(Québec) L’Unité permanente anticorruption (UPAC) a présenté ses excuses au député Guy Ouellette pour l’avoir arrêté « injustement » le 25 octobre 2017 dans le cadre d’une enquête « fautive » et « intrusive ».

Dans le hall du parlement, le patron de l’UPAC, Frédérick Gaudreau, a fait amende honorable aux côtés du député de Chomedey, en vertu d’une entente confidentielle intervenue entre les deux parties pour mettre fin à une poursuite que M. Ouellette avait intentée contre l’État en novembre 2018.

« Depuis les évènements, les faits ont démontré que l’arrestation de M. Guy Ouellette résulte d’une enquête fautive à certains égards et que cette arrestation était injustifiée. L’UPAC s’excuse des conséquences dévastatrices que cette arrestation et cette enquête intrusive ont pu avoir sur la vie professionnelle et personnelle du député de Chomedey, celle de sa famille et de ses proches, ainsi que celle de ses collègues parlementaires. Nous sommes conscients que ces évènements ont atteint l’intégrité du député de Chomedey et lui ont causé un tort irréparable, et nous nous en excusons sincèrement », a affirmé M. Gaudreau dans une courte déclaration.

De son côté, Guy Ouellette s’est contenté d’une brève réaction. « Aujourd’hui, c’est une importante étape. Vous connaissez mon histoire, ça fait quatre ans que ça dure. Ce matin, j’encaisse le coup. Je vous demanderais de respecter ma décision de ne pas commenter la déclaration de l’UPAC de ce matin. »

« Nous avons appris de ces erreurs », dit Gaudreau

Ces excuses représentent « un coup dur » pour l’UPAC, a reconnu le commissaire Gaudreau lors d’une mêlée de presse à l’extérieur du parlement. « Pour vous dire franchement, ça ne me tente pas du tout d’être ici pour raconter des histoires comme ça. » Il a assuré que l’organisation a tiré des leçons de cette saga.

« Pour moi, ça marque un jalon dans notre jeune histoire », a soutenu M. Gaudreau, en poste depuis l’automne 2019.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Frédérick Gaudreau, patron de l’UPAC

Quand on commet une erreur, il faut la reconnaître, il faut l’admettre, il faut démontrer qu’on ne la répétera pas. Et c’est l’engagement que je prends. […] Je veux démontrer que nous avons appris de ces erreurs et que nous travaillons différemment aujourd’hui.

Frédérick Gaudreau, patron de l’UPAC

Il croit que reconnaître l’erreur commise envers M. Ouellette permettra de « regagner la confiance de la population » parce que l’UPAC montre qu’elle est « honnête » et « dit les choses telles qu’elles sont ». Il a rappelé que les acteurs de l’époque ne font plus partie de l’UPAC. « La police cowboy, je n’en ai jamais fait et je n’en ferai jamais », a-t-il lancé. « Je me suis engagé à redonner la crédibilité (à l’UPAC) et j’insiste sur le fait que c’est encore nécessaire d’avoir une unité qui lutte contre la corruption au Québec, parce qu’on en a, des dénonciations. »

Longue saga

Guy Ouellette avait été arrêté le 25 octobre 2017 par l’UPAC, qui le soupçonnait d’être à l’origine d’une fuite de renseignements policiers confidentiels liés à l’enquête Mâchurer sur le financement du Parti libéral du Québec. Aucune accusation n’a été portée contre lui à ce jour.

En novembre 2018, M. Ouellette avait décidé de poursuivre le Procureur général du Québec qui, selon lui, « doit répondre des actes de l’UPAC ». Il réclamait 550 000 $ pour atteinte à sa réputation. L’entente entre l’UPAC et M. Ouellette met un terme à cette démarche judiciaire. Son contenu est confidentiel.

Pour illustrer les erreurs commises par l’UPAC dans son enquête, Frédérick Gaudreau a rappelé que les mandats de perquisition au domicile de Guy Ouellette avaient été déclarés invalides par un juge et que la conduite des enquêteurs avait fait l’objet de critiques de la part d’un autre magistrat. « Face à ces constats, et en étant conseillés par les avocats du gouvernement du Québec, on en est venus à la conclusion qu’il y avait une faute au niveau civil qui avait été commise », d’où le règlement avec M. Ouellette, a expliqué Frédérick Gaudreau.

