Depuis 50 ans, des journalistes essaient de mettre la main sur le rapport d’enquête relatif à l’assassinat du felquiste Mario Bachand, à Paris, en 1971. Pour la première fois, La Presse a pu consulter ces documents. Conclusion ? On y découvre plein de nouveaux détails sur l’enquête… mais bien des questions restent sans réponses.

(Paris) Un mystère qui dure depuis 50 ans

Le 29 mars 1971, le felquiste Mario Bachand est trouvé mort dans un appartement de Saint-Ouen, en banlieue de Paris. Il gît dans une mare de sang. On lui a logé deux balles de calibre.22 dans la tête. Les dernières personnes à l’avoir vu vivant sont deux Québécois inconnus, qui lui ont rendu visite le midi même, selon le témoignage de son « coloc », qui a découvert le corps.

Qui l’a tué ? Et pourquoi ? Cinquante ans plus tard, la question reste ouverte et continue d’obséder une poignée de journalistes et d’historiens québécois.

Non sans raison. Car le meurtre non élucidé de Mario François Bachand réunit tous les ingrédients d’un vrai bon film policier : du terrorisme, du politique, des services secrets, une exécution sommaire et, surtout, un mystère tenace.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Mario Bachand

Plusieurs hypothèses circulent depuis un demi-siècle. On a parlé de règlement de compte au sein du FLQ. D’un coup monté par la Gendarmerie Royale du Canada. Un livre, une enquête et un documentaire en six épisodes ont été successivement faits sur le sujet, sans compter la multitude d’articles cherchant à connaître le fin fond de l’histoire et élaborant, pour certains, les scénarios les plus abracadabrants.

Mais il restait encore quelques morceaux importants pour compléter le casse-tête, dont celui-ci : le rapport d’enquête de la brigade criminelle de Paris, sous scellé depuis 50 ans.

Ce dossier de 362 pages, d’environ 3 cm d’épaisseur, coté 71/527 899, n’avait jamais encore été ouvert au public, et beaucoup se sont cassé les dents en essayant d’y avoir accès. Raison officielle : il n’était pas « communicable » avant 75 ans.

Ancien reporter (et directeur de l’information) à Radio-Canada, Alain Saulnier est sans doute celui qui s’en est approché de plus près, pour le reportage Une bombe sur le FLQ, diffusé en 1997 à l’émission Enjeux. Il avait « vu » le dossier, mais n’avait pas été autorisé à le consulter lui-même, devant se contenter de s’en faire lire des extraits par un avocat.

Le journaliste avait toutefois pu obtenir des informations cruciales et s’était notamment fait confirmer le nom d’une personne d’intérêt, qui n’a jamais été accusée et qui est toujours en vie.

Une récente tentative de La Presse s’est finalement avérée fructueuse : notre demande de dérogation a été acceptée par la préfecture de Paris.

Au terme de longues démarches administratives, on a fini par tenir entre nos mains ce « saint Graal » de l’histoire du terrorisme québécois et mettre notre nez dans ce rapport de police, où sont consignés tous les détails d’une enquête qui continue de faire fantasmer, à plus forte raison que le dossier a été fermé et que l’assassin n’a jamais été retrouvé.

« Le fait de l’avoir noir sur blanc, c’est une grosse nouvelle. Tout ce qu’on avait jusqu’ici, c’était des ouï-dire », confirme l’historien Louis Fournier, auteur de FLQ – Histoire d’un mouvement clandestin, le livre de référence sur le Front de libération du Québec.

Un règlement de compte à l’interne ?

Le rapport de la brigade criminelle détaille des hypothèses déjà apportées dans divers reportages au fil du temps, selon lesquelles le meurtre de Mario Bachand serait le résultat d’un règlement de compte à l’intérieur du FLQ.

On y conclut qu’à « ce stade de l’enquête, les services spécialisés de la police nationale, se faisant l’écho de rumeurs persistantes circulant dans les milieux québécois de la capitale, porteraient à notre connaissance que Bachand François avait pu être exécuté par des éléments de la tendance “dure” » du FLQ soucieux d’éliminer un adversaire au courant de leurs projets ».

Le rapport pointe vers le fondateur du FLQ, Raymond Villeneuve, comme « celui qui pourrait avoir été l’âme, sinon l’instigateur du meurtre », mais que les « exécutants » pouvaient être Normand Roy et Michel Lambert, deux felquistes « fanatiques » qui avaient transité par les camps d’entraînement fedayin en Jordanie, avant de rejoindre Alger, où se trouvait une partie de la délégation du FLQ à l’étranger, dirigée par Villeneuve, en exil depuis 1968.

Dans le rapport d’enquête, Normand Roy est « formellement reconnu » sur une photo par le colocataire de la victime, Pierre Barral, et sa conjointe, Françoise Laville, comme étant l’un des deux Québécois venus rendre visite à Mario Bachand cet après-midi-là.

