Des membres de la communauté autochtone de Montréal s’insurgent du traitement réservé à un jeune de 16 ans pris en charge par le programme de protection de la jeunesse Batshaw, dans l’ouest de l’île. L’adolescent a été placé en isolement de 14 jours dans des conditions jugées « dangereuses », après avoir été envoyé à l’école par erreur.

L’affaire remonte à mardi dernier. Ce jour-là, un jeune étudiant « a été envoyé par erreur à l’école malgré les informations de la nuit précédente selon lesquelles les écoles seraient fermées », affirme le Réseau de la communauté autochtone de Montréal (RCAM), dans un communiqué diffusé vendredi. Une fois retourné au centre où il séjourne, soit plusieurs heures plus tard, ce jeune aurait été placé en quarantaine.

Le personnel estimait « qu’en raison de son retour retardé, il risquait d’avoir été en contact avec la COVID-19 », affirme l’organisme. « Le jeune a été immédiatement dirigé vers une pièce au sous-sol avec des murs en béton et sans fenêtre, comprenant seulement une chaise et un lit. Le jeune a reçu l’ordre de rester là pendant 14 jours dans l’isolement », déplore-t-on.

Thomas McCue, un professeur de l’élève, se dit préoccupé par la situation. Il affirme avoir été mis au courant de la situation lorsqu’il s’est rendu au centre pour « donner aux jeunes leurs fournitures scolaires ». « L’élève n’est pas sorti du sous-sol pendant quatre jours. Je suis pas mal sûr que c’est contre les normes de la Ville, mais aussi celles de la santé et de la sécurité, de détenir un élève de la sorte. Ce n’est pas légal de donner une chambre à coucher dans un sous-sol, qui n’a même pas de deuxième sortie de secours », martèle M. McCue, en parlant de conditions « inhumaines », voire « dangereuses ».

Il soutient que la pression faite dans les derniers jours a tout de même permis certaines avancées, dont le déménagement de l’élève dans une chambre avec fenêtre. « Ils sont aussi d’accord pour tester l’élève et s’il est négatif, le sortir plus tôt. Sauf qu’ils l’ont déjà privé de ses droits pendant plusieurs jours », maintient le professeur. « Cet élève incarne quelque chose de plus grand. On l’a traité comme un numéro, comme si on n’était pas au courant du lourd vécu des personnes autochtones au Canada et au Québec », persiste-t-il.

Combien d’autres personnes ont passé une semaine dans une chambre sans fenêtre ? Combien d’autres jeunes ont été abusés de cette manière ? Il faut fermer cette aile au sous-sol.

Thomas McCue, enseignant au niveau secondaire dans l’ouest de l’île

Une rencontre a eu lieu vendredi entre le RCAM et le CIUSSS, afin d’exprimer ces inquiétudes et de trouver des « solutions immédiates ». « Nous n’avons pas été accueillis avec la même indignation. Au contraire, l’apathie semblait être la réponse globale, car on nous a répété à plusieurs reprises que les protocoles priment sur les préoccupations en matière de sécurité et de bien-être », déplore le RCAM.

« Le CIUSSS continue d’isoler un jeune autochtone de 16 ans qui ne présente peu ou pas de risque de transmission, sans question et sans attention particulière aux traumatismes existants que les peuples autochtones continuent de subir au sein du système de protection de l’enfance », fustige l’organisme.

Aucun jeune n’est « laissé à lui-même »

Joint par La Presse, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal confirme que lorsque la situation le demande, « les jeunes exposés et suspectés d’être contaminés à la COVID-19 se mettent en isolement en zone jaune pour éviter la transmission de la COVID à d’autres jeunes ».

Cela dit, « l’isolement ne signifie pas laisser les jeunes à eux-mêmes, au contraire », affirme la porte-parole, Annie Charbonneau. « La présence d’un éducateur auprès d’eux est assurée en plus de leur offrir plusieurs sources de divertissement », assure-t-elle.

« Notre priorité est d’assurer la santé et la sécurité des jeunes sous notre protection. Les Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw suivent les protocoles de prévention et de contrôle des infections basés sur les directives ministérielles », poursuit Mme Charbonneau.

Plus globalement, le CIUSSS dit travailler à renforcer ses liens avec ses partenaires de la communauté autochtone et se dit « très sensible à assurer la sécurité culturelle des jeunes sous notre protection ». « Pour chaque enfant, les intervenants élaborent un plan complet d’intervention en matière de sécurité culturelle. Nos intervenants suivent aussi plusieurs formations sur les communautés autochtones et, conformément aux orientations ministérielles, ils participeront également à la formation sur la sécurité culturelle à l’automne », conclut la relationniste.