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Robert Lafrenière, ancien patron de l’UPAC, lors d’une conférence de presse, le 31 octobre 2017

L’enquête sur les fuites a été transférée au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) après le départ-surprise du patron de l’UPAC Robert Lafrenière le jour des élections générales au Québec, le 1er octobre 2018.

Dernier rebondissement en date : le député tente d’empêcher le BEI d’avoir accès à certains renseignements à son sujet qu’il considère comme protégés par le privilège parlementaire.

Le BEI se penche également sur la façon dont l’UPAC a mené son investigation ayant mené à l’arrestation du député de Chomedey. Il a fait savoir jeudi que ses deux enquêtes sont toujours en cours.

Guy Ouellette a publié l’an dernier un livre dans lequel il règle ses comptes avec l’UPAC. L’ouvrage est intitulé Qu’on accuse ou qu’on s’excuse, en référence à une déclaration solennelle faite par le président de l’Assemblée nationale de l’époque, Jacques Chagnon, à la suite de l’arrestation du député.

Guy Ouellette a été exclu du caucus libéral quelques jours après les élections parce que le parti lui a reproché d’avoir divulgué des informations à la Coalition avenir Québec en 2016 dans le but de nuire à son propre gouvernement qui était dirigé par Philippe Couillard. Il siège depuis comme indépendant.

Des politiciens réagissent

Ce qui est arrivé, c’était sous l’ancien régime de l’UPAC. Je trouve ça malheureux. Et je ne veux pas m’ingérer et faire des commentaires, puisque c’est un organisme qui est indépendant.

François Legault, premier ministre du Québec

Les excuses d’aujourd’hui s’enracinent dans les vieilles histoires de l’ancien commissaire, de la vieille époque de l’UPAC, des vieilles enquêtes avortées, des vieux problèmes, des vieilles affaires […] Quand on est arrivés au gouvernement, c’était pour nous une évidence qu’il fallait travailler à rétablir la crédibilité de l’UPAC et la confiance du public à l’endroit de l’UPAC. […] On s’est dit : on est tannés de ces histoires-là, et on va avoir une nouvelle ère à l’UPAC, avec un nouveau commissaire nommé par l’Assemblée nationale.

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique

L’histoire de Guy Ouellette avec l’UPAC est une triste histoire, qui n’aurait jamais dû arriver. C’est une bonne nouvelle pour lui que ce soit finalement terminé et que l’UPAC ait présenté publiquement ses excuses.

Le député Jean Rousselle, porte-parole du Parti libéral en matière de sécurité publique

C’est une bonne nouvelle pour Guy Ouellette que l’UPAC lui ait présenté ses excuses pour l’avoir injustement arrêté en 2017. Il est rare qu’un corps de police présente des excuses pour une erreur commise à l’encontre d’un citoyen. Espérons que cela inspirera d’autres corps policiers pour l’avenir.

Le député Alexandre Leduc, porte-parole de Québec solidaire en matière de sécurité publique

Aujourd’hui l’UPAC s’excuse, et c’était la chose à faire. Maintenant l’UPAC doit s’expliquer, on ne peut pas tolérer de pareils gestes d’intimidation envers les parlementaires. Des fautes graves ont été commises dans ce cas-ci qui doivent être punies pour rétablir la crédibilité et démontrer l’exemplarité de ce corps de police.

Le député Martin Ouellet, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique

Mes clients Richard Despaties et Stéphane Bonhomme sont heureux pour M. Ouellette que l’UPAC lui ait fait des excuses. Ceci est tout à l’honneur du nouveau patron de l’UPAC. Nous comprenons aussi que c’est une première étape. Cependant, M. Ouellette n’est pas le seul à avoir souffert des agissements de l’UPAC. Il est dommage que les autres aient été, pour l’instant, laissés pour compte. Mes clients ont subi d’importants dommages à leur réputation ainsi qu’à leur carrière et ils sont ignorés à ce jour.

MDaniel Rochefort, avocat de MM Despaties et Bonhomme qui avaient été arrêtés le même jour que le député et qui poursuivent aussi le gouvernement