(Trois-Rivières) Une vague de sympathie a déferlé vers la famille de Joyce Echaquan, alors que plusieurs milliers de personnes ont déambulé dans les rues de Trois-Rivières, mercredi après-midi. Les marcheurs soulignaient la fin de l’enquête du coroner sur la mort de la femme atikamekw.

La coroner Géhane Kamel a conclu à 13 h les audiences publiques, en entendant les plaidoiries des avocats des parties.

L’émotion était à son comble lorsque Carol Dubé et sa fille, Marie Wasianna Echaquan Dubé, ont mis les pieds en dehors du palais de justice de Trois-Rivières. Ils ont enlacé leurs proches, en larmes, après l’enquête du coroner qui s’est échelonnée sur une période de quatre semaines.

« J’ai espoir qu’on va aller vers le bon chemin », a déclaré le conjoint de Joyce Echaquan, qui s’est dit touché par la présence de personnes provenant d’un peu partout au Québec.

« Justice for Joyce », ont crié les marcheurs, au son des tambours. De la danse et des chants ont également ponctué le trajet.

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Plusieurs milliers de personnes ont participé à la marche dans les rues de Trois-Rivières.

Des manifestants portaient des rubans mauves, à la mémoire de Joyce Echaquan. Des cœurs orangés qui arboraient le nombre 215 étaient accrochés sur les chandails des marcheurs, représentant les restes de 215 enfants autochtones retrouvés à proximité d’un ancien pensionnat autochtone en Colombie-Britannique.

Aujourd’hui, c’est entre les mains du coroner, et on va attendre les résultats de son rapport. Tout le monde est d’accord qu’il y a un problème dans le système de santé et qu’il faut trouver des solutions.

Constant Awashish, grand chef de la nation atikamekw

Devant une garderie, des enfants tenaient une banderole où l’on pouvait lire « Justice pour Joyce », accompagnés de leurs éducatrices.

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Carol Dubé, conjoint de Joyce Echaquan, reçoit l’accolade d’une de ses proches.

« Joyce Echaquan, on en veut plus des cas comme ça », a lancé le chef de Manawan, Paul-Émile Ottawa, qui a pris part à la marche.

Des personnes de tous les âges étaient sur place pour honorer la mémoire de la femme. « Je marche pour les femmes autochtones, pour rendre justice », a affirmé Katherine Picard, qui promenait sa fille dans sa poussette sur laquelle étaient accrochés deux ballons mauves.

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Des enfants tiennent une banderole à la mémoire de Joyce Echaquan devant leur garderie.

Joyce Echaquan, 37 ans, est morte le 28 septembre dernier à l’hôpital de Joliette, laissant dans le deuil ses sept enfants. Mme Echaquan s’était présentée à l’hôpital en raison de maux de ventre. Quelques instants avant sa mort, la femme de la communauté atikamekw de Manawan s’est filmée.

On peut entendre sur la vidéo deux employées de l’établissement, dont une infirmière qui a été congédiée, insulter la femme. La vidéo avait été diffusée en direct sur Facebook. Sa mort a ainsi entraîné un mouvement d’indignation à travers la province.

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« Il faudra le raconter à vos enfants »

Amorcée le 13 mai dernier, l’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan s’est conclue par la promesse de la coroner Géhane Kamel de livrer un rapport honnête. La « petite révolution de la réconciliation » des peuples au Québec a commencé avec Joyce Echaquan, a-t-elle évoqué.

« Il faudra le raconter à vos enfants », a également déclaré MKamel à l’endroit de Carol Dubé.

Dès le premier jour de l’enquête, le conjoint de Joyce Echaquan a déclaré qu’elle « était anxieuse » de se rendre à l’hôpital de Joliette.

M. Dubé a dévoilé que sa conjointe aurait eu « des pressions » à subir un avortement et une ligature des trompes. Mme Echaquan était atteinte de diabète et d’insuffisance cardiaque, ce qui l’amenait à fréquenter régulièrement l’établissement de santé.

En date du 17 mai, tous les membres du personnel de l’hôpital de Joliette entendus par la coroner avaient déclaré ne pas avoir été témoins de propos racistes ou haineux sur leur lieu de travail.

Le lendemain, des travailleuses affectées aux urgences se sont cependant dites préoccupées par rapport aux soins reçus par Joyce Echaquan. Une infirmière auxiliaire a notamment déclaré avoir « l’impression » que sa mort « aurait pu être évitée ».

Une préposée aux bénéficiaires que l’on peut entendre dans la vidéo des derniers instants de la femme atikamekw a affirmé le 19 mai avoir tenu ses paroles avec « bienveillance », alors qu’elle aurait voulu « motiver » Joyce Echaquan. Une version que n’a pas crue la coroner.

Jeudi dernier, la cause du décès de la femme a été dévoilée. Elle est morte des suites d’un choc cardiogénique et d’un œdème pulmonaire aigu.

La famille de la défunte implore aujourd’hui le gouvernement Legault de reconnaître le racisme systémique.

Avec La Presse Canadienne