Cette vache, en apparence ordinaire, est… miraculée.

Elle appartient à Marc Lessard, producteur laitier de Saint-Joseph-des-Érables, en Beauce. De toutes les têtes de bétail qu’il possédait, c’est la seule qui a survécu à l’incendie qui a détruit la ferme familiale, il y a deux ans. Les 184 autres sont mortes brûlées.

Elle ? Pas la moindre égratignure.

Après l’incendie, M. Lessard l’a confiée à des producteurs voisins. Et chaque fois qu’il allait la voir, elle le reconnaissait et venait vers lui. « J’ai un attachement à cette vache-là, confie-t-il. On aimerait ça que toutes les vaches soient comme ça, mais non. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le nom de la vache miraculée est 7085, mais son veau qui naîtra dans trois mois s’appellera Phénix.

Deux ans plus tard, 7085 – c’est son nom – reprend du service dans l’étable que Marc Lessard a entièrement rénovée au cours de la dernière année : « C’est un nouveau départ de l’entreprise familiale avec, en vedette, la seule vache qui a survécu à l’incendie de 2019 », a-t-il écrit sur Twitter, sous un portrait de famille, avec sa fille, sa sœur, son beau-frère et ses neveux.

Comment ce bovidé a-t-il réussi à échapper au feu ?

On l’ignore. Personne ne se trouvait sur les lieux quand l’incendie s’est déclaré le soir du 22 mars 2019. C’est en faisant sa tournée avant d’aller se coucher, à 22 h, que M. Lessard a vu les flammes dévorer l’étable. « Je revenais du village. Ça s’est fait vite. » Trop vite pour qu’il puisse intervenir.

« On ne sait pas, officiellement, par où la vache est sortie de la ferme. Elle n’avait aucune brûlure. Elle était en pleine forme après le feu », dit l’agriculteur.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marc Lessard, sa « vache préférée », avec son beau-frère Sylvio Guay et sa nièce Laurence

On avait une ventilation naturelle, des panneaux de plastique qui s’ouvraient. Elle doit avoir sauté au travers de ça pour se sauver.

Marc Lessard, producteur laitier

Depuis, elle a donné naissance à deux veaux, un par année. Le prochain est attendu dans trois mois.

M. Lessard a décidé de le nommer Phénix, nom de cet oiseau mythique qui renaît toujours de ses cendres. « C’est la continuité », explique-t-il.

La décision de reprendre la production laitière n’a cependant pas été facile. « Les six premiers mois ont été durs. » À 42 ans, sans relève, Marc Lessard a très sérieusement songé à tout abandonner.

Son père, avec qui il travaillait depuis toujours, a 72 ans. Et ses filles de 17 et 18 ans, l’une en 5e secondaire en sport-études de tennis, l’autre au cégep, ont d’autres projets en tête. Elles ne sont « aucunement intéressées » par l’idée de suivre les traces de leur père, de leur grand-père et de leur arrière-grand-père.

Après le feu, j’ai fait plusieurs petites jobines. Avoir un boss au-dessus de moi, c’est… non. Je suis fait pour la nature. C’est ma branche, la production laitière. J’ai ça dans le sang.

Marc Lessard, producteur laitier

Dans l’intervalle, il a appris que ses neveux de 8 et 10 ans pourraient vouloir prendre la relève un jour. « C’est de la relève familiale pareil, mais c’est les enfants de ma sœur », résume-t-il.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marc Lessard a entièrement rénové l’étable de sa sœur qui n’était plus en exploitation depuis deux ans.

En mars 2020, il a donc décidé de rénover l’étable de sa sœur plutôt que de reconstruire celle qu’il possédait avec son père, à 2 km de là. La ferme, ultramoderne, « très 2021 », comme il dit, est équipée de deux robots de traite, un investissement majeur de 450 000 $.

Aujourd’hui, M. Lessard possède 60 vaches, dont 7085, qui a 5 ans, et compte en acheter une vingtaine d’autres.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

M. Lessard a fait l’acquisition de 60 vaches.

En quoi la robotisation simplifie-t-elle son travail ?

« Je commence à 6 h, mais je finis à 4 h 30 au lieu de 7 h, répond-il. À 7 h le soir, je regarde mon téléphone pour voir si je dois retourner sur la ferme, s’il y a un pépin ou non. Ça fait trois jours que je n’y retourne pas. » En effet, le système robotisé envoie un message d’alerte sur le portable du cultivateur quand il y a un problème.

Un robot peut traire de 50 à 70 vaches par jour. « C’est merveilleux quand tu penses à ça, lance-t-il. La vache va toute seule se faire traire. Elle a de la moulée au robot qui la gâte. La vache qui veut y aller cinq fois parce qu’elle est prête à donner son lait, elle va au robot et se fait traire. »

Autre avantage : elle est tout le temps traite de la même manière, parce que le robot « reconnaît » les vaches et s’adapte à chacune, ce qui limite les risques de blessures. « Si la pulsation pour masser le trayon doit être plus lente, le robot le détecte et ajuste les paramètres de traite en conséquence. La robotique, en 2021, j’encourage tous les producteurs à aller vers ça », conclut-il.