Le couple, en revanche, ne parvient pas à identifier clairement la jeune femme qui accompagnait Normand Roy. Le rapport laisse entendre qu’il pourrait s’agir de Michel Lambert déguisé en femme (!) avant d’écarter cette hypothèse. Des reportages suggéreront plus tard qu’il s’agissait de Denyse Leduc, compagne de Normand Roy à l’époque, aujourd’hui morte.

Normand Roy, qui vit à Montréal, refuse de parler aux journalistes. À nos collègues de Radio-Canada et de la série Le dernier felquiste, d’Antoine Robitaille et Dave Noël, il se borne à dire qu’il n’était qu’un « patriote » et un « bon soldat » de la cause pour l’indépendance du Québec.

Raymond Villeneuve est pour sa part « cuisiné » de façon assez insistante sur la mort de Bachand, dans le documentaire de Noël et de Robitaille réalisé à l’occasion du cinquantenaire du meurtre. Mais l’homme de 77 ans ne confirme rien.

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Raymond Villeneuve en 2004

Une des hypothèses du rapport de police est que Bachand aurait été assassiné à cause d’une lutte de pouvoir au sein de l’organisation. Dans des entrevues données quelques mois plus tôt aux magazines L’Express et Politique Hebdo, en France, Bachand s’était présenté comme le « secrétaire général » de la délégation du FLQ hors Québec, un statut que contestait apparemment Raymond Villeneuve, qui était de son côté soutenu par le Front de libération nationale (FLN) à Alger.

Selon le rapport, les felquistes en exil n’auraient pas non plus apprécié que Bachand déclare son soutien à « la démarche légale pour l’indépendance » entamée par le Parti québécois, même s’il prônait en même temps la poursuite des attentats.

L’autre hypothèse de la « crim’ » est que les membres du FLQ voulaient éliminer un adversaire qui était « au courant de leurs projets », possiblement un complot pour assassiner le premier ministre Robert Bourassa, en visite à Paris trois semaines plus tard.

Est-ce là l’un des « assassinats sélectifs » contre des personnalités québécoises que souhaitait Normand Roy, alias Selim, quand il avait été interviewé par Pierre Nadeau en Jordanie pendant son entraînement militaire avec les commandos palestiniens ?

Toujours est-il que Mario Bachand aurait pu être impliqué dans ce projet, avant de se raviser, selon le rapport. Faire un tel coup d’éclat en France, une terre d’asile pour les exilés du FLQ, n’aurait fait, selon lui, que nuire à la cause. De plus, Bachand estimait que Robert Bourassa « servait mieux la propagande et les desseins du FLQ en demeurant à son poste », peut-on lire dans le rapport.

Impossible d’identifier les empreintes

L’enquête confirme enfin que des empreintes digitales ne correspondant ni à celles de Bachand, ni à celles de son colocataire ou de sa compagne, ont été découvertes sur la scène du crime. Appartiennent-elles au couple de jeunes Québécois venus manger avec lui ce midi ?

La police française précise que lesdites empreintes n’ont pu être authentifiées par la police canadienne à sa demande, car les personnes d’intérêt dans cette affaire ne possédaient pas de casier judiciaire au Canada à ce moment-là.

On sait cependant que Raymond Villeneuve et Normand Roy ont tous deux été écroués à leur retour au Canada, pour des attaques à la bombe survenues dans les années 1960.

Dans une lettre au Devoir parue l’automne dernier, le journaliste Alain Saulnier demande ouvertement pourquoi leurs empreintes n’ont pas alors été comparées avec celles trouvées dans l’appartement de Saint-Ouen.

La scène du crime

Même si le dossier ne semble rien offrir de fondamentalement nouveau, il y a quelque chose de grisant à voir cette enquête policière revivre sous nos yeux, sur ces feuilles de papier pelure, rédigées avec de vieilles machines à écrire comme dans les polars des années 1950.

L’histoire est ici racontée avec moult détails, depuis le moment où Pierre Barral découvre le corps sans vie, jusqu’à la dernière entrée, le 24 septembre 1974, alors que les felquistes Louise Lanctôt et Jacques Cossette-Trudel sont interrogés par la police à leur arrivée à l’aéroport d’Orly.

On y apprend que Mario Bachand, 27 ans, portait une chemise jaune, des pantalons bruns, un slip bleu et des chaussettes noires. On sait ce qu’il y avait dans ses poches : un coupe-ongle, un peigne, un canif, le dépliant d’une boîte de nuit et 3,50 francs.

On sait que trois feuilles de papier et un stylo bille se trouvaient sur la table. Qu’il y avait un électrophone dans la pièce et qu’une chaise pliante avait été renversée sur le cadavre, encore tiède lorsque découvert par Pierre Barral.

