(Ottawa) Les différents partis politiques à Ottawa sont restés campés sur leurs positions au sujet du projet de loi C-10 qui vient réformer la Loi sur la radiodiffusion. Et la présence d’experts en comité n’y a rien changé.

Lundi, chaque parti représenté au comité du Patrimoine canadien avait invité un expert de son choix pour venir témoigner sur C-10, qui en est toujours à l’étude article par article par les députés.

Le Parti libéral avait invité Janet Yale, présidente d’un groupe d’examen en matière de radiodiffusion ayant pondu un rapport en janvier 2020 ; le Parti conservateur, Michael Geist, titulaire d’une chaire de recherche en droit de l’internet à l’Université d’Ottawa ; le Bloc québécois, Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal, et le Nouveau Parti démocratique (NPD), Andrew Cash, ex-député néo-démocrate et président d’une association de musique canadienne indépendante.

Pendant les deux heures qu’a durées la séance du comité, M. Geist, fervent critique de C-10, a déploré le retrait d’un article du projet de loi qui aurait exempté les médias sociaux du cadre canadien de radiodiffusion. Cette modification constitue une atteinte à la liberté d’expression des utilisateurs, a-t-il réitéré, argumentaire qui est répété depuis des semaines par les conservateurs.

M. Geist en a notamment contre l’obligation de « découvrabilité » imposée aux plateformes qui mettrait en valeur le contenu canadien et le flou entourant ce qui constitue ce contenu canadien. Il prétend que cette réglementation sera imposée aux utilisateurs par le biais des plateformes.

« C’est le gouvernement qui fait indirectement ce qu’il ne peut pas faire directement », a-t-il déploré.

Mme Yale et MM. Trudel et Cash ont plutôt plaidé pour l’avancement rapide de cette réforme législative, nécessaire pour aider le secteur culturel canadien. Ils ont nié que le projet de loi allait miner de près ou de loin les droits et libertés des Canadiens sur l’internet, puisque les obligations de la loi ne s’appliquent qu’aux radiodiffuseurs, pas aux individus.

« Le fait de persister à créer cette peur illusoire à l’endroit de la liberté d’expression équivaut à soit mal comprendre la pièce législative, en mon sens, ou de chercher à induire les gens en erreur de manière délibérée pour d’autres raisons », a critiqué Mme Yale lors de sa comparution.

M. Trudel, qui a participé à l’élaboration de la première Loi sur la radiodiffusion il y a plus d’une trentaine d’années, a fait valoir que deux visions s’affrontent depuis des décennies.

« Il existe une tension entre ceux qui croient que les entreprises de radiodiffusion devraient être laissées aux seules forces du marché et ceux qui, à juste titre selon moi, estiment qu’une intervention est requise. […] Le projet de loi C-10 s’inscrit dans cette continuité », a-t-il soutenu.

M. Geist dit qu’il est tout à fait d’accord avec le fait de faire payer aux géants du web leur juste part, mais que ça pourrait se faire par le biais d’une taxe qui contribuerait au contenu canadien.

Les membres du comité entendront une fois de plus le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, ainsi que son collègue à la Justice, David Lametti, au sujet de C-10 mardi. Ils devraient ensuite procéder au reste de l’étude article par article du projet de loi à compter de mercredi.

Déjà, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’est dit prêt à collaborer avec les libéraux pour accélérer l’adoption de C-10 et le faire adopter avant la fin de la session parlementaire, a-t-il dit en entrevue à l’émission « Tout le monde en parle » dimanche soir. Le NPD aussi appuie le projet de loi.

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a dit la semaine dernière qu’il allait abroger C-10 si jamais il était élu premier ministre après les prochaines élections.