Ils rejettent les mesures sanitaires, crient à la « pandémie inventée » et diabolisent la vaccination. Comment les journalistes peuvent-ils composer avec ces négationnistes sanitaires, qui propagent la désinformation tout en se plaignant d’être ignorés par les médias de masse ? Avec encore plus de transparence, proposent deux organisations.

Le Trust Project et la Journalism Trust Initiative se sont donné pour mandat de renforcer la confiance de la population dans la démarche journalistique sérieuse.

Le Trust Project, né aux États-Unis en 2014, propose huit « indicateurs de confiance » que les médias partenaires s’engagent à mettre de l’avant. Le journaliste cite-t-il des sources ? Explique-t-il d’où lui vient l’information ? Est-il allé sur le terrain ? Son travail est-il étiqueté comme une nouvelle ou une opinion ? Est-il possible de le joindre ? Quel est le code déontologique de l’organisation pour laquelle il travaille ? Quelles sont ses sources de financement ?

« Ce qu’on propose, c’est de montrer aux gens que les médias qui adhèrent à notre organisation publient seulement des informations s’ils ont des sources crédibles pour le faire, mais aussi une méthodologie sérieuse », explique Sally Lehrman, fondatrice du projet.

Près de 200 sites d’information, dont ceux de la CBC, du Globe and Mail et du Toronto Star, ont à ce jour adopté les huit indicateurs du Trust Project.

Grâce à des lignes de code informatique fournies par l’organisme, les diffuseurs numériques comme Facebook et Google peuvent afficher automatiquement des liens sous les articles des sites partenaires afin que les lecteurs puissent accéder facilement aux différentes normes déontologiques et politiques éditoriales du média.

Les médias qui adhèrent au Trust Project doivent passer par un processus de contrôle assez rigoureux, mais qui n’est pas une certification en tant que telle. « Nous croyons qu’une certification trop rigide serait une forme de frein à la liberté de la presse », souligne Mme Lehrman.

Un cran plus loin

L’autre projet semblable, la Journalism Trust Initiative, conçu par Reporters sans frontières, va un cran plus loin. Promu au Canada par l’ancien journaliste et patron de Radio-Canada Michel Cormier, le projet propose une certification de bonnes pratiques journalistiques développée par des reporters en collaboration avec le Conseil européen de la normalisation.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Cormier, ancien journaliste et patron de Radio-Canada, en 2015

C’est un peu comme une norme ISO.

Michel Cormier, ancien journaliste et patron de Radio-Canada

Un premier projet pilote a été lancé au pays avec la CBC et le Winnipeg Free Press.

Les médias qui souhaiteront y adhérer devront remplir un formulaire d’auto-évaluation d’une soixantaine de pages, qui s’intéressera à leur politique éditoriale, à leur code de déontologie et à leurs sources de financement. Ils devront ensuite faire homologuer leur certification par un organisme indépendant.

« C’est une certification qui pourrait aussi servir aux annonceurs. Coca-Cola, par exemple, pourrait repérer un code informatique sur les sites des organismes certifiés, et choisir uniquement de s’annoncer dans les médias fiables. Ça apporte un incitatif financier à produire des contenus de qualité », explique M. Cormier.

Confiance et transparence

Si les deux modèles de certification fraient leur chemin peu à peu au Canada anglais, ils demeurent très peu connus dans les cercles médiatiques québécois. Ces initiatives méritent d’être étudiées, observe cependant le professeur de journalisme à l’UQAM Jean-Hugues Roy.

Il y a quelque chose de légitime dans le fait que les gens doutent du travail des journalistes. Il faut chercher la réponse à ça. Et la confiance, elle est dans la transparence.

Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM

Mais la solution est peut-être, aussi, de déboulonner la désinformation par le dialogue avec ceux qui la propagent, estime M. Roy. Dans le cadre d’un travail pratique donné dans un de ses cours de journalisme, le professeur demande à ses étudiants d’aller à la rencontre de gens qui adhèrent aux théories du complot ou à de la désinformation.

« C’est important d’apprendre aux futurs journalistes dès maintenant à faire face à cette hostilité dans une part du public, parce que ça va continuer, c’est une certitude », conclut M. Roy.