Un chien en fuite a été retrouvé après 25 jours, à 40 kilomètres de chez lui

C’est l’histoire d’un chien qui pourchasse des chevreuils dans la forêt et qui perd son chemin. Ses maîtres, atterrés, prennent les grands moyens pour retrouver sa trace : ils font voler un drone au-dessus du bois, utilisent des caméras infrarouges, travaillent avec un chien pisteur, distribuent des avis de disparition par centaines. Au bout de 25 jours de cavale, Adora est retrouvée… à des kilomètres de sa maison.

La fuite d’Adora

Le 20 avril dernier, comme chaque matin, Sylvie Boivin sort avec Adora à 6 h. Elle laisse le bouvier bernois se délier les jambes avec sa « sœur » Baci, un berger belge, sur son terrain boisé de Saint-Faustin–Lac-Carré. Mais soudainement, Adora flaire deux chevreuils. Elle part à leur poursuite, laisse au cou, et ne revient plus.

Sylvie Boivin et son conjoint, Sylvain Lalonde, se dirigent vers une route derrière leur maison, à pied. Ils tentent d’appeler leur Adou.

« C’était une erreur, soupire Sylvain Lalonde. Ce n’était pas la bonne chose à faire de l’appeler comme ça. »

Un chien en fuite, si on le poursuit, il rentre encore plus dans le bois. Il a peur et il ne revient pas vers nous.

Sylvain Lalonde, propriétaire d’Adora

Les conjoints cherchent le chien jusqu’à 23 h, sans résultat. Dès le lendemain, ils demandent l’aide d’Alerte Raven, un groupe Facebook qui publie des avis de disparition de chiens. La fiche d’Adora est partagée des centaines de fois à Rimouski, Salaberry-de-Valleyfield, Sherbrooke, Trois-Rivières… Ils apposent également des affiches sur les boîtes aux lettres communautaires et dans les commerces de la région.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Plus d’un millier d’affiches d’Adora ont été distribuées dans les Laurentides.

Sylvie Boivin reçoit un premier appel quatre jours après la fuite d’Adou. Une personne a vu le bouvier bernois sur un terrain de camping, pas très loin. Mais en voulant s’approcher, la chienne s’est sauvée. À peine quelques minutes plus tard, Mme Boivin reçoit un deuxième coup de fil. Adora vient de traverser la route 117.

« Elle a décidé, un samedi après-midi en plein trafic, de traverser la 117, raconte M. Lalonde, sidéré. Mais une heureuse personne a arrêté la circulation en se plaçant au milieu des voies pour la faire passer. »

Mme Boivin et M. Lalonde vont dans le secteur où s’est dirigée Adora et cognent à toutes les portes de maison. Ils tombent, par le plus grand des hasards, sur un expert en recherche de personnes perdues en forêt.

Caméras, drones et hélicoptères

Jean-Michel Senécal, un ancien membre des Forces armées canadiennes et entraîneur de chiens pisteurs, est touché par la « sincérité et le désespoir » des deux individus qu’il a devant lui.

« Ma famille et moi avons nous-mêmes perdu une proche, il y a quelques années, se remémore M. Senécal. Elle a mis fin à ses jours dans la rivière des Prairies. Au bout de deux jours, il n’y avait plus personne pour nous aider à chercher. »

M. Senécal demande à son chien Dude, un labrador, de pister Adora. Celui-ci confirme que la fugitive a pris la direction du mont Blanc. Le spécialiste en disparition prépare alors une stratégie.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jean-Michel Sénécal et son chien Dude ont participé aux recherches pour retrouver Adora.

Les autos, les arbres, les bateaux, le chien sent tout ça. Il voit avec son nez. Le plan, c’était donc d’utiliser le vent pour amener l’odeur de Sylvie vers Adora. Il fallait que le chien détecte son maître.

Jean-Michel Senécal, entraîneur de chiens pisteurs

Sylvie Boivin se retrouve donc à passer des journées entières assise dans la forêt pour y laisser son odeur. Le coussin et le bol de nourriture d’Adora sont également positionnés à des « endroits stratégiques ». Des caméras infrarouges, installées par M. Senécal, révèlent toutefois que ce sont des ratons laveurs qui mangent les croquettes pour chien et non pas Adora.

