Coup de tonnerre à la municipalité régionale de comté de Montcalm. L’Autorité des marchés publics (AMP) demande à la MRC d’annuler le contrat de réseau internet avec BC2 Groupe conseil en raison « d’irrégularité majeure ».

Le contrat conclu en novembre 2016 visait l’obtention de services professionnels en vue de la réalisation d’un projet de desserte de l’internet haute vitesse à l’ensemble des résidences mal desservies des 10 municipalités de cette MRC de Lanaudière, au nord de Mascouche.

À l’époque, BC2 Groupe conseil avait obtenu le contrat de 2,8 millions, mais l’a ensuite fait exécuter en totalité par une autre firme. Or, dans sa soumission, BC2 n’avait pas indiqué qu’elle aurait recours à un sous-traitant, contrairement aux exigences.

« Cette non-conformité […] constitue une irrégularité majeure », écrit l’AMP dans sa décision, rendue lundi en après-midi.

Le sous-traitant en question n’avait alors pas son certificat l’autorisant à exécuter des contrats publics, tel qu’exigé par l’Autorité des marchés financiers (et maintenant par l’AMP). Ce certificat est requis depuis l’adoption d’une loi votée dans la foulée des évènements ayant mené à la commission Charbonneau.

Une enquête de La Presse a fait état de ces irrégularités, l’automne dernier, en plus des dépassements de coûts de plus de 50 % du projet, dont la facture avoisinait alors les 20 millions. Aujourd’hui, le déploiement du réseau internet n’est toujours pas terminé.

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BC2 est cette firme d’urbanisme qui a aidé la MRC à faire accepter le réaménagement de son territoire au gouvernement du Québec. BC2 et son dirigeant Michel Collins avaient alors travaillé à la fois pour deux intérêts divergents, soit la MRC et l’un des promoteurs qui bénéficieront du nouvel aménagement.

En parallèle, BC2 a aussi obtenu de la MRC le contrat pour le déploiement du réseau internet, qui fait maintenant l’objet de la décision de l’AMP.

Au printemps 2020, la MRC avait elle-même constaté l’irrégularité du contrat internet survenue quatre ans plus tôt par l’administration précédente. Toutefois, vu l’avancement des travaux, le conseil de la MRC avait choisi de poursuivre sa relation avec BC2 en modifiant rétroactivement le contrat, en septembre 2020.

L’AMP juge dans sa décision que cette modification rétroactive est inappropriée et même qu’elle « porte atteinte à l’intégrité du processus d’appel d’offres ». Le chien de garde des contrats publics demande donc à la MRC d’annuler carrément le contrat.

L’AMP recommande aussi à la MRC de se doter de procédures visant à surveiller adéquatement l’exécution d’un contrat public et de former ses employés et son conseil sur les exigences de la loi. Elle donne 30 jours à la MRC pour l’informer des suites qu’elle entend donner à ses recommandations.

Joint par La Presse, le directeur général de la MRC de Montcalm, Nicolas Rousseau, prend acte de la décision de l’AMP et indique que le conseil de la MRC tranchera le mardi 22 juin. M. Rousseau estime qu’il reste moins d’un an pour terminer le déploiement du réseau internet.

En septembre dernier, la modification rétroactive au contrat faisait en sorte que le sous-traitant de BC2 qui était visé (Tactique) avait continué le travail, malgré tout. M. Rousseau nous apprend aujourd’hui que la firme Tactique a dû cesser ses services à la MRC en janvier 2021 après que l’AMP a refusé de renouveler son attestation obtenue en 2017.

Les résultats d'une autre enquête attendus

À l’époque de l’attribution du contrat litigieux, la MRC avait transféré ses responsabilités pour le projet à un organisme à but non lucratif appelé Montcalm Telecom fibres optiques (MTFO), selon deux documents publics. MTFO était alors présidé par Louis-Charles Thouin, qui était maire de Saint-Calixte et préfet suppléant de la MRC.

Louis-Charles Thouin a été élu comme député de Rousseau, la circonscription couvrant la MRC de Montcalm, pour la Coalition avenir Québec aux élections de 2018. En mars 2021, le parti et lui ont convenu qu’il se retire du caucus de la formation politique le temps de connaître le résultat de l’enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) à son endroit. M. Thouin siège depuis comme député indépendant.

En avril 2021, la commissaire à l’éthique a rendu une décision concernant Louis-Charles Thouin pour son rôle dans l’adoption du schéma d’aménagement de la MRC. Essentiellement, la commissaire juge qu’à cet égard, M. Thouin n’a pas commis de manquement au code d’éthique des élus de l’Assemblée nationale, bien qu’il ait manqué de prudence et de clairvoyance.

Le président de BC2 Groupe conseil, Olivier Perron-Collins, n’a pas rappelé La Presse.

Consultez la décision de l'Autorité des marchés publics