(Outaouais) La gestion d’un barrage hydraulique en Outaouais sème la discorde. D’un côté, des plaisanciers qui souhaitent conserver l’eau dans leur lac afin de continuer à circuler librement. De l’autre, des riverains qui craignent de ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins en raison de l’assèchement de leur rivière.

Dans la MRC de Papineau, en Outaouais, le cours d’eau qui découle des lacs Barrière et Simon est freiné par un barrage installé en 1972. Selon le site de la municipalité de Lac-Simon, l’infrastructure a pour objectif de maintenir le niveau d’eau du lac élevé pour assurer le libre passage des bateaux de plaisance sous le pont du chemin du Tour-du-Lac.

Situé à l’entrée du bassin versant de la rivière de la Petite Nation, ce barrage contrôle la crue des eaux pour les municipalités en aval. Nombre de riverains qui habitent le long de la rivière se plaignent depuis trois ans de la gestion de l’eau au nord. La rivière serait plus sèche que jamais. L’ajout de poutrelles qui retiennent l’eau, en plus de la sécheresse indéniable qui frappe le Québec, a déjà fait baisser les niveaux d’eau à ceux habituellement observés en août.

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Des poutrelles de bois sont ajoutées à un barrage du lac Barrière, administré par la municipalité de Lac-Simon, pour contenir l’eau qui se déverse dans la rivière de la Petite Nation.

« Des riverains qui pompent leur eau quotidienne directement de la rivière n’ont plus de quoi laver leurs enfants et se faire des pâtes », affirme Dominique Simard, cofondatrice de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite Nation.

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Amélie Samoisette (à gauche) et Dominique Simard sont cofondatrices de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite Nation, qui mobilise plus de 100 résidants. Derrière elles se trouve la rivière asséchée au niveau de la municipalité de Saint-André-Avellin.

Le 28 mai dernier, Lac-Simon a ajouté une poutrelle au barrage. Cela a provoqué une baisse des eaux rapide à laquelle les habitants des municipalités en aval, comme Saint-André-Avellin, ne sont pas prêts, affirme Mme Simard en observant derrière elle le lit de la rivière asséché.

Pour la biologiste de formation, cette baisse du niveau de l’eau bouleverse non seulement le quotidien des riverains, mais également l’écosystème de la rivière et des cours d’eau des environs.

L’état de la rivière
  • Le bas niveau de l’eau dans la rivière permet de voir les racines des arbres.

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    Le bas niveau de l’eau dans la rivière permet de voir les racines des arbres.

  • Les riveraines observent que le niveau d’eau actuel n’est pas habituellement atteint avant la fin de l’été. « On veut sonner l’alarme pour ce qui s’en vient », disent-elles.

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    Les riveraines observent que le niveau d’eau actuel n’est pas habituellement atteint avant la fin de l’été. « On veut sonner l’alarme pour ce qui s’en vient », disent-elles.

  • L’ajout de poutrelles qui retiennent l’eau a déjà fait baisser les niveaux d’eau à ceux habituellement observés en août.

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    L’ajout de poutrelles qui retiennent l’eau a déjà fait baisser les niveaux d’eau à ceux habituellement observés en août.

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Deux poids, deux mesures

Guillaume Larocque et sa famille possèdent une terre dans la municipalité de Saint-André-Avellin depuis 1968. À partir de leur terrain de plus de 10 acres, ils peuvent accéder à une partie de la rivière composée de petits rapides qui se déversent dans un étang accueillant grenouilles et ouaouarons.

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Guillaume Larocque, propriétaire d’une terre à Saint-André-Avellin

Sur place, l’étang presque entièrement asséché a perdu 16 pieds d’eau entre le 28 et le 30 mai derniers, dit Guillaume Larocque. « C’est vraiment troublant. Il n’est pas normal que je puisse marcher ici [dans un creux de l’étang] à ce temps-ci de l’année et que je trouve à peine une grenouille », affirme-t-il.