On sait aussi que le couple de Québécois inconnu semblait appartenir « au milieu intellectuel », selon les descriptions du coloc et de sa conjointe. L’homme portait une petite moustache et une chemise à carreaux à dominance verte. La femme était habillée à la mode, avec un béret, un jean délavé coupé aux ciseaux et une tunique à motifs de fleurs passée sur un pull-over.

Le rapport du médecin légiste apporte aussi des éléments intéressants : en plus des trois balles tirées à la tête (dont une aurait ricoché au plafond), Mario Bachand aurait reçu des coups sur le dessus du crâne avec un objet « contondant ».

Aurait-il été frappé avant d’être tué à bout portant ?

Sans défiance

Le défilé des personnes interrogées permet aussi de reconstituer l’environnement social de la victime au moment du meurtre.

Certains lui servent alors de point de chute, d’autres sont d’anciens felquistes (Stéphane Pruneau) ou de jeunes indépendantistes québécois qui gravitent dans les milieux universitaires de Paris. Beaucoup font partie de l’Association des étudiants du Québec en France (AGEQF), comme Denise Dufresne, Paul Asselin, Jeanne Langevin, Diane Choquette, Jean-Claude St-Onge, François Dorlot (futur conjoint, aujourd’hui mort, de la ministre Louise Beaudoin) ou Anne Legaré (future déléguée du Québec à New York).

Il y a, enfin, le père de la victime ainsi que sa sœur, Michèle Bachand. Cette dernière était en visite à Paris au moment du meurtre et cherche toujours à connaître la vérité.

Des reportages ont avancé que Bachand se sentait « menacé » dans les semaines précédant son assassinat. Dans le dossier de la police, cette réalité n’apparaît pas.

Selon la plupart des dépositions, Mario Bachand ne montrait aucun signe particulier d’inquiétude. D’après le colocataire et sa compagne, il n’a pas plus manifesté de « défiance » le jour du meurtre, lorsqu’il a convié ces deux mystérieux Québécois à rester pour le dîner.

Barral et Laville racontent que tout allait pour le mieux quand ils ont quitté l’appartement en début d’après-midi, laissant Bachand seul et apparemment en pleine confiance, avec ses deux visiteurs.

En revanche, beaucoup confient que Mario Bachand avait une forte personnalité qui pouvait agacer, voire déranger.

Dans le rapport, une journaliste qu’il fréquentait à Paris, Colette Duhaime, résume assez bien comment il était perçu par la petite communauté québécoise qu’il fréquentait dans la capitale : « Mario parlait beaucoup trop et se vantait d’être le leader d’une grosse partie des personnes désirant la liberté du Québec. Il était détesté par beaucoup de gens, par les autorités, car il avait un grand sens de l’organisation et par certains groupes politiques qui le jugeaient trop à gauche. »

Mais elle ajoute : « Je n’ai jamais pensé qu’il pouvait être menacé. »

GRC, CIA et autres théories du complot

Le mystère entourant la mort de Mario Bachand a fait naître de nombreuses théories qualifiées de conspirationnistes par certains experts.

C’est le cas de Michael McLoughlin, qui se passionne pour le sujet depuis la publication de son livre Last Stop, Paris – The Assassination of Mario Bachand and the Death of the FLQ, en 1998.

Pour ce journaliste d’enquête, l’hypothèse d’une lutte de pouvoir dans le FLQ est tout simplement une « fausse histoire qui ne cesse d’être répétée » et colportée dans les médias.

Pour lui, aucun doute n’est permis : l’assassinat de Mario Bachand est un scandale de beaucoup plus grande envergure. Il maintient que l’auteur du meurtre était en fait un agent de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) et que Bachand a en réalité été exécuté par les services secrets canadiens, à la suite d’une demande venue de très haut.

Joint par La Presse, il persiste et signe :

Ce sont les services spéciaux qui l’ont fait, sous les ordres directs du premier ministre Trudeau. Ce n’est pas seulement une théorie. J’ai parlé à des gens dans le gouvernement.

Michael McLoughlin, auteur

Pourquoi la GRC aurait-elle éliminé Bachand ? Peut-être redoutait-elle son retour au Québec, où il aurait pu relancer le FLQ et faire du grabuge. Même s’il se disait ouvert à la démarche démocratique du PQ, le jeune felquiste prônait encore le sabotage et la révolution socialiste. Rappelons que cette histoire se déroule à peine six mois après la crise d’Octobre et que la paranoïa est à son comble. Des felquistes se baladent aux quatre coins du monde et représentent toujours une menace aux yeux des autorités canadiennes.

