’enseignement de l’islamophobie dans les écoles, un système de responsabilité pour les unités policières chargées des crimes haineux et l’interdiction des rassemblements pour la suprématie blanche.

À Québec, l’annonce a eu lieu à l’extérieur du Centre culturel islamique, où un attentat a fait six morts et 19 blessés le 29 janvier 2017.

Nusaiba Al-Azem, deuxième vice-présidente de la mosquée de London, a déclaré que le sommet ne devrait pas être considéré par les politiciens comme un évènement isolé. « Alors que nous nous tenons ici quelques jours avant la tenue du sommet, nous voulons saisir cette occasion pour rappeler à nos élus que ce sommet n’est pas, ne doit pas et ne peut pas être la fin », a déclaré Mme Al-Azem.

« C’est simplement un moyen à partir duquel nous attendons des changements tangibles à tous les ordres de gouvernement. »

La loi sur la laïcité de l’État

Des 61 recommandations, Mme Al-Azem en a souligné une appelant le procureur général à intervenir dans toutes les contestations de la loi québécoise sur la laïcité, connue sous le nom de loi 21. La loi, adoptée en juin 2019, interdit le port de signes religieux à certains employés relevant du gouvernement lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions. Elle fait un usage préventif de la disposition de dérogation de la Charte des droits et libertés, qui protège la législation des contestations judiciaires concernant les violations des droits fondamentaux.

Mme Al-Azem a déclaré que la loi affecte de manière disproportionnée les femmes musulmanes ainsi que les juifs et les sikhs. « Si je voulais déménager au Québec et travailler pour le bureau de la Couronne, [je] serais obligée de choisir entre pratiquer ma foi ou ma profession, [donc] j’ai des sentiments assez forts à propos de la loi 21, une loi qui en 2021, contrôle et réglemente la tenue vestimentaire des femmes, la liberté religieuse et notre liberté d’expression », a-t-elle déclaré.

M. Farooq affirme que plus de musulmans ont été tués dans des attaques haineuses ciblées au Canada que dans tout autre pays du G7 au cours des cinq dernières années.

Le sommet prévu jeudi de dirigeants communautaires et politiques, d’universitaires et de militants est l’un des deux cette semaine visant à lutter contre les crimes haineux. Une réunion similaire sur l’antisémitisme est prévue mercredi.