(Sutton et Venise-en-Québec) La pression s’intensifie de plus en plus sur les gouvernements, tant au Canada qu’aux États-Unis, pour rouvrir la frontière terrestre, dont la fermeture a été prolongée jusqu’au 21 juin. Au Québec, dans les Cantons-de-l’Est, on attend « avec impatience » le retour des touristes américains, dont la présence est très importante pour stimuler l’économie.

« On sent qu’il y a beaucoup de gens des États-Unis qui sont impatients, qui ont hâte de nous revoir. Et nous aussi. C’est une grosse partie de notre clientèle, environ 30 % d’année en année », confie la copropriétaire de l’Auberge Brouërie à Sutton, Élise Bourduas, en entrevue avec La Presse.

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L’Auberge Brouërie, à Sutton

Partout au pays, les débats sur la frontière terrestre ont été relancés mercredi, au moment où le gouvernement Trudeau annonçait que les hôtels de quarantaine ne seraient plus obligatoires au retour d’un voyage à l’étranger dès le début de juillet.

Heureusement, depuis la fermeture des frontières entre les deux pays, la clientèle locale et québécoise a explosé, soutient Mme Bourduas. « Peu importe ce qui advient de la frontière, on s’attend à avoir un été de folie. Mais on est prêts pour la guerre. Par rapport à l’an passé, on est aussi 200 % mieux préparés à soutenir l’achalandage dans le respect des règles », assure-t-elle.

« Je pense qu’on est rendus là », ajoute la commerçante au sujet de la réouverture des frontières.

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Élise Bourduas, copropriétaire de l’Auberge Brouërie à Sutton

Il faut continuer à rester prudents, c’est certain, mais le Québec au complet s’est bien adapté aux règles. On a été de bons soldats et à un moment donné, reporter l’ouverture de la frontière, encore et encore, ce n’est plus nécessairement une bonne option.

Élise Bourduas, copropriétaire de l’Auberge Brouërie à Sutton

À l’Hôtel Horizon, tout près de Sutton, près d’un client sur dix vient des États-Unis en temps normal. « Avec les gens de Montréal, qui sont venus en masse, on a quand même réussi à faire mieux que les saisons précédentes, surtout au camping. Mais l’hôtel a été assez impacté. Le retour des Américains jouerait pour beaucoup », affirme Camille Fabre, employée de l’entreprise.

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Camille Fabre, employée de l’Hôtel Horizon, près de Sutton

« Ça redonnerait un certain dynamisme local. Sur toute l’année, il y a beaucoup moins de passage qu’avant, surtout l’hiver. Plusieurs personnes viennent des États-Unis pour skier au mont Sutton », explique Camille Fabre.

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Marina sur la baie Missisquoi, à Venise-en-Québec

« Il faut que ça ouvre »

À Venise-en-Québec aussi, on est fébriles. Pour le résidant John Sauro, le temps est venu de laisser les gens voyager un minimum. « Il faut que ça ouvre. Ici, on dépend beaucoup du tourisme. La majorité sont excursionnistes, c’est-à-dire qu’ils viennent pour la journée et retournent chez eux le soir. Le tourisme local a beaucoup augmenté, c’est super, mais tous ces gens-là iront ailleurs quand ça sera possible. Et là, on aura besoin que les Américains reviennent », fait-il valoir.

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John Sauro, propriétaire d’Aventures Lac Champlain

En mars, M. Sauro a fondé Aventures Lac Champlain, une entreprise organisant des excursions nautiques guidées sur le lac Champlain, qui est majoritairement situé sur le territoire des États-Unis. « C’est sûr qu’éventuellement, ça va nous prendre du va-et-vient des Américains. Ils représentent beaucoup de gens », avance-t-il, en soulignant qu’il en va aussi de l’ADN des quartiers autour du lac.

Serge Dandurand, qui demeure aussi dans cette municipalité d’environ 1600 habitants, est du même avis. Pour lui, les PME et les autres entreprises québécoises ont « besoin des États-Unis » pour recommencer à dégager d’importants profits, « comme c’était le cas à l’ère pré-COVID ».

Le gouvernement n’a plus d’excuses, il faut agir maintenant.

Serge Dandurand, résidant de Venise-en-Québec

Même son de cloche chez Hugo Hamel, propriétaire de l’entreprise de location de véhicules et de bateaux Off Road 227, aussi à Venise-en-Québec. « On a environ 8 km du lac Champlain au Canada, donc c’est plus compliqué en ce moment pour naviguer. Et plusieurs bateaux sortent moins. La réouverture nous aiderait aussi pour recevoir de l’équipement qui est inaccessible présentement », fait-il valoir. « Ça aurait aussi un gros impact pour la vente de plus gros bateaux, que les gens achètent souvent pour aller jusqu’à Burlington, par exemple. Quand on était à 600 cas par jour, je comprenais, mais on est ailleurs. Et la vaccination avance. On est rendus là, je pense », conclut M. Hamel.

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Le lac Champlain est majoritairement situé sur le territoire américain, ce qui limite la navigation pour les plaisanciers québécois.

Des marinas impatientes

Résidant de Montréal, Michel Morelli possède un bateau entreposé à la marina de Mooney Bay, tout près de Plattsburgh. « C’est la deuxième saison où on est entreposés sans pouvoir accéder au lac Champlain. Et je ne suis pas un cas isolé. Environ 90 % des voiliers sur le lac appartiennent à des Québécois », note-t-il.

« La réalité, c’est que très peu de gens ont pu mettre leur bateau à l’eau depuis un bon moment. Ça nuit beaucoup à l’économie locale, qui repose aussi beaucoup sur les Québécois. On ne parle pas juste des marinas, mais des restaurants, des hôtels et ainsi de suite », poursuit M. Morelli.

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Un drapeau des États-Unis a été planté sur le terrain d’un riverain de la baie Missisquoi, dans les Cantons-de-l’Est.

À ses yeux, il est possible de rouvrir les frontières de manière sécuritaire, en s’assurant par exemple de la vaccination à deux doses des voyageurs dans un premier temps.

Je suis très conscient qu’il faudra faire encore attention. Les variants préoccupent et on ne peut pas connaître l’avenir. En même temps, on ne peut plus attendre.

Michel Morelli 

De l’autre côté de la frontière, au Vermont, le propriétaire de la marina de North Hero, Jim Blandino, plaide aussi pour une réouverture. « Chaque année sur place, on a une bonne proportion de clients canadiens. Oui, c’est une part significative de nos revenus, mais surtout, ils nous manquent », soutient-il en entrevue.

« La plupart des gens qu’on reçoit ici, ils ne voient pas le Canada et les États-Unis comme deux pays, mais bien comme l’Amérique du Nord. Il y a aussi l’enjeu de la réunification. Il y a des familles qui ne se sont pas vues depuis plus d’un an. Ça doit changer », insiste M. Blandino.