Pour McLoughlin, cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi les empreintes digitales trouvées sur les lieux du crime n’ont pas été comparées plus tard avec celles de la personne d’intérêt identifiée par Pierre Barral et sa compagne.

Bien qu’intrigante, la thèse de McLoughlin a peu de crédit aux yeux de Louis Fournier. L’historien du FLQ réfute même complètement ce scénario d’un meurtre d’État, qu’il qualifie de « complotiste ».

McLoughlin n’est pourtant pas le seul à aller en ce sens. Dans son récent livre La crise d’Octobre, le monde et nous, Anne Legaré suggère que le meurtre de Bachand aurait pu impliquer les services secrets français… voire la CIA.

On n’a décidément pas fini de se perdre en conjectures.

Qui a tué Mario Bachand ? Et pourquoi ?

Pourquoi l’enquête n’a-t-elle jamais été reprise au Canada et pourquoi les empreintes digitales « mystères » n’ont-elles jamais été officiellement authentifiées ?

Il semble que le rapport de la police parisienne ne réponde pas complètement à ces questions…

Avec la collaboration d’André Duchesne, La Presse, et de l’historien Louis Fournier

Qui sont-ils ?

Mario Bachand

Membre de la première vague du FLQ, il est responsable des fameuses attaques à la bombe dans les boîtes aux lettres de Westmount en 1963. Arrêté, il purge une peine de trois ans et est libéré en 1966. Il poursuit ses activités militantes (manif du lundi de la matraque, McGill français) avant de partir pour Cuba en 1969 en compagnie de Raymond Villeneuve. Ce dernier mettra le cap sur Alger, tandis que Bachand se pose à Paris à la fin de 1970, où il continue la lutte à distance en préparant son retour au Québec. Un projet qu’il ne concrétisera jamais.

Raymond Villeneuve 

Il fonde le Front de libération du Québec en 1963 et participe à la première vague d’attentats à la bombe en 1963. Condamné à 12 ans de prison, il est libéré sous conditions quatre ans plus tard et s’exile à Cuba avec Bachand, avant de fonder la Délégation extérieure du FLQ à Alger, avec Normand Roy et Michel Lambert, puis de s’installer à Paris. Il sera le dernier felquiste en exil à revenir au Québec, en 1984. Après huit mois de prison, il milite au sein du Bloc québécois et fonde le Mouvement de libération nationale du Québec.

Normand Roy 

Membre du réseau de Pierre-Paul Geoffroy, il aurait participé à l’attentat à la bombe de la place du Canada en 1968. Avec son comparse Michel Lambert, il part suivre une formation dans les camps de résistants palestiniens, puis contribue à la création de la Délégation extérieure du FLQ à Alger avec Raymond Villeneuve. Il tente de relancer le FLQ à son retour au Québec, en 1972. Il est arrêté en 1974 et purge une sentence de 30 mois de prison.

Ce qu’ils disent dans le rapport d’enquête

À aucun moment, François n’a manifesté de la défiance à l’égard de ces deux ressortissants québécois. Bien au contraire, il semblait heureux de pouvoir bavarder avec des gens originaires de son pays. Je pense qu’il connaissait la fille, ou plus exactement qu’il l’avait déjà vue au Canada, car dans le courant de la conversation, il lui a fait remarquer qu’elle avait actuellement terriblement maigri.

Françoise Laville, conjointe du colocataire de Mario François Bachand

Je pense qu’il n’était pas très aimé, car il affichait des opinions politiques contradictoires et aimait semer une certaine confusion en tenant à ses interlocuteurs des propos totalement différents et en s’entourant d’un certain mystère. Le mystère dont il aimait s’entourer avait indisposé un certain nombre de ses amis québécois… Bachand s’opposait par ses idées à plusieurs tendances actuelles du FLQ. Je ne pense pas cependant que ses adversaires politiques auraient pu organiser ce meurtre, car finalement, Bachand ne représentait pratiquement rien et n’était dangereux pour personne.

Anne Legaré, auteure de La crise d’Octobre, le monde et nous 

D’une manière générale, il ne m’a jamais dit que quelqu’un voulait attenter à sa vie ou qu’il se sentait menacé. Pourtant, souvent, il disait que beaucoup de gens lui en voulaient, sans en donner les raisons précises. Il faut dire qu’il était très mythomane, cherchant à se donner un rôle important, qu’il n’avait sûrement pas, au sein des associations québécoises. Il n’hésitait pas à prendre la parole dans des réunions et à faire connaître publiquement ses opinions souvent contraires à celles d’autres, étudiants en France.

Paul Asselin et Diane Langevin, membres à l’époque de l’Association des étudiants du Québec en France 

Rectificatif :
Ce texte a été mis à jour pour corriger le nom du coauteur de la série Le dernier felquiste. Il s’agit de Dave Noël, et non d’André Noël. Nos excuses.