Valérie Plante était très heureuse de présenter aux journalistes les nouvelles mesures que son administration met en place pour aider les restaurateurs et les propriétaires de bar de Montréal. Mais au cours de cette conférence de presse, il a surtout été question de « ça ».

« Ça », c’est l’échange vinaigré qu’elle a eu jeudi sur Twitter avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

« Nous sommes en discussion avec nos partenaires de la Santé pour planifier l’ouverture des terrasses. La Ville de Montréal espère une ouverture le 1er juin, si la Santé publique le permet », a-t-elle publié.

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Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Cet ultimatum à peine déguisé a piqué au vif le ministre Dubé. Questionné à ce sujet lors du point de presse quotidien qui a eu lieu plus tard dans la même journée, il a répliqué de manière cinglante.

« Il y a plusieurs politiciens qui sont en campagne électorale cette année […] C’est plus facile de serrer des mains sur des terrasses que dans une pièce fermée […] Je resterais prudent dans les demandes qu’il faut faire. Je demanderais à tous les politiciens de rester tranquilles en attendant notre plan de relance. »

Traduction libre : ce n’est pas la mairesse de Montréal qui va nous dire quoi faire et comment le faire.

Valérie Plante n’a pu résister à l’envie d’en remettre une couche. « Donner de la prévisibilité aux restaurateurs et bars qui souffrent depuis un an, dans le respect des décisions de la Santé publique, c’est la bonne chose à faire. Je ne vais ni me croiser les bras ni “rester tranquille” face à la détresse de ces derniers. »

S’il nous fallait un indice de plus pour comprendre l’ampleur du climat tendu qui existe entre le gouvernement de la CAQ et l’administration Plante, le voilà.

Vendredi, en conférence de presse, Valérie Plante a minimisé la portée de ce geste calculé. Entre deux éclats de rire, elle nous a dit qu’elle et « Christian » avaient échangé des textos et que tout était beau.

Mettez-vous à la place de Christian Dubé. Il gère une pandémie qui frappe plus de huit millions d’habitants et la mairesse de la métropole réclame une réouverture des terrasses en précisant une date. Un chausson avec ça ?

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

La question qu’il faut se poser, c’est : Montréal serait-il prêt à franchir cette étape le 1er juin ? Au fait, d’où vient cette date ? J’ai posé la question à Valérie Plante, vendredi.

« Je n’ai pas sorti une date de mon chapeau », m’a-t-elle répondu tout en précisant qu’elle avait eu des discussions avec le gouvernement du Québec et la Santé publique à ce sujet. Si la mairesse discute de cela avec les autorités compétentes, pourquoi balance-t-elle une telle demande sur les réseaux sociaux en faisant cavalier seul ?

En fixant une date, elle met le gouvernement de François Legault sur la sellette. S’il attend avant de prendre une décision, il sera perdant. S’il choisit une date ultérieure, il sera perdant. S’il arrive avec des mesures qui ne sont pas celles que souhaite la mairesse de Montréal, il sera perdant.

Bref, en affirmant une telle chose, Valérie Plante tire une fois de plus le tapis sous les pieds du gouvernement, elle le coince et s’érige en héroïne auprès des restaurateurs et des propriétaires de bar qui vivent des moments extrêmement difficiles depuis le mois d’octobre dernier.

Ça, tout le monde en est conscient.

Le ministre de la Santé du Québec n’a pas besoin d’une telle pression de la part de la mairesse. Il a besoin de collaboration, de travail d’équipe et de discrétion. Quand on est la mairesse de Montréal, on devrait comprendre ça.

Après cette conférence de presse, le ministre Dubé a voulu ramener les choses en publiant un message pacifiste. « Belle annonce de la mairesse Valérie Plante. […] Plus on vaccine, plus vite on aura un bel été. »

Ça, c’était le pot. Voici les fleurs.

Les 4 millions de dollars annoncés vendredi par Valérie Plante et Luc Rabouin, responsable du développement économique et commercial au comité exécutif, pour aider les commerçants à respecter les règles sanitaires, notamment en érigeant des terrasses qui en tiennent compte, est une excellente nouvelle.

Quant à l’investissement de 500 000 $ dans la création d’un service de commandes et de livraisons pour contrer l’invasion des entreprises étrangères qui offrent le même service, il s’agit d’une extraordinaire initiative.

Cette idée, qui me rappelle celle des vélos-cargos électriques, est tout à fait souhaitable. On espère que le réseau de restaurants qui en feront partie sera vaste et varié.

La mairesse Valérie Plante a d’énormes chantiers devant elle. Il y a la relance du secteur commercial, la relation avec les policiers et l’énorme défi de l’itinérance.

À ce sujet, lors de la conférence de presse de vendredi, la romancière Marie Larocque, figure bien connue du monde de l’itinérance, est venue au micro pour déplorer le fait que la Ville de Montréal a fermé le campement du boisé Steinberg alors que beaucoup de sans-abri refusent d’aller dans les refuges.

L’attachée de presse de Valérie Plante a tenté de faire taire Mme Larocque. La mairesse a esquissé une réponse avant de dire qu’elle essaierait de lui parler après la conférence de presse. « Vous comprendrez que la mairesse de Montréal a un horaire très chargé », a-t-elle ajouté en parlant d’elle à la troisième personne.

« Je comprends que la mairesse de Montréal a un immense problème », a répliqué Marie Larocque.

On venait de brutalement rappeler à Valérie Plante que son rôle est de régler les problèmes. Pas de les utiliser pour mener des jeux politiques.