Dan Perrier, quant à lui, réside à Duhamel, au bord du lac Simon, depuis plus de 20 ans. Contrairement aux riverains qui manquent d’eau en aval, M. Perrier constate une importante augmentation des niveaux d’eau, qui érode son terrain petit à petit. « J’ai 4000 pi2 de terrain sous l’eau, j’ai trop d’eau », dit-il. Sa crainte : que l’accroissement de l’eau ronge sa baie et avale sa résidence, comme elle l’a fait avec son premier quai.

Répercussions environnementales
  • Le ouaouaron est la plus grosse espèce de grenouille d’Amérique du Nord. Selon Guillaume Larocque, la berge de son étang est habituellement envahie de ouaouarons – La Presse n’en a observé qu’un.

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    Le ouaouaron est la plus grosse espèce de grenouille d’Amérique du Nord. Selon Guillaume Larocque, la berge de son étang est habituellement envahie de ouaouarons – La Presse n’en a observé qu’un.

  • Ces rapides, visibles à partir du terrain de Guillaume Larocque, ont été photographiés en août 1993.

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    Ces rapides, visibles à partir du terrain de Guillaume Larocque, ont été photographiés en août 1993.

  • Les mêmes rapides, plus tôt ce mois-ci.

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    Les mêmes rapides, plus tôt ce mois-ci.

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« Quand c’est sec en bas, c’est sec en haut aussi »

Le maire de Lac-Simon, Jean-Paul Descœurs, assure que la municipalité suit rigoureusement un plan de gestion de l’eau et du barrage. Établi par la firme d’ingénierie Cima+, ce plan détermine le niveau d’eau nécessaire dans les lacs Barrière et Simon afin d’y permettre la circulation des bateaux. Par conséquent, lorsque le niveau d’eau est trop bas, la firme détermine le nombre de poutrelles à ajouter au barrage pour rétablir le tout.

La famille de Lise Cyr réside à Lac-Simon depuis 1936. Celle qui a grandi dans la région remarque que la « berge n’est plus comme elle l’était il y a 25 ans » puisque le niveau d’eau a beaucoup augmenté, dit-elle. Pour Mme Cyr, qui ne possède pas de gros bateau à moteur, le barrage ne change pas grand-chose, mais pour les nombreux plaisanciers, le passage sous le pont où se rejoignent les deux lacs est beaucoup plus facile.

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Le barrage du lac Barrière assure un niveau d’eau assez élevé pour permettre aux plaisanciers de traverser sous ce pont du chemin du Tour-du-Lac, qui traverse la jonction des deux bassins.

Selon le maire, le bas niveau de la rivière ne découlerait pas uniquement du barrage. M. Descœurs affirme que la sécheresse qui frappe le Québec cette année touche tout le monde. « Quand c’est sec en bas, c’est sec en haut aussi », dit-il.

M. Descœurs ajoute avoir demandé l’intervention du gouvernement provincial pour la gestion et la rénovation du barrage. Toutefois, selon Rosalie Faubert, conseillère en communication et responsable régionale du ministère des Transports du Québec en Outaouais, la gestion de l’infrastructure relève entièrement de la municipalité. « Le Ministère s’occupe uniquement de l’inspection du pont situé au-dessus du barrage », explique-t-elle.

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Le pont du chemin de la Presqu’île est inspecté par le ministère des Transports du Québec, mais le barrage qui se trouve en dessous est géré par la municipalité de Lac-Simon.

Luc Desjardins, maire de Ripon, municipalité en aval touchée par la gestion du barrage, affirme que cette discorde traîne depuis trois ans. Il explique qu’une rencontre entre toutes les municipalités avoisinantes de la région avait été tenue en 2018 afin de convenir d’une solution unanime. L’une des propositions qu’a faites Lac-Simon était de rénover le barrage afin de le moderniser en sollicitant la contribution des municipalités avoisinantes. Or, pour M. Desjardins, les municipalités situées en aval « n’ont pas d’argent pour ça ». Et, ajoute-t-il : « Je ne pense pas qu’on a à payer pour ça. »