Le Québec aura son insecte officiel, le papillon amiral, désigné après un vote unanime pour présenter un projet de loi à l’Assemblée nationale. Limenitis arthemis rejoint ainsi le bouleau jaune, le harfang des neiges et l’iris versicolore à titre d’emblèmes officiels. « Une excellente nouvelle », estime Maxime Larrivée, directeur de l’Insectarium de Montréal, qui rappelle que le Québec n’est pas épargné par le déclin de certaines espèces d’insectes qui jouent un rôle essentiel pour la biodiversité.

Insecte académie

C’est un citoyen qui a lancé l’idée en 1993 de doter la province d’un insecte officiel. En 1996, un comité formé par l’Insectarium de Montréal a ciblé les candidats potentiels au titre d’insecte du Québec. Cinq candidats ont ainsi été mis de l’avant : la coccinelle maculée (Coleomegilla maculata lengi), la demoiselle bistrée (Calopteryx maculata), la cicindèle à six points (Cicindela sexguttata), le bourdon fébrile (Bombus impatiens) et le papillon amiral (Limenitis arthemis). En 1998, c’est finalement le papillon amiral qui a remporté le vote populaire, avec 73 000 votes sur 230 000, tout juste devant la coccinelle maculée et ses quelque 68 000 votes.

Une loi pour un insecte ?

Le projet de loi 793, dont le nom officiel est Loi visant à reconnaître le papillon amiral en tant qu’insecte emblématique du Québec, a été déposé par la députée d’Argenteuil, Agnès Grondin. Son dépôt a été accepté à l’unanimité par les députés. La loi devrait modifier une autre loi, celle sur le drapeau et les emblèmes du Québec, pour ajouter le papillon aux emblèmes officiels de la province. Un projet similaire avait été présenté par le député Dave Turcotte en 2017, mais n’avait pu être adopté puisque l’Assemblée avait été dissoute pour permettre la tenue d’élections générales.

« Un excellent choix »

Le papillon amiral est une espèce diurne dont l’envergure varie de 5 à 8 cm. Son nom lui vient des bandes blanches qu’on retrouve sur ses ailes noires. On observe également des points rouges et bleus en bordure de ses ailes. On le retrouve dans les forêts de feuillus et les forêts mixtes dans l’est du Canada, et même jusqu’à la Baie-James. Adulte, le papillon se nourrit des liquides de fruits mûrs, de carcasses de mammifères et de poissons, d’urine et d’excréments d’animaux et, plus rarement, du nectar des fleurs. Fait à noter, la chenille et la chrysalide de ce papillon ressemblent à un excrément d’oiseau, ce qui les protège des prédateurs. « C’est un excellent choix, note le directeur de l’Insectarium de Montréal, Maxime Larrivée. L’un des critères, c’est qu’elle [l’espèce emblématique] soit facilement observable et facilement identifiable. C’est le cas de l’amiral. En plus, c’est un papillon qui est magnifique. »

Pour voir la répartition géographique du papillon amiral :

https://www.inaturalist.org/projects/blitz-amiral-futur-insecte-embleme-du-quebec

Moins d’insectes, même au Québec

Le déclin de certaines espèces d’insectes n’épargne pas le Québec, signale Maxime Larrivée, qui voit dans la décision de l’Assemblée nationale une occasion de rappeler leur importance pour la biodiversité. « C’est une super nouvelle, qui ouvre une porte vers le monde des insectes, pour mettre l’accent aussi sur les différents rôles écosystémiques des insectes. » On retrouve 30 000 espèces d’insectes au Québec, dont 2800 familles de papillons. Le directeur de l’Insectarium indique que des espèces qui étaient autrefois abondantes dans la province ont carrément disparu. C’est le cas notamment du bourdon à tache rousse, qui est maintenant classé comme une espèce en voie de disparition au Canada. La déforestation, le développement urbain, l’utilisation de pesticides et les changements climatiques sont au nombre des facteurs qui affectent généralement les populations d’insectes. Or, leur importance est souvent sous-estimée. Une étude américaine réalisée en 2006 a estimé à 60 milliards de dollars par année la valeur des services écologiques rendus par les insectes aux États-Unis.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

On estime qu’environ 10 % de la population mondiale des papillons monarques est issue du Canada et du Québec.

Sauver le papillon monarque

Le choix du papillon amiral survient quelques jours seulement après la parution d’une étude inédite sur le papillon monarque à laquelle a participé Maxime Larrivée, qui était cosuperviseur de la thèse doctorale de Rodrigo Solis-Sosa à l’Université Simon-Fraser, en Colombie-Britannique. L’étude publiée dans le journal Frontiers in Environmental Science a permis de mettre au point un nouveau modèle pour mieux déterminer les actions à mettre en place pour aider le rétablissement de ce papillon, qui a déjà perdu 90 % de sa population en Amérique du Nord. Le monarque se nourrit notamment de feuilles d’asclépiade, une plante qui a elle aussi subi un déclin important. Ce papillon entreprend chaque année une longue migration, du Mexique jusqu’au Québec notamment, pour s’y reproduire. On estime actuellement qu’environ 10 % de la population de monarques est issue du Canada et du Québec. Cette proportion risque d’augmenter sous l’effet du réchauffement climatique. « Grâce aux données obtenues [par l’étude], on est maintenant en mesure d’identifier les seuils critiques pour mieux choisir où concentrer nos efforts de conservation, explique M. Larrivée. Actuellement, on investit beaucoup pour planter de l’asclépiade dans le sud des États-Unis. L’étude montre cependant qu’il faudrait redistribuer une partie de ces efforts vers le nord-est des États-Unis et l’est du Canada. »

Une version précédente de ce texte indiquait que la loi 793 avait été adoptée à l’unanimité. Or, c’est le dépôt du projet qui a été adopté. Le projet de loi sera soumis au vote ultérieurement.