(Montréal) Les enfants des Premières Nations sont parmi les plus à risque au Québec de voir leur développement compromis : leurs parents rencontrent bien des obstacles que n’ont pas les autres familles québécoises pour obtenir des soins et des services pour les aider — sans oublier la discrimination.

C’est l’un des constats d’un grand portrait publié cette semaine par l’Observatoire des tout-petits qui recense les différentes politiques publiques visant à assurer leur bien-être.

Si certaines barrières d’accès aux services sont communes pour tous les petits Québécois de 0 à 5 ans, par exemple les longues listes d’attente pour certains médecins spécialistes, certains problèmes sont uniquement, ou plus particulièrement, le lot des bambins autochtones.

C’est le cas des logements insalubres ou trop exigus où de jeunes enfants habitent.

« Les Autochtones sont ceux qui ont les plus gros problèmes de logement au pays. Et de loin », a spontanément lancé Dre Marie-France Raynault, médecin spécialiste en médecine préventive et en santé publique, qui a grandement collaboré au rapport de l’Observatoire, un projet de la Fondation Lucie et André Chagnon.

Ce problème se fait sentir autant dans les communautés nordiques que dans une grande ville comme Montréal, note-t-elle. Dans les premières, les habitations sont rares vu le coût de construction très élevé. En milieu urbain, les membres des Premières Nations rencontrent un autre obstacle : la discrimination.

Il est déjà difficile de se trouver un logement adéquat quand on a de faibles revenus, explique-t-elle, mais ces Québécois se butent en plus à la discrimination des locateurs qui ne veulent pas d’eux.

Les conséquences pour les tout-petits sont énormes : la tuberculose est endémique dans certaines communautés autochtones alors que les logements surpeuplés contribuent à sa propagation. Ceux-ci font aussi en sorte que les enfants n’ont pas d’endroit tranquille pour faire leurs devoirs et il est démontré qu’un logement exigu est un facteur de risque pour l’inceste, rapporte la docteure qui était responsable du volet logement du rapport.

Pour les femmes des Premières Nations victimes de violence conjugale, celle-ci peut être exacerbée par un logement trop exigu où habitent trop de personnes. Il peut être ardu pour elles de quitter cette violence avec leurs enfants si elles ne peuvent trouver un autre logement.

Il y a aussi beaucoup d’autres difficultés que les familles des Premières Nations sont seules à vivre.

L’une d’entre elles est le fouillis administratif : vu leur statut de membres des Premières Nations, elles doivent constamment se demander si c’est-ce le gouvernement fédéral ou le provincial qui offre ce service à leur enfant. Doivent-elles l’obtenir auprès de l’un, pour se faire rembourser par l’autre ? illustre Médérik Sioui, gestionnaire des communications de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL), qui a collaboré au rapport de l’Observatoire.

« C’est une situation très complexe », juge-t-il.

La question de la langue est également très importante, souligne-t-il. Mais il est difficile pour ces familles autochtones de recevoir des services dans leur langue. Dans les hôpitaux, il y a parfois des interprètes, mais cela a ses limites, souligne M. Sioui.

Et il y a toute la question des services spécialisés non disponibles, comme les orthophonistes. Souvent, ils ne sont offerts qu’à l’extérieur de la communauté — car il est ardu de recruter ces spécialistes en région éloignée — et les parents ne savent pas toujours comment procéder.

La difficulté existe aussi pour les soins de santé : M. Sioui rapporte le cas d’un enfant très malade de la Côte-Nord qui ne pouvait être traité que dans un hôpital de Québec. Ses parents sont venus habiter pendant un an à côté de l’hôpital, une situation « dure sur le plan humain, mais aussi financier ».

Il craint que les difficultés rencontrées pour l’obtention des services ne créent des retards dans les diagnostics de certains troubles d’apprentissage ou de développement : On parle beaucoup de la nécessité « d’agir tôt » pour les tout-petits, mais pour agir, il faut que ce soit détecté tôt, soutient-il.

Il dit connaître une communauté qui a reçu du financement pour mettre en place le « Programme Agir tôt » du gouvernement du Québec, mais qui n’a pas réussi à recruter le personnel nécessaire pour le déployer.

L’insécurité alimentaire est aussi beaucoup plus élevée chez les Premières Nations, présente dans un quart des familles, rapporte M. Sioui. Les Autochtones ont un revenu médian plus bas que les autres Québécois (47 % des enfants des Premières Nations vivent dans la pauvreté au Canada, contre 18 % des autres enfants) et la nourriture est aussi beaucoup plus chère en région éloignée.

Mais à la fois M. Sioui et Dre Raynault se réjouissent des projets, nombreux, créés de toutes pièces par les communautés autochtones. « Il y a beaucoup d’initiatives incroyables », dit Dre Raynault.

M. Sioui relève des politiques gouvernementales qui aident les communautés : il souligne le programme de santé maternelle et infantile (SMI) « qui a eu de bons impacts », ainsi que les initiatives de services de garde (des CPE autochtones) qui « ont changé la donne », selon lui.

Il cite aussi toute la mise en œuvre du « Principe de Jordan », qui commence à donner des résultats, juge-t-il. Cette règle juridique vise à permettre à tous les enfants des Premières Nations au pays d’avoir accès aux produits, aux services et au soutien nécessaires au moment opportun et de façon adaptée à leur culture. Il vise une égalité réelle avec les autres enfants. Ça commence à faire beaucoup de bien, notamment pour les soins médicaux spécialisés, car les listes d’attente sont très longues, a indiqué M. Sioui.

Dans son rapport, l’Observatoire des tout-petits met l’accent sur la nécessité d’abattre les barrières qui empêchent les familles plus vulnérables de se prévaloir des programmes qui existent pour elles, notamment en faisant connaître leur existence auprès d’elles.