M. Senécal fait voler son drone aux alentours de la station de ski. M. Lalonde, lui, contacte une entreprise spécialisée dans les tours d’hélicoptère. Il renonce toutefois à cette idée étant donné que les chances de voir un chien du haut des airs semblent minces.

En deux semaines, Sylvie Boivin et Sylvain Lalonde reçoivent 13 appels de gens qui affirment avoir vu Adora. Mais chaque fois, le bouvier bernois se sauve lorsqu’on tente de l’approcher.

Après le 15jour de recherches, un silence radio tombe.

« Même si on ne recevait plus d’appels, on était incapables d’abandonner. Crime, c’est notre chien. On ne pouvait pas se coucher le soir, se dire que nous, on avait du confort, alors que notre chien était dans le bois », raconte M. Lalonde.

PHOTO DAVID BOILY, LAPRESSE

Sylvie Boivin a passé des journées assise dans la forêt afin d’y laisser son odeur.

« Ça faisait mal en dedans. C’était dur à accepter », ajoute Mme Boivin, qui précise que ses chiens sont comme « [ses] enfants ».

« Il fallait qu’on la trouve. Même si elle était morte dans un piège à ours, je m’en foutais. Je voulais en avoir le cœur net », souffle M. Lalonde.

Le 14e appel

Dix jours s’écoulent sans nouvelles d’Adora. Puis soudain, Sylvie Boivin reçoit un texto, le 14 mai en fin de journée. « Est-ce que c’est votre chien ? »

Mme Boivin est sceptique : l’animal se trouve à Saint-Adolphe-d’Howard, à 40 km de sa maison. Mais en regardant la photo de plus près, elle reconnaît la laisse au cou du bouvier bernois. Il n’y a pas de doute, il s’agit d’Adora.

La chienne, affamée, mange des graines sous une mangeoire d’oiseaux. Les propriétaires du terrain la laissent faire. Sylvie Boivin et Sylvain Lalonde sautent dans leur voiture même si le couvre-feu est sur le point d’entrer en vigueur.

Arrivé sur les lieux, Sylvain Lalonde sort l’artillerie lourde. Il dépose 15 lb de steak haché dans une cage à trappe que la SPCA a prêtée au couple. Il l’installe dans la cour de la maisonnette. Sylvie Boivin, elle, se place dans sa voiture, une fenêtre ouverte, dans l’espoir que le vent porte son odeur vers la cage. Sylvain Lalonde va se placer plus loin, dans la rue.

Entre minuit et 4 h, Adora fait de nombreux allers-retours entre la forêt et la mangeoire d’oiseaux. La cour est sombre. Sylvie hallucine parfois d’autres animaux.

À un moment, j’étais certaine qu’Adou était entrée dans la cage. Je suis sortie la tête par la fenêtre et je l’ai vue. Elle était juste là. Elle reniflait le devant de ma voiture.

Sylvie Boivin, propriétaire d’Adora

« Ç’a été plus fort que moi. Je lui ai dit “allo” tout doucement. Elle n’est pas partie. J’ai ouvert la porte un tout petit peu et quand elle a senti mon pantalon, elle s’est mise à hurler, à pleurer », poursuit-elle.

« Je suis sortie de l’auto pour lui ouvrir la portière arrière, mais je n’ai pas eu le temps, car elle a sauté dans l’auto par ma porte. Elle est rentrée et elle s’est assise là. » C’est ainsi qu’Adora a repris la route vers la maison.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Adora est de retour à la maison depuis une semaine.

Lundi dernier, un vétérinaire a examiné la chienne. Dans les circonstances, elle se porte très bien. Elle a perdu 10 lb et a quelques problèmes intestinaux qui se régleront avec des médicaments.

Mais surtout, Doudou a repris ses habitudes. Elle dort sur la véranda, adore se faire gratter le ventre et exige un bonbon avant de descendre les escaliers. Et quand elle va dehors, elle porte toujours deux laisses au cas où elle serait tentée de partir de nouveau à la chasse au chevreuil… pendant 25 jours.